Ce fil est en édition sur Plume depuis le dim, 01/03/2015 - 07:33

Ingrid Valansot

propos recueillis par F Colsaet

 

Pour la publication :

pour la signature : Une enseignante de l’école d’Oppède (84)

 

infos pour la rédaction

nom : Ingrid Valansot

adresse : 49 chemin du Roumiguier 84560 Ménerbes

mail : ingrid.valansot@orange.fr

tel : 06.76.75.55.93 ou école 04 90 76 93 45

 

-----------------

Quelles pratiques d’interdisciplinarité avez-vous ?

Je travaille beaucoup par projets. Ces projets sont construits, préparés, en définissant les items du socle et les éléments des programmes qu’ils visent à travailler et à évaluer. Par exemple, cette année, nous avons un projet école et cinéma, qui met en jeu différentes compétences de maitrise de la langue (dire à l’oral, écrire, travail sur le vocabulaire), mais met en jeu aussi des connaissances d’histoire des arts, et des compétences du socle : respect des autres, des règles de vie sociale, autonomie ; et même la mise en œuvre de l’anglais, avec une projection de film en VO, précédée d’un travail préliminaire sur le vocabulaire.

Ce type de projet donne une cohésion dans les apprentissages. D’autres projets permettent d’inclure aussi des savoirs d’autres disciplines : l’histoire, les sciences par exemple à travers des exposés de classe sur des thèmes liés au XIX ième siècle : la machine à vapeur, la photographie.

Les projets donnent du sens, mettent en évidence aussi les transferts possibles : écrire une lettre adressée à une personne handicapée qu’on a reçue dans la classe dans le projet autour du handicap, ce n’est pas un exercice d’écriture à vide, c’est ancré dans la rencontre avec cette personne, mais on prend conscience en même temps que cela peut « servir » pour écrire toutes sortes de lettres.

Bien sûr, il y a aussi des « leçons », pour travailler la lecture, la grammaire, les maths, etc. mais je travaille aussi par ateliers sur ces différentes disciplines. Ces ateliers peuvent, dans certains cas, faire écho à ce qu’on a travaillé en projet, par exemple en utilisant les mêmes textes.

Faire des « leçons » sur tous les éléments des programmes, travailler séparément chaque notion et chaque compétence, cela serait beaucoup plus preneur de temps, et beaucoup moins motivant pour les élèves. Par contre la mise en place des projets exige une organisation stricte du temps, un équilibre entre les périodes, il faut s’y tenir.

 

Les disciplines peuvent-elles toutes apparaitre dans les travaux interdisciplinaires ? Qu’est-ce qui fait que des collègues s’impliquent plus ou moins dans ces pratiques interdisciplinaires, cela est-il en particulier influencé par leurs formations disciplinaires initiales ?

 

Il y a dans l’école, en maternelle et au CE, des projets qui incluent des aspects des sciences (sur l’eau) et aussi des arts. Au CP il est plus difficile de mettre en place des travaux de ce type, en raison des objectifs cruciaux de ce niveau (apprentissage de la lecture). Par contre, effectivement, je trouve plus difficile d’inclure des maths dans des projets. Il ne me semble pas que cela soit lié à la compétence mathématique des enseignants : même sans formation particulière en maths, je pratique avec plaisir des défis-maths ou des choses comme cela, mais cela reste des activités disciplinaires. Peut-être la difificulté à inclure des maths dans les projets est-elle plus due à la matière et les notions à enseigner, qui s’y prêtent moins : comment inclure les techniques de comparaisons de décimaux, par exemple, dans uen activité interdisciplinaire ? Peut-être avons-nous besoin qu’on nous montre en formation comment inclure des maths dans des projets, qu’on nous en donne des exemples.

 

Pour le dire franchement, l’IUFM ne m’a rien appris pour cela. Les difficultés qu’on peut avoir face à des disciplines dont on n’est pas spécialiste, ce n’est pas tellement un problème de « niveau de maitrise » de la discipline en question. C’est surtout dans les aspects didactiques que la formation initiale doit apporter des aides. Pour le reste, il faut une motivation, une implication personnelle pour se lancer : par exemple, je me suis investie dans le théâtre, et j’ai beaucoup appris par moi-même. En arts plastiques aussi, je sais que ma formation trop légère fait que je manque de ressources personnelles : il me faut beaucoup de temps de recherche, pour trouver des idées, des informations que je puisse utiliser pour le projet. Mais je trouve que c’est important, alors je prends le temps de le faire. Dans le projet sur le handicap, par exemple, j’ai recherché des exemples de peintres aveugles (qui travaillent en fait beaucoup sur le relief) pour faire travailler les élèves sur ce sujet.

 

Au-delà des projets interdisicplinaires, la polyvalence des enseignants de l’école a-t-elle des limites ?

Les enseignants du primaire sont polyvalents, et c’est bien : ils doivent pouvoir investir également toutes les disciplines, et les utiliser dans les travaux interdisciplinaires. La seule réserve est peut-être en langue : je suis au départ formée en anglais, j’aime beaucoup inscrire mes élèves aux « chalenges » langues chaque année, et j’inclus de l’anglais dans beaucoup d’activités en classe, pas spécifiquement dans les projets. Mais les collègues qui n’ont pas toujours été bien formés en langues, particulièrement ceux qui ont de l’ancienneté dans le métier, ont, à mon avis, plus de difficultés à enseigner cette discipline.

Je concevrais assez bien qu’un échange permette de placer un enseignant plus à l’aise en anglais devant les élèves, dans leur intérêt. De même, dans l’intérêt des élèves, ici, la lourde classe Grande section-CP est coupée en deux à certains moments en maths, la partie Grande Section est prise en charge par l’enseignant de petite section (sur une période de sieste) pour faire des maths sous forme de jeux, pendant que la partie CP travaille en maths aussi avec son enseignante habituelle. Ces échanges ne sont pas des pratiques de « confort » pour les enseignants, mais pour une meilleure qualité des apprentissages des élèves.

 

Le fait de ne pas se sentir très à l’aise soi-même dans une discipline peut-il dans certains cas, être un « plus » pour aider les élèves ?

En fait, j’essaie d’aider les élèves en travaillant sur leur motivation. Dans mon expérience personnelle, je sais l’atout qu’a été pour moi une motivation précoce pour l’anglais. J’essaie d’utiliser les projets pour stimuler ce type de motivation, dans les disciplines qui semblent plus arides aux élèves : par exemple, en histoire. Cela les aide de travailler en projets, de rechercher eux-mêmes des informations, de faire des exposés sur des biographies de personnages, de travailler une pièce de Molière en théâtre en évoquant la cour de Louis XIV, de faire une étude sur les jardins à la française, en arts plastiques, et même avec de la géométrie !

 

En conclusion, que retenir ?

L’interdisciplinarité est l’avenir de l’école ! Il faut que les Espé forment les futurs enseignants à travailler en projets, en ateliers (cela serait bien un dossier des Cahiers sur le travail par ateliers !) ; développer aussi, (ce qui se pratique ici avec le soutien de la hiérarchie), les « regards croisés » : aller dans les classes d’autres collègues, dans d’autres écoles, les recevoir dans sa classe, sans idée de « critique », mais avec l’objectif de se saisir chacun de ce qu’on voit de bien chez ses collègues. C’est aussi ainsi que les pratiques peuvent évoluer.