L'interdisciplinarité : Une solution pour le travail d'un enseignant remplaçant ?
Professeur des écoles titulaire, puis « itinérante », Sylvie Baud-Stef raconte comment l'interdisciplinarité lui permet, lors de remplacements courts, de donner un peu plus de cohérence à ses enseignements. Elle nous emmène dans sa classe...
Ce jour-là je suis envoyée en remplacement pour plusieurs jours dans une classe de CM1-CM2, la durée n'est cependant pas encore définie. En arrivant dans la classe, je me rends compte que l'enseignante, ayant dû s’absenter en urgence, n’a pas laissé de consignes. Sur l’emploi du temps, une séance de géographie est prévue pour l'après-midi. Je consulte la programmation et les cahiers des élèves pour voir où ils en sont. Je dois faire en sorte de travailler dans la continuité de la progression prévue par la maîtresse sans trop interférer avec ses séquences en cours. Après réflexion, je décide de partir d'un thème central et de le décliner en fonction des notions à aborder tout au long de mon remplacement : ce sera la ville de Paris.
Paris : un thème fédérateur pour tous les enseignements
Dans un premier temps les élèves doivent localiser différents sites sur plan et/ou sur internet et les identifier rapidement. L'analyse de photos permet alors de préciser la notion de paysage urbain. Puis, l'identification de certains monuments tels que la tour Eiffel, la cathédrale Notre Dame, le musée du Louvre, l'Arc de triomphe... conduit à aborder la notion de tourisme en tant qu'activité économique. Grâce aux photos des palais Bourbon, du Luxembourg, de L'Elysée, de l'Hôtel Matignon les élèves sont amenés à travailler sur les institutions et principes de la 5ème république. Les séances de poésie portent sur l'analyse, l'écoute, la mise en voix de différents textes sur Paris. Chaque élève doit également en choisir et l'apprendre. En activité musicale après comparaison des chansons "Il est 5 heures, Paris s'éveille" interprétée par Jacques Dutronc et "J'aime plus Paris" de Thomas Dutronc, les élèves apprennent la première. En arts visuels, les élèves après analyse d'une reproduction du tableau "Les mariés de la Tour Eiffel" de Chagall et à partir de leurs observations de différents monuments sont invités à dessiner leur "Rêve de Paris".
Ce remplacement a duré en fait 10 jours au cours desquels les différentes séances se sont inscrites bien sûr dans la progression de l'enseignante titulaire mais pour un certain nombre se rattachaient aussi au même thème fédérateur. Ce projet, improvisé au départ, s'est déroulé logiquement. En approfondissant le thème de Paris les différentes entrées se sont articulées de manière cohérente. L'interdisciplinarité était quasi intrinsèque!
Des élèves qui adhèrent
Au départ la démarche a surpris les élèves, puis les a amusés et finalement leur a plu. Ainsi après le travail sur plan et internet, l’un d’eux a même déclaré : «C’est super, maitresse, comme ça quand j’irai à Paris, je ne me perdrai pas ! ». Beaucoup ont apprécié le travail sur les textes : ils devaient préparer une mise en voix, seul ou à plusieurs, puis la présenter aux autres. Les élèves exprimaient ensuite leurs impressions en essayant d’analyser ce qui dans les textes les conduisait à ce ressenti. Lors de leurs argumentaires, ils se référaient souvent à ce qu'ils avaient vu et lu sur Paris préalablement. Le travail en arts visuel fut aussi très riche et très intéressant. Chacun devait dessiner sa vision de Paris, donner un titre à sa production, puis également la présenter aux autres. Les élèves ont aimé ces deux activités certes parce que cela leur a permis de mettre en œuvre diverses compétences et d’acquérir de nouvelles connaissances, mais aussi parce qu’ils avaient une certaine liberté d'action pour découvrir de nouvelles choses.
L'adhésion de la classe à cette démarche interdisciplinaire a permis non seulement à chacun de mieux s'impliquer mais aussi de mieux comprendre des notions importantes et difficiles, notamment en éducation civique. Les principes de la 5ème république et le rôle des diverses institutions ne sont pas en effet choses faciles à appréhender et apparaissent souvent bien abstraites aux élèves. Mettre en relation des savoirs, pouvoir les rattacher à du concret, en particulier aux documents et aux photos vues sur internet les a aidés en les motivant et les intéressant.
Une articulation en douceur avec les habitudes de travail de la classe
Cette démarche a également donné une unité à mon intervention en tant que remplaçante. En déclinant dans différentes directions un même thème, une cohérence interne s'est instaurée, facilitant par là même la relation enseignante remplaçante-élèves. Un contrat tacite, une sorte de connivence se sont installés : on accepte la façon de faire de la maîtresse remplaçante dans sa continuité avec celle de la maîtresse de la classe mais aussi avec ses différences. Enseignante et élèves, chacun y trouve son compte, le climat de la classe s'en ressent ce qui ne peut être que bénéfique aux conditions d'apprentissage.
Ce type d'approche ne peut pas bien sûr être systématiquement mise en œuvre lors d'un remplacement. Si le titulaire de la classe a laissé des instructions très précises, on se doit bien évidemment de les suivre, mais lorsque les conditions et modalités de l'intervention le permettent il est réellement très intéressant de mettre en place une démarche interdisciplinaire. L'interdisciplinarité en effet offre une diversité, une richesse et une grande souplesse de fonctionnement. Pour trouver un thème fil directeur, un lien logique permettant d'articuler différentes séances devant être faites il peut suffire souvent de saisir l'opportunité qui se présente !
L'approche interdisciplinaire sur courte durée peut apparaître comme anecdotique et est bien sûr d'autant plus riche et bénéfique que la durée du remplacement est longue. Mais ce caractère même d'anecdotique est intéressant dans le travail d'un remplaçant qui n'est pas là pour "faire à la place" du maître titulaire, mais pour continuer à aider les élèves à avancer. Mettre en place une petite unité thématique interdisciplinaire, permet de travailler de manière transversale, cohérente et intéressante avec la classe, tout réduisant au maximum les interférences avec le travail enseignant titulaire qui pourra alors soit utiliser ce qui a été abordé, soit passer outre.
Sylvie Baud-Stef
professeur des écoles
