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Le CDI A LA CROISEE DES DISCIPLINES

Isabelle Valdher

 

Un lieu centralisateur

Comme les panneaux routiers aiguillent le voyageur à la croisée des chemins, le CDI est un lieu de redirection. Et l'élève peut y revenir à chaque étape d'un parcours scolaire, la stabilité géographique du lieu étant un repère fixe agréable et accessible. Quand les sonneries marquent des déplacements réguliers, des changements de salles, de professeurs, et que les emplois du temps varient d'une année à l'autre, le CDI offre lui une permanence de lieu et d'horaires rassurants. A l'image des salles de classe du primaire, il regroupe aussi les différentes ressources nécessaires au travail scolaire à portée de main (ou de clic) dans un seul lieu. Avec l'accompagnement bienveillant et formateur des acteurs du lieu. Géographiquement, un CDI est idéalement situé au cœur d'un établissement, littéralement « sur le passage » des élèves. Et si ce n'est pas le cas (parce que parfois l'architecture a des raisons que la pédagogie ignore), les professeurs documentalistes et les autres acteurs éducatifs vont déployer mille ruses signalétiques pour que le CDI reste un réflexe pour élèves et professeurs en quête d'informations. Centralisateur de ressources donc, mais aussi de méthodologie. Et les CDI sont par là même des outils privilégiés dans la construction de parcours, ou de cultures. En effet, qu'il s'agisse du parcours de lecteur, du  PIIODMEP (Parcours individuel d'information, d'orientation et de découverte du monde économique et professionnel), du PEAC (Parcours d'éducation artistique et culturelle) ou de la culture de l'information, l'enjeu est toujours une construction progressive, cohérente et personnalisée des compétences et connaissances. Comprenons par exemple la culture de l'information-documentation comme différentes étapes, déclinées en stades et en niveaux d'exigences vers des compétences d'ordres culturel, cognitifs et comportemental face à l'information. Le CDI sera alors le lieu central de la mise en œuvre de ces apprentissages, mêlant les formations interdisciplinaires, les séances info-documentaires menées par le professeur documentaliste, la complémentarité avec les partenaires extérieurs et les temps en seule autonomie de l'élève. Parce qu'il est un lieu fixe qui guide les élèves vers une multitude de ressources et les forme à leur utilisation pertinente et raisonnée, parce que des plans de formation sont mis en place par la politique documentaire qui englobe la scolarité entière de l'élève, parce que c'est le lieu idéal des progressions collaboratives, le CDI est le point de départ et de redirection de l'autonomie de l'élève.

 

Un lieu modulable

En écoutant certaines conférences sur les mises en place des « 3C », (Centre de Culture et de Connaissances), autrement appelés « Learning centers », on peut rêver des nouvelles expérimentations de l'évolution du CDI depuis la circulaire de rentrée 20121. Sauf qu'on pourrait être désabusés, une fois revenus sur terre, face aux manques de moyens et au décalage flagrant entre ces lieux utopiques de culture foisonnante, de design, de services (notion qui peut faire débat) et d'usagers idéalement autonomes et responsables. Parce que nos élèves sont parfois bien loin de ça. Qu'à cela ne tienne, les CDI sont déjà largement 3 étoiles, regroupant différents espaces et différentes temporalités dans un même lieu modulable. Capables de s'adapter aux différents usages qu'ils proposent, les lieux, mobiliers et matériels s'ajustent aux besoins (et que dire des profs docs!). La disposition d'un CDI varie facilement plusieurs fois dans la journée, compte des espaces variés et parfois différentes salles. Le professeur documentaliste orchestre en accord avec la politique documentaire de l'établissement ces transformations nécessaires pour mieux s'adapter aux demandes des élèves ou des équipes pédagogiques et éducatives. Dans notre établissement les agents connaissent bien cette valse des expositions, des dispositions des tables, des utilisations d'outils numériques et de communication qui mettent en lumière les différents sujets travaillés au CDI. Les meubles fonctionnels et combinables, les chaises légères et empilables, les roulettes, les panneaux escamotables, chaque astuce est traquée pour mieux changer le caractère du centre. Vitrine, salle d'exposition, lieu de formations externes ou internes à destination des élèves ou des adultes, salle de réunion, salle de cours, médiathèque, lieu de rencontres (si, si, voyez les récrés), lieu de choix pour les soutiens par les A.E ou les A.V.S, lieu privilégié pour les projets.....on dépasse largement les 3 visages du CDI. De l'élaboration à la communication, le CDI et ses différents profils possibles regroupe en un seul lieu les moyens nécessaires à la pédagogie de projets. Idéalement il compte assez de mètre carrés pour accueillir si les acteurs le souhaitent plusieurs séances en même temps sans qu'elle ne se gênent. Et quand ce n'est pas possible, on constate bien comme les agendas des CDI débordent, preuve évidente de l'attrait d'un tel lieu hybride. Cette polymorphie vise toujours le même but : s'adapter aux besoins des élèves et de l'équipe éducative, pour un maximum de temps pédagogiques ou éducatifs. Limiter les contraintes matérielles pour favoriser la rencontre des disciplines.

 

Un point de départ de collaboration entre les disciplines

Le CDI est par bien des aspects un outil de liaison entre les disciplines. Et pas simplement parce que la photocopieuse s'y trouve peut être, ou que les fauteuils y sont plus confortables. La raison majeure reste la variété des missions du professeur documentaliste, qui sait être un élément qui rayonne en interdisciplinarité. En assurant par exemple la diffusion de l'information au sein de l'établissement au moyen de médias variés, le réseau de communication dont il est acteur s'étend au delà des murs physiques du lieu CDI. Les outils de communication utilisés sont entre autres les ENT qui se déploient, mais il revêtent bien d'autres formes, comme celle de la lettre interne qui recense dans mon établissement l'actualité pédagogique et éducative de la semaine à venir et donne ainsi une visibilité à chaque action. Certains points de convergence comme l'éducation aux médias  ou à l'environnement sont considérés depuis longtemps comme étant à la croisée de plusieurs champs disciplinaires, et le professeur documentaliste sera le relais ou l'initiateur  des projets construits dans ces domaines. Mais grâce à son domaine de compétences en info-documentation, en maîtrise de la langue et en communication, il pourra aussi apporter son expertise à la grande majorité des projets, quelque soit le niveau ou les disciplines concernées. Il déploie par ailleurs une vision globale des disciplines qui lui permet d'être porteur de propositions pédagogiques innovantes. En effet, par son suivi régulier des actualités pédagogiques et culturelles, des événements nationaux et autres appels à projets, il propose une veille pédagogique à ses collègues. Lors de la mise en place de la politique documentaire qu'il pilote, il peut ainsi recenser et analyser les besoins, pour fournir les ressources documentaires et informationnelles de façon ciblée. Une vision d'ensemble des programmes, quand elle rendue possible par un temps commun à toute l'équipe de concertation et d’alignement des progressions, permet de construire des ponts. Les projets interdisciplinaires peuvent ainsi voir le jour, et le professeur documentaliste, en plus d'être un professeur stratégique dans l'enseignement des outils, peut faire en sorte que le CDI apporte des ressources actualisées et jusqu'à un lieu de communication aux projets ainsi élaborés. Les expositions du CDI dans mon établissement sont ainsi proposées en lien avec les alignements, soit parce qu'elles en découlent, soit parce qu'elles les initient. La collaboration entre disciplines est un objectif long à atteindre, mais le CDI est un outil formidable pour y parvenir. Quand il est utilisé en accord avec le professeur documentaliste comme lieu de « réunion » au sens large du terme, avec un réel souci de convivialité et d'efficacité conjuguée, quand les collègues d'un même établissement commencent à parler de « notre » CDI et le distinguent avec discernement de la fusion exclusive archaïque d'avec le professeur documentaliste, alors la collaboration entre les disciplines est en bonne voie.