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La Science, c’est voir la vie autrement

Lorsqu’on aborde le sujet de l’EIST(enseignement intégré des sciences et technologies), on s’interroge souvent sur d’éventuelles difficultés pour les enseignants de traiter une discipline qui n’est pas la leur mais on se questionne moins souvent sur la vision de la science qui est transmise aux élèves à travers cet enseignement intégré. L’EIST change-t-elle la perception de la science par les élèves ?

 

La séance d’EIST vient de se terminer. A partir de l’observation de la formation de cristaux de sel au microscope, les élèves se sont interrogés sur l’organisation de la matière. Quelques manipulations, maquettes et micrographies plus tard, nous avons conclu que la matière est composée de minuscules particules, les atomes.

Alors que je suis en train de ranger le matériel, Ahmed, en quittant la salle, s’approche de mon bureau et demande : « Monsieur, on va en faire, cette année, de la chimie ? »

 

Plutôt que lui répondre qu’étudier la matière est le principe même de la chimie, je l’interroge à mon tour : « C’est quoi, pour toi, la chimie ? » Je connais déjà la réponse : la chimie, c’est des « expériences », si possible en mélangeant des produits colorés, qui fument et qui, avec un peu de chance, exploseront.

 

Chaque année, à la rentrée, j’aborde le premier cours avec les sixièmes en leur demandant ce qu’est, pour eux, un cours de sciences.

La majorité me répond : c’est faire des expériences, de la chimie, étudier le corps humain, la nature et les planètes. Réponse qui est un mélange des sujets qu’ils ont abordés au primaire et de ce que les médias et la culture populaire (films, bds) véhiculent : le prof en blouse blanche, des dissections de souris et des expériences qui tournent mal.

 

Un des avantages souvent cités de l’EIST, qui découle de « la Main à la pâte », est de mettre en oeuvre une démarche d’investigation à partir de questions scientifiques issues du monde qui nous entoure. On parle moins de ce que cet enseignement transdisciplinaire induit comme représentation de la science chez les élèves, science comme discipline scolaire et science comme méthode et connaissance.

 

J’ai interrogé mes élèves de 3e sur ce que représentait la science pour eux. Ces élèves ont été les premiers « élèves EIST » de notre établissement. Ils ont suivi cet enseignement scientifique en sixième et cinquième. Pour être exhaustif, il faut aussi préciser que nos élèves ont l’habitude de l’interdisciplinarité et donc d’aborder des questions scientifiques en lien avec d’autres disciplines.

 

Leurs réponses montrent, d’après moi, l’influence de l’EIST. Aucun ne divise la science en disciplines scolaires (svt, sciences physiques, technologie). Alors même qu’à partir de la 4e, science et technologie sont deux enseignements distincts, ils continuent d’associer les deux (la science, c’est des recherches et des inventions)

Pour une majorité d’entre eux, la science explique le fonctionnement du monde. Elle ne se cantonne pas à des sujets « scientifiques » (l’univers, les maladies, les volcans) mais a une portée plus large. La science n’est plus vue en tant que discipline mais en tant qu’état d’esprit (scientifique), presque de philosophie. Elle répond à des questions qui restent, parfois, sans réponses.

 

Ce dernier point est particulièrement lié à l’EIST. En effet, abordant tous les aspects d’un problème scientifique, ils nous arrive souvent, à nous enseignants, de ne savoir répondre dans l’immédiat à une question soulevée par un élève, surtout et souvent quand elle se pose dans un champ scientifique disciplinaire qui n’est pas le notre. Selon la question, on leur demandera alors de chercher eux même une réponse ou de se tourner vers le collègue spécialiste.

Intuitivement, presque naturellement, nous abordons alors, enseignants et élèves, la science comme un questionnement nécessitant une recherche (la démarche d’investigation) mais aussi une somme de connaissances accumulées (l’enseignant « spécialiste »)

 

 

Coordonner l’enseignement intégré, pas si simple....

 

Nous venons de nous concerter. Nous avons fixé les objectifs de la séance, la problématique, les manipulations, les documents à utiliser. Nous avons donné échangé savoirs et méthodes. Nous sommes prêts à faire un cours d’EIST, que nous soyons professeur de svt, de sciences physiques ou de technologie.

 

La séance vient de se terminer. Nous en discutons entre nous. Les manipulations se sont bien déroulées, certains élèves ont émis des hypothèses non prévues mais nous avons pu gérer. Nous sommes assez contents de nous.

 

Quelques jours plus tard, en aide au travail, deux élèves demandent un conseil pour résoudre un exercice de « sciences et technologies ». Ils appartiennent à deux groupes différents. On leur suggère d’ouvrir leurs cahiers pour chercher l’explication manquante…

Et là…. On s’aperçoit avec stupéfaction que les deux cours sont différents… On repère du premier coup d’oeil ici le cours du professeur de technologie, là celui du professeur de svt…. Et pourtant, on s’était concerté ! On s’était coordonné !

 

Au début, cette constatation nous a consternés. Nous avons repris nos cours, nos préparations de séances, nous avons examiné à la loupe le cahier d’expériences des élèves.

Nous avons vu que sur certains points, nous n’avions pas été assez précis, notamment dans les connaissances. Prenez le mot « matière » par exemple. Ou « énergie ». Aucun enseignant de sciences ou de technologie ne conçoit le besoin de l’expliquer ou de se le faire expliquer… Et pourtant….

 

Nous avons donc réexaminé les concepts, traqué les représentations, explicité, toujours et encore. Ce fut surprenant. Ce fut enrichissant.

 

Aujourd’hui, les cahiers des élèves sont toujours différents. On reconnait toujours l’empreinte « svt » ou « technologie ». Mais Les concepts, les méthodes sont identiques. Les cahiers sont différents, certes, mais pas plus que deux cahiers de français de deux enseignants différents.

 

Beaucoup d’enseignants ont peur de se lancer dans l’EIST par manque de connaissances dans certains domaines scientifiques. Mais ce qu’ils ne savent pas n’est pas un problème : il y a toujours un collègue pour expliquer. Non, l’écueil se situe plutôt sur ce qu’ils pensent savoir et qui est parfois différents d’une discipline à l’autre. Ce qui en dit long sur la cohérence des programmes disciplinaires.

 

Pour moi la Science, c’est …

réponses données par écrit, sans réflexion préalable en un temps très court (5 minutes) par des élèves de 3e

 

… tout et c’est partout. Elle répond à toutes les questions

 

… des expériences, des laboratoires, des blouses blanches

 

… des questions sans réponses

 

… une matière qui réunit toutes les choses de la vie : l’espace, la nature, le corps, la Terre…

 

… Comprendre la vie et tout ce qui se trouve autour de nous

 

… les questions qu’on peut se poser durant notre vie et le fonctionnement de toutes les choses

 

Elle sert à faire évoluer le monde. C’est un privilège pour l’Humanité

 

… des recherches, des inventions qui servent à faire avancer le mode de vie, les connaissances générales qui nous servent à mieux comprendre ce qui nous entoure. Seulement parfois la science crée des inventions qui font du mal à la société.

 

… faire des expériences

 

… l’apprentissage des choses dans le monde qu’on ne connait pas et qu’on savait pas expliquer auparavant

 

…guérir des maladies

 

… voir la vie autrement, savoir des trucs que d’autres ne savent pas

 

…ce qui nous permet d’avancer



Paroles d'élèves du collège Clisthène de Bordeaux