On a parlé journal satirique, provocation, liberté de la presse
J'ai eu mes 5e jeudi à 9h. Il avaient eu juste une heure d'anglais avant et n'en avaient pas parlé. Je leur ai dit que je ne savais pas comment on pouvait recevoir ou comprendre à leur âge ce qu'il s'était passé et je leur ai demandé de me le dire. Je n'ai eu dans un premier temps qu'à préciser, contextualiser, expliquer ce qu'ils disaient. Par exemple, une élève m'a dit que Charlie Hebdo était un journal "satirique", on a défini le mot, mais quand-même, Charlie ce n'est pas le Canard enchaîné, alors on a parlé de provocation, liberté de la presse, etc. Puis quand ils ont essayé d'expliquer pourquoi ils ont été pris pour cible, certains ne savaient pas, d'autres avaient des informations approximatives : ils ont dessiné le prophète, c'est interdit, ils ont fait des BD avec des caricatures, etc. Il fallait donc préciser tout cela, revenir sur quelques moments historiques : l'histoire des caricatures, la Une "C'est dur d'être aimé par des cons".

J'ai projeté cette une et nous en avons discuté. Une (bonne) élève de culture musulmane a particulièrement bien réagi, elle menait la discussion mais tout le monde est tombé d'accord sur le fait que si le dessin était provocateur et irrespectueux de la religion, il n'était pas raciste mais visait les intégristes, et que les dessinateurs avaient le droit de le faire, et que de toute façon cela ne méritait pas la peine de mort. On a regardé d'autres unes de Charlie et on a vu que toutes les religions, mais aussi tous les partis politiques, étaient visés de la même manière.

Je précise que je suis dans un collège où dominent des CSP plutôt favorisées : on va dire, un quartier bobo mais sans plus. Classe bilingue et latiniste constituée essentiellement de filles (4 garçons...). Pour finir, je leur ai donné le dernier dessin de Charb pour les Cahiers, en couleurs, celui où l'élève dit au prof "M'sieur, vous avez fait une tache de café sur ma copie - Ah non, ça, c'est ta note". Un clin d'oeil bien sûr, puis que je les évalue par compétence, mais aussi une manière de leur montrer que ces dessinateurs n'étaient pas dans un autre monde qu'eux.
Caroline D'Atabekian
Professeure de français en collège