Après la légitime émotion partagée en janvier, il s’agit de comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là, et de réfléchir à comment réagir.
Car débattre de ces événements avec des élèves, des jeunes et des adultes est un devoir civique et philosophique.
L’analyse est complexe : il y a l'entrée socioéconomique (chômage, avec  son versus vente de drogue et trafic d’armes dans les banlieues) ;l'entrée du renforcement des inégalités par l'école (qui produit de l'exclusion, et donc du ressentiment, voire de la haine) ; l'entrée par la politique étrangère de la France (qui intervient au Mali, en Irak, en Syrie etc.) ; l'entrée par les prisons (l’endoctrinement par les prisonniers djihadistes), celle par la psychologie (structures de personnalité psychopathes des meurtriers), celle par l’islam lui-même, qui doit se méfier de l’intégrisme qui s’en réclame etc.
Et l’entrée, spécifique, par la philosophie, la discussion, l'argumentation : sur un rapport dogmatique à la vérité, une lecture littérale des textes dits sacrés, la question de la liberté d'expression comme droit encadré, la dialectique liberté/sécurité (liberté d’expression jusqu’où ? Sa restriction pour la sécurité jusqu’où ? Etc...).

Du dogmatisme au terrorisme (Approche philosophique)
Le dogmatisme, c’est la certitude de posséder La Vérité, absolue, définitive, sans doute ni discussion possibles. C’est aussi – le dogmatisme devient ici intégrisme -, prendre à la lettre des textes sacrés, sans interprétation envisageable, parce qu’ils disent d’eux-mêmes la seule Vérité possible, dans leur littéralité. La Bible est ainsi pour certains un ouvrage scientifique, qui non seulement raconte (comme un mythe plein de sens), mais explique l’origine du monde, la création, nie la théorie de l’évolution etc. Le Coran, dans le choix précis de certaines sourates, est pour d’autres la parole même de Dieu, anhistorique, à prendre littéralement sans leur contexte historique.
Le dogmatisme et l’intégrisme excluent ceux qui ne pensent pas comme vous, que ce soit au niveau idéologique, politique, religieux, puisque vous avez le monopole de la Vérité, la légitimité de l’orthodoxie.
Cette attitude débouche sur le sectarisme, attitude communautaire dans laquelle cette Vérité unique et absolue est partagée au sein d’un groupe qui nie le pluralisme des idées, le droit du lecteur à l’interprétation, la tolérance à la différence et la liberté d’expression dans un régime démocratique. Ce qui est nié, c’est le droit à la critique, et donc à une pensée libre de tout endoctrinement.
Ce sectarisme débouche sur le fanatisme, attitude qui cherche à faire partager à tout prix cette Vérité, en employant au besoin la force (ex : croisade, colonisation, guerre sainte, terrorisme). Et ce avec la bonne conscience que c’est pour le bien d’autrui, du peuple, de l’humanité, puisque c’est La Vérité. Celui qui meurt en tuant n’est plus alors un assassin, mais un héros, un martyr.
Cette chaîne mortifère : dogmatisme/intégrisme/sectarisme/fanatisme/terrorisme, qui a été brisée par les philosophes de la tolérance (Montaigne, Locke, Voltaire etc.) et de l’idéal des lumières, doit être combattue par la démocratie et son esprit laïque pluraliste, par l’éducation à la culture de la question, de l’esprit critique, de la réflexion et de la tolérance.
Un des moyens, c’est le développement de la pratique de la discussion, avec les enfants et les adultes.
Une discussion qui n’est pas un débat-combat, mais un enrichissement par l’écoute et le respect de la parole et de la personne de l’autre, dans un cadre d’éthique communicationnelle, où chacun peut librement exprimer son point de vue, où l’on cherche avec, et ne lutte pas contre, où l’on vit le désaccord des idées dans l’échange constructif et la paix civile…
L’atelier philo en classe et avec des adultes, le café philo dans la Cité sont des exemples de l’anti dogmatisme, de l’esprit démocratique et philosophique de la discussion