En CR, nous avions émis l'idée de réagir autour d'une grande question croisant nos contenus d'enseignement, avec nos spécificités disciplinaires.
Cela pourrait peut-être permettre la constitution d'un texte collaboratif, qui montrerait les différents regards portés par les disciplines sur une grande question que se poserait l'élève à l'école et que nous pourrions intégrer dans le dossier "L'élève à la croisée des disciplines".
Nous vous proposons de réagir et d'écrire sur les représentations du monde que nous construisons dans nos disciplines. C'est d'ailleurs un des nouveaux domaines de formation du projet de nouveau socle commun.
Voilà ce que dit exactement le texte: "Le cinquième domaine du socle commun rassemble les connaissances et compétences qui permettent à l’élève d’acquérir tout à la fois le sens de la continuité et de la rupture, de l’identité et de l’altérité. Il s’agit d’acquérir les repères indispensables pour se situer dans l’espace et dans le temps, de s’initier aux représentations par lesquelles les hommes tentent de comprendre le monde dans lequel ils vivent, de commencer à identifier les façons dont ils l’organisent et d'en percevoir les enjeux."
L'enjeu est clairement inter- ou pluri-disciplinaire: quel regard portons-nous sur le monde, avec notre lecture disciplinaire de ses représentations?
Dans la discipline "français", les regards sur le monde sont sans doute divers selon qu'on envisage l'angle de la maitrise de la langue, de la compréhension des écrits, de l'expression orale ou de la littérature.
Mais on est loin d'être tous d'accord, bien entendu, entre enseignants de français. S'agit-il d'abord d'entrer dans un monde de règles, où il s'agit de se soumettre: à un code, à des manières de dire, à des contraintes académiques? Ou d'abord de pouvoir maitriser des outils permettant de produire un discours personnel sur le monde? Au CRAP, on aura tendance, je pense, à privilégier la seconde dimension, mais la première doit rester présente, d'où par exemple des exigences de rigueur, pas seulement au niveau de l'orthographe ou de la syntaxe (tout en sachant que celle-ci varie contrairement aux normes orthographiques, selon les contextes), mais aussi dans la lutte contre les stéréotypes, les "facilités" de langage, la langue de bois, les discours creux, etc.
Comprendre les écrits, grâce à la lecture, c'est pouvoir pénétrer dans la pensée de l'autre, c'est la possiblité de se décentrer. Une définition de l'OCDE pour PISA met en avant cette interaction entre ce qu'on apprend du monde et des autres et sa propre subjectivité . Là se trouve l'acte de lire. Umberto Eco dans "les limites de l'interprétation" avait bien souligné la tension qui doit exister entre être trop soumis au texte , en le prenant au pied de la lettre, à la manière des intégristes musulmans lisant le Coran -cette comparaison est de moi, pas de U.E.- et ne pas l'être assez, surinterpréter (comme le note U.E., on ne peut pas dire qu'un texte a été influencé par un auteur...pas encore né au moment où le texte est écrit, etc.)
L'expression orale est un peu un parent pauvre, et pourtant la discipline français devrait développer cette dimension , en fournissant aux autres disciplines une expertise particulière: différence oral/écrit, critères de réussite d'une parole pertinente ou convainquante, etc
Enfin, la littérature: celle-ci devrait avoir pour fonction, du moins à l'école, de faire pénétrer dans le monde de la culture, avec d'autres disciplines, mais au sens où celle-ci suscite des questions, interroge plus qu'elle ne fournit des réponses. AInsi en troisième, l'étude des textes autobiographiques n'a d'intérêt que pour organiser la rencontre entre ces écrivains qui pratiquent le mentir-vrai en parlant d'eux-mêmes et soi, adolescent, qui aime parler de lui, ou n'ose pas le faire, qui découvre que d'autres peuvent aussi exprimer des pensées et sentiments similaires à soi-même. La littérature n'est pas le domaine du "gratuit" mais est au contraire très utile en ce sens qu'elle aide à se connaitre, à connaitre, à comprendre. Et la dimension fiction peut être au service des autres disciplines, car rien ne vaut parfois un bon récit pour faire comprendre, etc (d'où l'articulation à constituer ou reconstituer au collège entre narrations et textes explicatifs)
quelques éléments donc, qui mériteraient bien sûr d'être fouillés, discutés. A vos rebonds....