Ce fil est en édition sur Plume depuis le lun, 02/03/2015 - 07:48

De l’élève à la croisée des disciplines…à … l’élève à la croisée de son destin ?

 

 

En regardant vivre les mots.

Ces mots qui nous agissent autant que nous pensions les dominer

 

 

1. Croix vient du mot latin crux qui a le sens de « poteau », « gibet », voire « potence ».

 

Si chaque discipline était assimilée à une croix versus potence, le parcours scolaire de l‘élève ressemblerait à un chemin de croix. Vision judéo chrétienne de l’école où il serait nécessaire de souffrir à en mourir pour parvenir au terme d’un chemin non tracé par avance.

Etymologiquement le mot savoir – un des éléments constitutifs d’une discipline avec son paradigme, des faits, des notions, des lois, des théories, une méthode privilégiée - proviendrait de saveur. Alors, l’école placerait l’élève sur un chemin de croix, chemin hérissé de potences avec se balançant au fait de chacune d’elles la saveur de savoirs.

L’élève à la croisée des disciplines devient l’élève à la croisée de saveurs accrochées à des potences. Potences qu’il convient d’escalader si on veut décrocher des saveurs pour se les approprier.

Une double symbolique est impliquée. Une symbolique de la verticalité : grimper sur la potence pour s’en aller chercher la saveur d’un savoir, c’est un peu se hisser vers le ciel, vers le caractère sacré du savoir. Une symbolique de l’agilité nécessaire pour parvenir à grimper.

 

L’élève à la croisée des disciplines devient dès lors : l’élève à la rencontre de la saveur des savoirs dont il découvrira le caractère sacré qui sera goûtée en faisant preuve d’agilité. Sacré qui n’a rien à voir avec le religieux. Sacré qui désigne ce qui existe en dehors des choses ordinaires, banales, communes. Sacré qui s'oppose essentiellement au profane, mais aussi à l'utilitaire.

 

 

2. La croix est à la base de tous les symboles d'orientation. Elle réalise l'union des contraires : verticalement elle relie les pôles au plan de l'équateur; horizontalement elle met en rapport équinoxes et solstices.

 

Poursuivons notre exploration de cette symbolique de la croisée des chemins. Et convenons que l’élève avec les disciplines est à la croisée de deux chemins.

Premier chemin, celui d’une humanité en marche tentant à travers chaque discipline de découvrir un graal, certes savoureux, mais dont elle n’appréciera jamais la totalité de la saveur ; ce qui justement le rend savoureux. Jamais la biologie n’expliquera totalement la matière vivante, la physique la matière inanimée. Jamais l’histoire, quelle que soit la variété des points de vue n’épuisera une explication définitive du passé ou la littérature la complexité de l’âme humaine, ou l’art la totalité de la création, ou la philosophie l’abyme du doute. On a parlé précédemment du caractère sacré des disciplines. Une histoire sociale des disciplines et une approche ontologique de chacune d’elles en rendrait compte… en partie.

Second chemin, celui qui place chaque discipline dans une tension entre des pratiques sociales (le savoir au service de l’action) et un savoir académique (le savoir au service de la spéculation). La transposition didactique versus sociologie essaie d’en rendre compte.

 

 

3. Pour les alchimistes, la branche verticale, dressée, symbolise le principe masculin, et la branche horizontale, couchée, le principe féminin; leur conjonction est signe de vie.

 

Ne cherchons pas davantage : chaque discipline est bien vivante et l’élève à la croisée des disciplines, se trouve à la fois être fécondé et fécondateur. L’école apparaît dès lors comme la cause de la vie des hommes et la conséquence de leur existence. L’élève à la croisée des disciplines est situé en position d’alpha et d’oméga d’une pensée vivante qui ne s’éteindra pas.

 

 

Récapitulons. Les disciplines, mères des savoirs, impliquent pour en goûter pleinement la saveur, de l’agilité pour les recueillir. Cette saveur tend au sacré en mettant en tension l’agir et le penser positionnant l’homme comme créateur et enfanté de son destin.

L’élève à a croisée des disciplines : l’élève à la croisée de son destin.

Michel Develay

Professeur émérite des universités

 

N.B :

Jean-Michel Zakhartchouk ajoute : « la croix , c’est aussi le X et pour Victor Hugo : X, ce sont les épées croisées, c'est le combat; qui sera vainqueur ? On l'ignore; aussi les hermétistes ont-ils pris X pour le signe du destin, les algébristes pour le signe de l'inconnu. »