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Virginie Pérez

Professeure d’éducation physique au collège Gagarine à Trappes (78)

Le président de la République est venu au collège Gagarine  à la rentrée 2012 et a déclaré  à propos de nos projets interdegrés du primaire au lycée « Ce que vous avez fait ici, nous devons le faire partout ». C’est dans ces termes que le dispositif « conseil école-collège » est lancé, avec une forte dimension culturelle et artistique.

Notre réseau regroupe quatre écoles élémentaires, six maternelles et le collège Youri Gagarine. Le conseil inter degré est constitué d’un comité directeur et d’un comité exécutif ou pédagogique. Le comité directeur piloté conjointement par le principal du collège et l’IEN de circonscription co-élaborent le contrat de réseau suite à un diagnostic partagé. Les objectifs sont d’assurer la continuité inter degré afin de lutter contre le décrochage scolaire avec une meilleure prise en compte du parcours de l’élève. Ainsi il s’agit de mutualiser les actions, de favoriser la connaissance et le rapprochement des cultures professionnelles. Des temps de réunion et des stages de réseau (formation commune) sont planifiés sur l’année. Au niveau du comité exécutif ou pédagogique, les priorités et les actions sont décidées et mises en œuvre concrètement autour de projets communs de territoires.  

« Une danse sacrée pour de sacrés danseurs …»

Un exemple de pilotage du « conseil école-collège » a abouti au projet inter degré « Danser son Sacre », sur trois ans (CM1, CM2, 6ème) avec une même cohorte d’élèves sur la ville de Trappes.  Pour nous, travailler dans le domaine de la culture, et de manière interdisciplinaire, est un puissant moyen de combattre les inégalités sociales. Nous avons pour cela mis en place un partenariat entre l’Ecole, les associations et les lieux culturels et artistiques (théâtre, musée, médiathèque, cinéma, etc.).  L’inspection Académique des Yvelines, la circonscription d’Education nationale de Trappes, le théâtre du Prisme, centre de développement artistique de Saint-Quentin-en Yvelines collaborent depuis plusieurs années à la mise en œuvre de projets d’éducation artistique et culturelle dans le domaine de la danse en articulation avec les autres arts sur le territoire.

L’un des axes de la politique de territoire est de développer la pratique sportive des filles - des femmes sur la ville de Trappes. Parallèlement, la volonté est de garantir l’égalité filles – garçons et de faire évoluer les stéréotypes (par exemple la pratique du football réservée aux garçons et la danse, pour les filles).

Les projets menés dans ce cadre prennent appui sur les dispositifs existants au sein de l’Education nationale : les parcours artistiques et culturels, résidences d’artistes, école ouverte, accompagnement éducatif, etc. Ces expériences, la dynamique qu’elles produisent au sein des équipes pédagogiques des établissements scolaire associés, les savoir-faire et expertises de chacun, l’opportunité offerte par la fondation Casino au travers du programme « l’enfance de l’art », ont amené les partenaires à concevoir un projet ambitieux de territoire décliné sur trois ans. 

L’année 2013-2014 est la dernière année d’un projet d’éducation artistique et culturelle dans le domaine de la danse, projet qui a démarré il y a deux ans avec une cohorte de 340 enfants. Les élèves qui sont en 6ème aujourd’hui dans les trois collèges de Trappes, étaient en CM1 quand ils ont commencé à travailler  «Le Sacre du Printemps. Le travail d’interprétation s’est continué en CM2. Cette année, les élèves des 16 classes de sixième des trois collèges travaillent avec des danseurs professionnels et l’équipe artistique de Jean-Claude Gallotta veille sur la chorégraphie finale. Ce grand chorégraphe, qui a créé une nouvelle version du célèbre ballet,  est pleinement entré dans notre projet, lui qui déclare « C’est beau d’insuffler de l’art dans les poumons de ces enfants »

Enjeux du projet

Ce projet artistique fédérateur concrétise la mise en place de l’école du socle commun de compétences et de culture et de l’approche du point de vue de l’élève. Garantir la réussite de chaque élève en est la finalité. Tout comme l’éducation artistique et culturelle est une fin en soi. Mais ce projet est, également, un levier important pour certains élèves en difficulté en leur permettant d’entrer autrement dans les apprentissages. Parallèlement, développer chez l’élève l’estime de soi et la  confiance en soi contribue à la réussite scolaire.

Concernant l’égalité filles – garçons, déconstruire les stéréotypes de la société est un objectif de l’institution scolaire et cela à tous les niveaux. La tâche est ardue puisque les représentations sociales s’inscrivent bien au-delà des murs des établissements. Ainsi faire pratiquer la danse à tous les élèves de la ville de Trappes, sur trois années, est un vrai challenge audacieux.

Le suivi des élèves et l’aide individualisée sont au cœur du projet. Mieux connaître les élèves et les dynamiques de classe permet d’anticiper et de mettre en place un meilleur accompagnement. Les relations avec les familles dans et en dehors des établissements scolaires sont facilitées, autour du projet dans un premier temps pour ensuite échanger sur la scolarité dans un deuxième temps. Les enseignants étant connus et reconnus des parents, peuvent établir le contact et l’échange nécessaire au suivi de l’élève.  

Le climat scolaire au sein des écoles et des collèges y est plus serein. Le lien social est renforcé (mixité des publics) par la découverte des différences de l’autre pour mieux se comprendre et s’accepter. Les relations entre élèves, entre élèves et enseignants, entre enseignants et parents évoluent dans le bon sens. Depuis plusieurs années, un travail spécifique au collège Gagarine est en cours, autour de l’empathie émotionnelle au service du climat scolaire propice aux apprentissages et devrait se généraliser à d’autres écoles et d’autres établissements du second degré.

Mais il s’agit aussi de créer une dynamique de territoire, de réseau, d’établissements et de classes autour d’un projet commun partagé et des actions pérennes. Les traces laissées et expérimentées par les élèves sans discontinuer, permettent la sédimentation et l’émergence d’un événement d’envergure l’année suivante. L’investissement de l’élève est valorisé au sein de son établissement scolaire, de son quartier et de sa ville. Il s’agit de lui permettre de présenter également le fruit de son travail à l’occasion d’impromptus, d’expositions, de répétitions publiques et de représentations. Vivre des échanges avec d’autres élèves pour adapter et aiguiser son regard, son écoute, son attitude de spectateur. Egalement les espaces de rencontres pour les familles autour de l’expérience artistique de leur enfant se sont ouverts.

Pour les enseignants, des temps de co- formation et de co-animation ont été réalisés autour de la danse, des arts et de l’enseignement transversal de l’histoire de l’art. Les professeurs du premier et second degré ont pu se connaître, échanger et assurer  une continuité des enseignements autour du projet.

Moyens

Les ateliers de pratique artistique sont programmés selon un rythme et un calendrier définis entre l’enseignant et l’artiste. L’expérimentation de temps spécifiques comme les résidences d’artistes au sein de l’école ou du collège, sur un temps resserré, a été bénéfique venant en complément du projet et s’adressant à tous les élèves de l’établissement.  

Cela représente 31h de danse en atelier réparties tout au long de l’année. Puis 4 jours d’immersion au Théâtre de Saint-Quentin en Yvelines (répétitions, générales et représentations).  

Afin de garantir une cohérence d’ensemble, des temps de rencontres sont mis en place entre les enseignants, les artistes associés et les coordonnateurs du projet. Ils visent à échanger sur les orientations des projets de classe en lien avec le projet global, les pistes de travail, l’interdisciplinarité du projet, la relation aux œuvres, le phasage, etc.

Le projet est nécessairement accompagné de temps d’échanges, de pratiques et de réflexions des équipes partenaires (artistes et enseignants) qui leur permettent d’être en relation constante avec des référents communs et de garantir une cohérence globale au projet mis en œuvre sur une durée de trois ans. Les enseignants profitent d’une formation en danse, expression corporelle, quelques journées par an pendant deux ans pour être sensibiliser à ce projet, assurer une continuité et accompagner les élèves. La création d’un blog spécifique au projet est un moyen de créer du lien.

La tenue d’un journal de bord ou d’un carnet de voyage collectif et/ou individuel permet la constitution d’une mémoire collective et/ou individuelle du projet. Cette mémoire constituant alors un outil d’évaluation, de transmission, un lien entre l’artiste, les autres partenaires du projet et les élèves. Elle présente l’intérêt de laisser une trace, une notation, éléments fondamentaux dans les domaines de la mémorisation, de la symbolisation et de l’évaluation.

En fait, le travail artistique prend appui sur trois expériences qui se nourrissent mutuellement :

  • la pratique artistique. Chaque atelier est structuré de trois moments : la préparation du travail artistique (appropriation, recherche, expérimentation), la présentation d’un moment de production (écriture, composition), l’espace du regard et de l’analyse. L’atelier est le lieu de la prise d’autonomie créative et d’investissement de l’enfant. Il lui permet d’être, d’inventer, de créer, de faire des choix, d’écouter, de partager, etc.
  • la découverte des œuvres « l’élève spectateur averti ». La pratique culturelle se développe dans la régularité et la durée. Abordée avec ou sans préalable toujours suivie d’échanges, elle est soutenue par un accompagnement, une médiation. Elle enrichit la culture de l’enfant dans le cadre de l’histoire des arts.
  • la rencontre avec les artistes et autres professionnels. Tout au long des trois années, les enfants empruntent les chemins de la création, guidés, accompagnés par des techniciens et toutes autres personnes associés au projet, nourris par des rencontres, des découvertes artistiques, culturelles, humaines, par leur propre sensibilité et vécu de cette aventure collective.

 A suivre…

Ce projet artistique et culturel s’inscrit dans un cadre éducatif général. Permettre à chaque élève de trouver son parcours d’excellence au sein du collège vise à rendre chacun ambitieux et exigeant envers lui-même. Pour les élèves en difficultés scolaires, participer à des ateliers d’excellence constitue un levier pédagogique indispensable qui les accroche aux apprentissages obligatoires. Ces choix d’établissement et de réseau visent à lutter et prévenir le décrochage scolaire.  L’année prochaine, le collège Gagarine offre la possibilité aux élèves des écoles de Trappes de rejoindre la section sportive danse de la 6ème à la 3ème avec la possibilité de continuer avec un enseignement optionnel danse, sur le lycée Bascan de Rambouillet. Le travail interdegrés se poursuivra, notamment, par des interventions croisées entre les professeurs du premier et second degré. Cette dynamique engagée depuis trois ans a fait ses preuves et doit perdurer au service de la réussite de tous les élèves.