Le changement d’identité professionnelle : Un métier/Des métiers.
Un métier, des métiers, des identités professionnelles diverses selon l’âge des élèves. Diversité dans l’approche du changement ? Un seul métier de la maternelle à l’université ? Un même métier quelques soient les conditions d’exercice ? 
- Nous vivons un peu sur le mythe du « corps enseignant » avec une forte identité collective, des valeurs, une mission bien définie socialement, une « culture » commune, … et de ce fait les évolutions de ces 30 dernières années apparaissent comme une perte d’identité et font « crise ».
- Quid du « malaise des enseignants » ? Depuis quand cette notion de malaise ? Quelle réalité derrière ces mots ? 
- Peut-on définir aujourd’hui un cœur du métier : autour des contenus enseignés, autour des pratiques professionnelles pour mieux faire réussir les élèves : différenciation, accompagnement, démarche de projet, évaluation ?

Rebonds 2

Ce qui me parait intéressant aussi, c'est le trajet à accomplir, que l'on imagine en ligne droite quand on est enseignant. Faire autre chose que prof : beaucoup, ou peut-être tout le monde, en rêve un jour. "J'aurais voulu être un artiste". Ou autre chose. Et au final, peu finissent artistes. Ou même autre chose.

J'y pense souvent, puisque j'aurai eu une cassure dans la ligne droite de prof en ayant été rédactrice en chef des Cahiers pédagogiques. J'y pense souvent parce que je vais en sortir demain ou après-demain. Je ne me revois pas faire prof-pareil. Peut-être que je rêve d'être enfin artiste. Ou autre chose. Mais au final...

Y a pas de risque de refaire prof pareil puisqu'on n'est plus tout à fait le même !

Quand j'ai repris l'enseignement après 6 ans de décharge à temps plein à faire de la formation et du conseil (pas dans le domaine de ma discipline) et un an d'étude à la fac en sciences humaines, je ne risquais pas de faire prof pareil ! D'abord, j'ai été complètement sidérée par les conversations de cantine, nettement moins politiquement correctes que ce que j'entendais dans les groupes de formateurs. Il a fallu que je suspende mon jugement qui me criait très fort dans les oreilles, pour entendre ce qui se disait dans toutes ces critiques des élèves, dans ces plaintes, dans ces coups de colère, pour comprendre ce qui se jouait, pour le partager car moi aussi j'étais parfois en colère, ou dégoûtée. Il m'a fallu un peu de temps pour retrouver le désir de comprendre et le plaisir d'être "avec" les profs . Pour redevenir prof parmi les profs sans rien renier de ce que je voulais être et faire, et de ce que j'avais compris ailleurs. Mais en le travaillant au contact de mes collègues, en acceptant de remettre en cause ce que je trouvais bien à l'exclusion du reste. Mes formations m'y ont aidée. Et ça, je suis contente de l'avoir fait. J'en suis fière, même. J'ai fini mon parcours prof et seulement prof, parmi d'autres profs, et c'était bien. Et ce n'est pas la seule voie.

Mais surtout, en classe, j'avais complètement perdu l'habitude des ados, je les prenais soit pour des gamins soit pour des adultes plusieurs fois par heure, je me voyais faire toutes les erreurs d'animation, d'organisation du travail, de didactique, de pédagogie... c'était épuisant, en plus, j'étais en activité partagée au début, j'étais prof deux ou trois heures par semaine, c'était la rentrée toutes les semaines ! mais je rectifiais le tir, j'expliquais, je courbais le dos quand c'était dur et je suis devenue en quelques années un autre prof qu'avant et un prof à plein temps. J'ai retrouvé mes gestes d'avant et je les ai améliorés, j'espère. J'ai aussi retrouvé mes défauts, mais je les voyais mieux et j'essayais de les limiter par des dispositifs ad hoc : par exemple, je parlais trop, donc j'ai beaucoup développé le travail de groupes entre élèves pour toutes sortes de situations (orthographe, réécriture, lecture de documents...), j'ai institué des dispositifs d'oral un peu variés où je n'étais pas au centre, j'ai fabriqué des documents écrits et cherché comment faire pour qu'ils les lisent et les assimilent, bref, j'ai utilisé ce que j'avais appris en formation et en intervention pour mieux faire le prof. Mais il y a eu bien des jours où ça ne marchait pas aussi bien que j'aurais voulu. Et là, c'est avec les collègues que j'en parlais, la CPE, tous les autres, comme vous. Je n'ai pas refait le prof tout à fait pareil, mais j'ai fait le prof. Avec plaisir et fatigue. Le travail, quoi.

Sylvie Floc'hlay retraitée - après prof de français, latin en clg et autres fonctions dans l'EN, le 1 Mars 2014 à 20:41
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