1) je vous soumets cette situation.

Un professeur a une heure de latin en 5e chaque semaine de 17hà18h. Vu
l'heure tardive, il apporte toute l'année de l'eau et des biscuits pour
un rapide goûter.

Un mardi de juin, il n'y a que 5 élèves, les autres étant à une
répétition théâtrale. Parmi les 5, certains viennent de commencer le
ramadan. Le professeur dit qu'on ne fera pas de goûter ce soir-là pour
ne pas mettre des gâteaux sous le nez des jeûneurs (mais ceux qui le
veulent peuvent boire).

Un père d'élève, représentant une fédération de parents, (ce qui
suppose que son enfant se soit plaint à lui) appelle le Principal du
collège deux jours plus tard pour se plaindre de cette grave entorse à
la laïcité ( ne pas proposer les habituels biscuits aux élèves parce
que d'autres font ramadan) , ajoutant : " Si ça continue, on ne va plus
non plus servir de repas à midi pendant le ramadan !".

Le principal a assez vite coupé court à la discussion.

Allez, à vos dissertations !

 

geneviève Frame

Rebonds 16

Quelle est la question Geneviève ? L'âge du capitaine, la vitesse à laquelle la baignoire se videra ou la vitesse qu'atteindra le train quand il s'arrêtera ?J'avoue que ce genre de situation m'irrite surtout par une absurdité complète qui commence par l'horaire du cours de latin, ridicule, par le fait que ce soit le prof qui amène un goûter à ses élèves alors que l'horaire  devrait obliger un établissement bienveillant à le faire lui-même, mais ça, ce n'est pas possible, par le fait de faire faire le ramadan à des gosses de 12 ans en période scolaire à la saint Jean d'été ou presque, et l'utilisation irraisonnée de concepts compliqués... Et j'en passe.Tout cela me semble à nouveau le signe d'une perte non pas des valeurs ou de je ne sais pas quoi, mais du sens, du langage, ce qui est vraiment inquiétant, très inquiétant.Jean-Charles

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Difficile d'engager par écrit un débat sur un sujet aussi grave, Geneviève.

Déjà ton texte dit ton propre choix : un prof bienveillant/ un parent "laïcard" borné ... Je sais tu n'as pas écrit cela mais tes deux paragraphes sont très différents.

Pour moi la question demeure:  jusqu'où, par respect de l'autre( ou par sentiment de culpabilité) allons- nous accepter que les fondamentalistes cherchent à grignoter la laïcité. Pendant des années je n'ai pas vu d'élèves faire le ramadan - en nombre je veux dire- ni au collège, ni au LP, sinon il y aurait eu plusieurs tables vides à la cantine ... et j'aurais entendu des commentaires !

J'appartiens à une génération qui a connu le poids de l'église catholique** sur la société civile, je ne comprends pas qu'au nom de la diversité on trouve normal de "favoriser" ce que nous avons combattu .Edith Miquet

** ce qui n'a rien à voir avec la foi des croyants

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Oui, Edith, bien sûr, Edith mes paragraphes n'étaient pas neutres ; j'ajoute que je ne dis pas avoir eu raison de prendre cette ....micro-décision ; mais je ne lui voyais pas non plus une telle portée !Cependant il ne s'agit pas ici de fondamentalistes qui grignotent la laïcité : les élèves n'ont rien demandé, c'est moi qui l'ai vu ainsi.Par ailleurs  c'est vrai que les choses se durcissent sans se radicaliser forcément : en ce moment des élèves, de la 6e à la 3e,  arrivent en EPS avec un mot parental disant : "Il/elle fait le ramadan, il/elle ne fera pas EPS". D'autres mots différents disent en substance  " Peut-il/elle ne pas faire EPS en raison du ramadan ? Il/elle a apporté sa tenue au cas où la dispense ne serait pas possible."J'ajouterai aux absurdités de Jean- Charles le fait qu'un parent appelle le principal plutôt que de me laisser un message directement ( le parent me connaît depuis longtemps au collège) ; mais ce manque de communication directe avec référence immédiate "aux autorités" est assez fréquent, hélas. Du fait des deux parties : peu d'enseignants donnent aux parents les moyens de les joindre directement ( mail académique par exemple). Les discussions ouvertes en cas de désaccord, voire de conflit, sont  rares et souvent mal gérées.amitiésGeneviève Frame

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Islamophobie ordinaire...Dominique natanson

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Situation intéressante!Islamophobie, peut-être un peu. Mais je ne suis pas sûre de comprendre, tu voudrais expliquer où tu en vois, Dominique?Moi je vois : Projections des craintes et culpabilités des uns sur les autres. Que de l'humain.

Dans ton histoire Geneviève, je trouve que le père a un argument qui se tient.Les enfants qui font Ramadan ne mangent pas, et voilà. Ils ne vont pas à la cantine, ils ne prennent ni petits gâteaux ni eau : ça fait partie du "jeu" de Ramadan. Personne ne va les obliger à manger. J'espère que leurs parents leur expliquent et qu'ils y trouvent un sens, sans provocation ni exigence sur les autres, sur le collège ou notre état laïc. Evidemment toi, ou notre société, n'y mettons pas le même sens. Pourquoi le mettriez-vous ?Je comprends bien que tu as voulu "faire bien" en ne proposant pas de gâteaux. Mais les enfants peuvent "faire bien" eux-mêmes. Je ne veux pas te "culpabiliser", mais je me demande pourquoi tu as apporté de l'eau ?

Je fais Ramadan. Dans la salle des profs, hier un collègue a fait passer des bonbons, la première fois j'ai dit "non merci", la deuxième j'ai dit "c'est Ramadan", le collègue avec qui nous avions longuement discuté de nos choix respectifs a commencé à culpabiliser... Je suis très gênée.

Je me demande comment "dire" ou "ne pas dire" fait partie de la laïcité. Il y a là un mélange de mon choix personnel avec les exigences sociales qui peut être pesant.Pendant des années j'ai jeûné en cachette, sans rien dire, c'était interessant aussi, d'une autre manière, pour moi et mes engagements qui restaient secrets. Là, j'ai choisi de dire, et franchement c'est plus léger. Mais je ne vais pas empêcher que ce soit la saison des pots en tous genres. Ce qui m'agace, c'est la ribambelle de mails pour dire si on apporte du sucré ou du salé, mais ça m'a toujours agacée. Comme les évidences que Noël était une fête pour tout le monde, les yeux qui brillent quand le bonheur de Noël est évoqué me rendent régulièrement jalouse, moi qui n'ai jamais connu ça. Ne pas manger, ça peut rendre jaloux ?Evidemment, j'ai plein d'autres réflexions en stock.Bonne fin d'année.J'adore que l'on me souhaite bon ramadan !Sylvie

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Bonjour à tous.Je me questionne sur ces personnels de direction qui font travailler des élèves de collège de 17 à 18 heures, alors qu'au lycée nous tentions au maximum de limiter ces heures pour les classes de seconde . Quelles sont leurs priorités ?

Et je vous remercie de vos questionnements  et de l'humanité de votre débat.

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Si j'ai bien compris la situation, c'est l'enseignante qui fournit le goûter, à la fois parce qu'elle est bienveillante et parce qu'elle enseigne une discipline au statut incertain particulièrement dans le contexte actuel.Il me semble que si l'on veut contrecarrer l'islamophobie, il ne faut pas appuyer dessus. Il y a dans la situation une autre entrée pour appeler ce parent mais aussi les associations à considérer la complexité des choses au lieu de foncer sur le premier chiffon rouge.Dans des situations approchantes (non pas identiques mais similaires), j'ai écrit au parent concerné (copie à l'association), sous couvert de mon principal quand il en était d'accord, sinon en le mettant également en copie. Rapporté à ce cas les éléments de la lettre (dans un ordre qui peut dépendre par exemple du degré de soutien  de mon principal).

1/ L'offre d'un goûter n'est en aucun cas assimilable au service de cantine. Il s'agit d'une initiative personnelle d'un(e) enseignant(e) (financée ?à titre personnel? ?sur une cagnotte, constituée par le groupe concerné, une sorte de collectif auquel appartiennent les élèves jeûneurs et leurs familles? ?autre?). Cela n'a donc rien à voir avec une quelconque obligation et prend un sens extrêmement différent.2/ Je ne peux que me féliciter qu'une discipline considérée comme relevant d'une conception "traditionnelle" voire "élitiste" de la culture soit choisie par des élèves et des familles aux cultures d'origine et croyances variées. Le vivre ensemble, dont la laïcité est un pilier, est fondé sur la prise en compte de chacun et non sur la négation de certains. Ma proposition n'ignorait les besoins d'aucun de mes élèves.3/ Je reste à la disposition des parents et de leurs délégués, ayant me semble-t-il, toujours fait passer les intérêts des enfants, de leurs apprentissages et de leur éducation avant mes convictions et mes intérêts propres.

Loin de tendre les conflits, cela m'a permis de trouver dans les parents de vrais partenaires.Domie

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Ton intervention m'interpelle, Sylvie . Nous n'avons pas l'habitude de dialoguer avec quelqu'un qui est dans notre groupe (CRAP, educnat) et en même temps qui explique comment elle vit le ramadan . Nous projetons sur les enfants musulmans (au fait, y a-t-il un âge limite pour commencer le Ramadan?) notre sensibilité d'éducateurs : on ne peut faire faire ce sacrifice à un enfant de cet âge, c'est quasiment de la maltraitance ; en tout cas, on ne le tente pas avec de l'eau ou des biscuits qui lui passent sous le nez. Et toi, tu réponds (si j'ai bien compris), il est capable de faire ramadan, il sait que c'est le jeu de pouvoir se priver devant les autres.Bon Ramadan, Sylvie

Michèle

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Bon ramadan Sylvie!En sortant de l'atelier théâtre mardi dernier au Centre social, des jeunes nous ont offert de délicieux gâteaux. Comme c'est tous les mardis, ils ont proposé de nous faire une table mardi prochain pour la fin de l'atelier. Un débat s'est engagé entre nous parce que l'animatrice de l'atelier proposait que ce soit un accord (bref une compensation) et  que l'une d'entre nous considérait que c'était insultant, que c'était une façon de refuser un cadeau. La discussion n'a pas eu lieu. Dommage. Nous avons l'habitude de partager plus que de recevoir -ce qui crée une forme d'obligation. Il aurait été intéressant de mettre tranquillement à plat ce que chacun y mettait.Juste avant une autre d'entre nous, très fatiguée et sensible au besoin de se reposer de ceux qui ne partagent pas la fête et doivent redémarrer tôt le lendemain, exprimait à voix haute le fait qu'elle se demandait le sens de toutes ces manifestations de cultures aliènes (au sens d'étrangères à notre propre culture) dans l'espace public. Là encore la discussion, qui en soi pouvait être intéressante, n'a pas eu lieu.Au-delà des silences de mauvaise conscience, du politiquement correct, j'apprécie que tu poses des questionnements "décalés".Amitiés et  bises persoDomie

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Je crois que j'aurai servi le goûter comme d'habitude. Personne n'est obligé d'en prendre et les personnes qui jeûnent, en France, savent bien que ce n'est pas le cas de tout le monde. Et que précisément, le jeûne est un effort sur soi-même qui symbolise l'effort plus spirituel qu'on fait sur soi-même (pour être plus tolérant, plus à l'écoute d'autrui, mieux vivre sa foi, l'approfondir). S'ils ne le savent pas, du reste, c'est dommage car ça veut dire qu'ils jeûnent sans trop connaître le sens de ce rite.(et quand je suis en Algérie ou au Maroc pendant cette période, si je vais pendant la journée chez des amis qui jeûnent, ils me proposent toujours au moins un café ou un jus de fruit. Que je refuse, bien sûr. mais il est proposé...)Quant au père... racisme classique. J'aimerais d'ailleurs bien trouver à quelle époque au juste le racisme classique s'est mis à se parer de l'excuse de la laïccité pour se transformer en "islamophobie", un mot d'ailleurs contestable, mais ce serait un autre sujet...

Elisabeth

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