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Rama a du caractère, elle tient à ses idées …et a du mal à travailler en groupe quand il s’agit de négocier, mettre de l’eau dans son vin, renoncer à une partie de ses chères idées pour accepter celles des autres. Alors, quand il faut de surcroît envoyer son début de conte aux CM2 avec qui nous menons un projet d’écriture, et accepter la suite qu’ils ont écrite pour  enchaîner sur l épisode suivant, elle est vraiment mécontente des contraintes que cela lui impose. Elle explique sa colère : «  Nos héros à nous voulaient partir en Amérique. Et eux, (le groupe de CM2 qui leur est apparié), ils les font débarquer en Italie ! C’est n’importe quoi ! ».Mais c’est la règle du jeu, il faut faire avec, et enchaîner.

Pour la fin du conte, nous avons choisi de faire écrire une fin par les CM2 et une par les 6e ; puis chaque groupe envoie son texte aux « correspondants », qui en font une lecture critique ( on gardera les deux dans le petit livre qui rassemblera tous les contes).  Nous avons clarifié ce que recouvre cette expression, en distinguant l’ « impression » faite par la lecture du texte et des éléments plus objectifs sur la cohérence et la pertinence de la fin proposée :  il s’agit de se demander si cette fin est bien celle d’un conte, si elle est bien reliée à l’ensemble du déroulement du conte, si elle est  ouverte ou fermée et si c’est un choix assumé.

Rama et son groupe mènent cette activité avec sérieux. Ils écrivent aux CM2 : «  Vous avez eu de bonnes idées. Il n’y a pas trop de répétitions. La fin est bien racontée, elle est complète, très bien, vous avez bien raconté l’histoire. On a moins aimé la bagarre  entre Elisa et la statue, et la potion qu’Elisa doit boire pour devenir une géante.  C’est irréel, ça ressemble à un conte pour les petits. Il y a trop de nouveaux éléments d’un seul coup. Conseils : Il faut enlever la bagarre de géants et mettre une autre sorte de magie. Ou alors on peut garder la bagarre, mais elle doit durer plus longtemps ».

Ce devoir accompli, Rama confie qu’elle préfère la fin qu’elle a inventée avec son groupe. Arrivent alors les lectures critiques que les CM2 ont menées de leur côté. Le groupe de CM2 qui correspond avec celui de Rama leur envoie ceci : « Cette fin ne nous semble pas assez détaillée. Il y a quelques incohérences (…) On ne sait pas ce que sont devenus les deux autres enfants. Il faudrait ajouter plus de détails ». A part moi, j’attends avec curiosité les réactions du groupe, en particulier celle de Rama. Mais celle-ci accueille les remarques de façon très positive, et déclare : « Ils ont raison, on ne peut pas terminer comme ça ; c’est un conte, il faut un élément magique», en traînant le groupe dans d’ultimes modifications du dénouement.

En introduisant cette dimension de décentration par rapport à un texte qu’on écrit, implicitement par le jeu d’aller-retour d’un épisode à l’autre, explicitement lors des séances de lecture critique et envoi d’un avis, nous avons essayé de poser les premiers jalons du passage du palier 2 au palier 3. De l’un à l’autre en effet, l’ajout proposé dans la mouture actuelle des intitulés entre ces deux niveaux, c’est la part de la dimension réflexive, comme on peut le voir dans le tableau ci-dessous.

 

Palier 2-fin CM2

Palier 3 –fin 3e

Domaine 1

Maîtrise de la langue

Ecriture

 

Rédiger un texte d’une quinzaine de lignes (récit, description, dialogue, texte poétique, compte-rendu) en utilisant ses connaissances en vocabulaire et en grammaire

 

 

Utiliser ses capacités de raisonnement, ses connaissances sur la langue, savoir faire appel à des outils variés pour améliorer son texte

 

 

Domaine  5

La culture humaniste

 

Inventer et réaliser des textes, des œuvres plastiques, des chorégraphies ou des enchaînements, à visée artistique ou expressive

 

Être capable de porter un regard critique sur un fait, un document, une œuvre

 

Florence Castincaud, Nogent sur Oise

Liaison école/collège, écriture de contes « en chaîne », réalisée avec les professeurs de français du collège Marcelin Berthelot, des professeurs des écoles de CM2 et les ESAP du secteur.