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Entrer par le climat scolaire pour faire vivre le socle commun

L’objectif de cet article est d’inciter les réseaux à se saisir de façon originale du socle commun : l’approche par les compétences 6 et 7 constitue finalement une approche consensuelle. L’entrée par la vie à l’école  permet de dépasser les querelles des territoires disciplinaires,  pour réinterroger le sens donné aux apprentissages. L’exemple du réseau Nanterre-République

Vincent Carayol, CPE, Patrice Leroy, Principal, Caroline Veltcheff, IAIPR EVS

Revivifier la question du socle commun et de l’école commune ne peut se passer d’un discours cohérent entre l’école et le collège sur la vie quotidienne et le climat relationnel élèves,  adultes.

L’entrée par le climat scolaire, notion nouvelle dans le paysage éducatif français, constitue un angle d’approche intéressant pour surmonter clivages et malentendus de toutes natures qui surgissent dans la pratique quotidienne. La tenue d’une parole claire sur la nécessité du collectif et de son organisation est constitutive du socle commun.

Les constats de départ

Tout commence par la scission d’une cité scolaire de Nanterre, à la réputation lourde et aux performances décevantes (taux de réussite au D.N.B., orientation, nombre d’exclusions par conseils de discipline…). Le collège est reconstruit à neuf dans un quartier périphérique, bénéficiant d’une très belle architecture. Mais la nouvelle carte scolaire s’avère très défavorable au nouveau collège République et impose de faire vivre ensemble des élèves de barres d’immeuble, antérieurement scolarisés dans des établissements différents, se considérant comme appartenant à des cités ennemies.

Les écoles de recrutement connaissent d’importantes difficultés : un turn-over très rapide des enseignants, induisant une prise de pouvoir par les élèves dans l’une d’elles.

Les enseignants arrivent dans ce nouvel établissement, contraints et forcés. Le collège bénéficie cependant d’un atout important : ses deux C.P.E., connus pour avoir « sauvé » la vie scolaire totalement désorganisée du collège avant la scission et son déménagement. Ils bénéficient d’une large écoute et les enseignants les gratifient d’une franche confiance.

La première rentrée scolaire du collège République promet donc d’être complexe et difficile. Les exigences sont pourtant considérables : outre celles qu’impose toute ouverture d’un nouvel établissement, la mise en œuvre de la loi d’orientation pour l’école de 2005 impose de reconstruire la pédagogie autour du socle commun. Les professeurs doivent, par ailleurs, repenser leur enseignement en intégrant une dimension nouvelle, en septembre 2007, liée à la création du réseau de réussite scolaire.

Cette population scolaire difficile a tenu ses promesses durant les premiers mois suivant l’ouverture et les incidents attendus se sont révélés nombreux : agressions entre élèves, incivilités, dégradations, débuts d’incendies volontaires, incidents dangereux dans la navette scolaire RATP… Très rapidement l’évidence qu’il faudrait agir, pour protéger les élèves et pour obtenir un fonctionnement propice aux enseignements, s’est fait jour.

Proposé conjointement par l’IEN et l’IPR EVS, un diagnostic du climat scolaire des écoles aboutit à trois constats : méconnaissance du règlement intérieur d’école, qui ne constitue pas une référence collective, règlements de classes hétéroclites, élèves dans les couloirs, avec une application de la règle très hétérogène, une difficulté croissante et un climat scolaire en dégradation du CP au CM2.

Curieusement, les élèves arrivant en 6ème retrouvaient un comportement scolaire normé et semblaient accepter le cadre posé au collège. Suite à ce premier constat partagé avec les équipes, la question de l’amélioration du climat scolaire dans l’ensemble du réseau est devenue un enjeu majeur.

Décidées par le réseau au moment des comités exécutifs, des actions sont initiées pour améliorer le climat scolaire Un projet qui permettrait à tous de sortir par le haut en s’appropriant une démarche systémique. L’entrée par le cadre et la règle dans ce cas précis a un impact sur la « vie scolaire » mais également sur la dynamique de l’équipe de chaque école, du collège, encore mieux sur les relations entre les personnels au sein du réseau. Ce premier travail constitue la base même de la réflexion collective sur le socle : tout le réseau est convaincu que les conditions d’apprentissages importent autant que les contenus d’apprentissages.

Rendre vivant l’exercice du respect et de la responsabilité

Trois idées forces :

  • mieux connaitre le métier de chacun afin que tous se sentent investis d’une mission par rapport aux compétences 6 et 7 
  • construire un rapport positif à la règle pour tous
  • réagir et traiter tout manquement au règlement intérieur s’est imposé. Le climat scolaire dépend fortement d’un sentiment de justice à opposer au sentiment d’impunité et d’injustice.

Il s’agit alors de créer des rites et des habitudes génératrices de gain de temps et de compréhension. Un travail de suivi est donc indispensable et il faut accorder une attention particulière à ce qui est de l’ordre du structurant pour l’élève. La valorisation des comportements positifs a fait l’objet d’une réflexion collective et d’une information systématique aux familles.

L’importance de l’affectif : les compétences 6 et 7 en actes

Dans ces établissements marqués par les difficultés sociales, les relations  affectives apparaissent fondamentales. Il a fallu également multiplier les échanges avec les élèves. Les échanges réguliers deviennent une habitude pour l’élève, dans l’écoute ou dans le punitif,  des routines se créent ; la confiance naît, et le rapport à l’adulte évolue. Faire comprendre pour faire admettre, tel est souvent le résultat des entretiens avec les élèves.

La mise en projet  de l’élève et sa responsabilisation favorisent un bon climat scolaire. Placer celui ci dans une situation de réussite sans s’attacher à son niveau scolaire, aborder des connaissances citoyennes,  le mettre dans des situations de « vivre ensemble » intenses, ont permis développer ces moments de bien être au collège. Semaines d’intégration, classes à projets (chaque classe de 6ème porte un projet sur l’année), autant d’éléments qui permettent non pas de faire des compétences 6 et 7 des connaissances livresques, mais bien des compétences en actes.

Et pour les personnels ? Construire un règlement intérieur commun au réseau ?

Le début d’année est essentiel pour créer une dynamique d’équipe. C’est un moment que nous avons privilégié au collège République pour bien définir les attentes et les règles qui seront utilisées tout au long de l’année par l’ensemble des professeurs. Il est nécessaire d’utiliser des règles communes aussi bien pour les professeurs qui y trouvent assurance et gain de temps que pour les élèves qui y voient  justice et cadre.

Un accueil personnalisé avec les nouveaux enseignants a été systématisé ; des explications sur le fonctionnement général, les caractéristiques des élèves et les comportements à adopter face aux réactions des élèves placent le nouvel enseignant dans un contexte  moins inconnu et plus maitrisé et donc plus maitrisable. De même, un travail personnalisé avec chaque professeur principal  va  permettre gain de temps  et justesse dans leurs interventions pédagogique et éducative.

La mise en place d’un référentiel d’exigences communes  a permis de créer des routines et des rites dans le fonctionnement de l’établissement. Il s’agit de définir ensemble les exigences qui doivent être généralisées par les enseignants : chacun garde sa méthode et sa pédagogie mais tout le monde applique les mêmes règles.

Les règlements de classe ont été presque tous abandonnés, au profit de la référence au règlement intérieur d’école, et de formulations « élèves » ponctuelles rédigées et affichées lors d’un manquement en référence au règlement d’école. Les effets de ces actions ont été rapides avec une diminution des comportements inappropriés en CM2 et un climat d’équipe amélioré.

Le chantier ambitieux et original de construction d’un règlement commun aux quatre écoles et cohérent avec celui du collège, s’est donc imposé. Ceci a constitué, outre les actions de liaison « traditionnelles », la première pièce significative et ambitieuse à l’édifice du réseau République et au continuum école-collège.

Nouvel arbre

Mais le travail d’explicitation entrepris grâce à cette approche par la vie scolaire, a permis de récolter d’autres fruits. Ceux-là furent cueillis sur un arbre nouvellement planté, le socle commun. Les habitudes de travail collégial et la gymnastique intellectuelle initiées lors du travail mené sur la vie scolaire, la prise de conscience de la nécessité d’explicitation, ont été précieuses pour aller un peu plus rapidement, un peu plus facilement et, peut-être, un peu plus loin, dans la mise en œuvre du socle commun. Une majorité d’enseignants a ainsi spontanément conçu le projet d’une classe sans notes, évaluée sur les seules compétences. Elaboré dans le temps très bref d’un mois et demi, ce projet a été mis en œuvre pour les 170 élèves d’un niveau d’enseignement complet, dès la première année. Il a vécu et évolué, année après année, sur un mode de réflexion pédagogique partagée, que l’équipe de  direction n’a eu qu’à accompagner.

Il ne semble pas faire de doute que l’approche par le climat scolaire, quelque peu dictée par les circonstances, prenant appui sur des C.P.E. reconnus, efficaces et très investis, a été une entrée consensuelle et un terreau fertile à l’élaboration d’une école du socle propre au réseau République. Elle aura pris une part importante, également, dans la construction de l’identité du collège et de son réseau.

Tous les résumés de recherches sont disponibles dans les guides « agir sur le climat scolaire à l’école primaire », « agir sur le climat scolaire au collège et au lycée », ainsi que sur le nouveau site web national dédié à cette question : www.cndp.fr/climatscolaire.