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Une formation visant à constituer des équipes de personnes ressources en sciences, au plus près du terrain, est mise en place actuellement dans l’académie de Toulouse. Associer des personnels du premier degré (IEN, conseillers pédagogiques) et des enseignants du second degré, sur une base interdisciplinaire, telle est l’originalité de cette formation.

« Je dispose d’une tasse de café noir brûlant et d’un petit pot de lait à température ambiante. Je souhaite boire mon café au lait dans dix minutes, après ma douche. A quel moment dois-je mélanger ces ingrédients pour obtenir la boisson la plus chaude possible ? »

Voilà un exemple de situation-problème proposé aux collègues en formation pour entrer dans la démarche d’investigation. Il y a ceux qui foncent dans la manipulation, ceux qui posent d’abord des hypothèses, ceux qui font l’expérience une seule fois, ceux qui réitèrent leur protocole pour vérifier leurs résultats, ceux qui arrivent à travailler en équipe, ceux où un leader naturel prend toutes les initiatives, laissant de côté les autres collègues, sans oublier les échanges de connaissances dus à la multidisciplinarité des participants.

Et de nombreuses questions se posent alors : que signifie le mot hypothèse, quand d’autres utilisent le mot conjecture ? Est-ce que la démarche d’investigation est un but d’enseignement ? C’est-à-dire, les élèves doivent-ils apprendre ses étapes ? Ou n’est-ce qu’un moyen pour atteindre d’autres objectifs cognitifs ?

 

S’interroger et se former ensemble

Cette formation se déroule sur cinq journées, avec le soutien de la maison pour la science de Toulouse. Voici ses principaux objectifs :

  • Constituer des groupes de personnes ressources, qui pourront être sollicités localement pour des stages de formation d’initiative locale et/ou dans le cadre des conseils «école-collège».

  • Participer à la continuité des apprentissages inter-degrés et au décloisonnement des disciplines scientifiques.

  • Construire une culture commune de la démarche d’investigation, en dépassant une présentation souvent figée.

  • Réfléchir aux gestes professionnels facilitant l’appropriation et le transfert des connaissances.

  • Sans oublier de prendre en compte les besoins spécifiques des stagiaires : les formateurs polyvalents du 1er degré ressentent parfois le besoin de mettre à jour leurs connaissances, tandis que les enseignants du second degré ont rarement animé une formation.

Des thèmes forts sont retenus ceux de circuits électriques, de classification du vivant et des nombres décimaux. Ils ont vocation à être mis en œuvre au niveau des circonscriptions sur le temps d’animation pédagogique, en indiquant :

  • Les connaissances que l’enseignant doit maîtriser à son niveau.

  • L’identification des connaissances à faire acquérir aux élèves.

  • La place de cet enseignement dans la progression.

  • L’élaboration d’une ou plusieurs séances de classe.

  • L’évaluation des acquis des élèves en lien explicite avec le socle et les programmes.

 

Une culture commune pour des disciplines différentes

Chaque journée démarre par une conférence :

  • Sylvestre Maurice, astrophysicien à l’observatoire Midi-Pyrénées, a donné au travers de l’exemple du robot Curiosity sur Mars, une image de ce que la transversalité des sciences permet aujourd’hui.

  • Yves Quéré, de l’Académie des sciences, a insisté sur la multidisciplinarité de la science, dans l’esprit de « la main à la pâte ».

  • André Tricot, enseignant-chercheur à Toulouse, mène une investigation pour valider, ou non, l’hypothèse que cette démarche aiderait les élèves à apprendre. D’ailleurs, s’agit-il d’une démarche ou y existe-t-il plusieurs démarches, différentes en fonction des disciplines ?

  • Hélène Merle nous interroge sur la validité des mesures au travers d’un exemple qui part de l’expérimentation en classe, afin d’aborder des notions mathématiques de traitement de ces données. Ainsi, les mathématiques ne sont pas seulement un outil utilisé par les autres disciplines, mais il est possible de donner du sens aux concepts mathématiques à partir d’observations réalisées dans d’autres disciplines.

Arrêtons-nous un instant sur ce dernier point pour illustrer la complexité du lien entre les disciplines, et donc probablement une source de difficulté pour l’élève au moment de transférer les connaissances associées. Pour commencer, Hélène MERLE a montré qu’il y a une confusion chez les enseignants entre grandeur et mesure. Puis lorsque l’on aborde la notion d’incertitude d’une mesure, voici différentes écritures utilisées, suivant les disciplines :

= 12,5  ; ≈ 12,5 ; 12,4 ≤ x ≤ 12,6 ; 12,5 ±0,1

Est-ce à l’élève de faire le lien ? Ou aux enseignants de les y aider ?

Est-ce le formalisme qui est important ? Ou est-ce de développer l’esprit critique ? En effet, quelle est la « bonne » mesure : la première obtenue, celle qui revient le plus souvent, la moyenne des mesures, la médiane, etc. ?

Ces conférences ont alors donné lieu à des réflexions dans des ateliers, aux regroupements géographiques. Des approches comparatives, un partage du vocabulaire, sont certainement des pistes à suivre. Ainsi qu’une meilleure organisation de la continuité des apprentissages. Par exemple, comment engager l’apprentissage de l’électricité du CM1 à la 5ème, niveau de classe où apparait l’enseignement des sciences physiques ?

Cette formation commune est le fruit d’un travail entrepris depuis plusieurs années par le groupe PRESTE de Toulouse. C’est ainsi qu’en abordant les problématiques de transfert des connaissances, de continuité des apprentissages en sciences, en ouvrant ces interrogations aux collègues du second degré, l’école du socle, même si elle n’est jamais nommée, est au cœur du dispositif.

A ce jour, il est trop tôt pour savoir comment ces personnes ressources relaieront ces pistes dans leur bassin : quels seront les moyens en formation continue l’an prochain ? Quelles seront les modalités de liaison propres à chaque équipe écoles-collège ? Comment ces réflexions sur la compétence 3 du socle commun s’intégreront dans une réflexion englobant les autres disciplines ? Comment s’articuleront-t-elles avec les futurs textes ? Et surtout, quel sera l’impact sur l’apprentissage des élèves ?

Pour autant, ce dispositif a déjà des effets positifs. Personnellement, il m’a permis de rencontrer les professionnels du 1er degré. Nous étions voisins et nous n’avions jamais eu l’occasion de travailler ensemble alors que nos problématiques sont communes. D’ailleurs nombreux de ces collègues ont décidé de poursuivre leur coopération, même de façon non institutionnelle. J’espère donc que l’école du socle permettra de réunir les conditions pour faciliter le travail en commun de ces enseignants.