Les évolutions du métier et le rapport que les enseignants entretiennent avec le changement du métier (évolutions des missions/évolution des personnes) sur des  points comme :

  • La « vocation » : comment et pourquoi devenir enseignant aujourd’hui ? est-ce bien différent des motivations d’hier ?
  • Des responsabilités nouvelles, en plein développement : professeur principal, professeur coordonnateur, responsable de projet, membre du conseil pédagogique, professeur référent, préfet des études, liaison entre le lycée et l'université… Plus de communication, d’organisation, de bureaucratie, de partenariat, de pilotage…
Rebonds 5

Si l'on veut qu'un établissement fasse autre chose que ronronner, il faut effectivement que les enseignants assurent des tâches d'organisation, de coordination, soient responsables d'un projet, d'une innovation, d'une expérimentation, de l'avancée d'un chantier.

- Est-ce clairement dit dans les missions des enseignants qui sont actuellement recrutés, afin qu'ils ne se sentent pas "piégés" par des aspects du métier qui pourraient les dérouter ?

- Ces nouvelles tâches ne peuvent être menées à bien et généralisées que si on s'accorde aussi sur une réorganisation partielle du temps de travail pour dégager des créneaux de réunion, concertation, réflexion collective.

- Ces nouvelles tâches demandent des compétences qui ne s'improvisent pas (mener une réunion, suivre des objectifs, animer pour parvenir à des décisions collectives, garder la mémoire des travaux...) et qui gagnent à être repérées et capitalisées. Elles doivent sortir du registre des choix personnels variables et imprévisibles chaque année pour faire l'objet d'engagements négociés.

- Officialisées et institutionnalisées, ces missions permettent de révéler des compétences ignorées ou qui s'ignoraient, et de créer entre les enseignants des relations de coopération qui ne contribuent pas peu au bien-être professionnel de chacun et au bon climat de l'établissement.

Nouvelles responsabilités... Plus de ceci, développement de cela... Oui, bien sûr. En tout cas, il y a besoin de plus de pilotage politique dans le métier au quotidien. Et pas seulement par la direction : par les enseignants eux-mêmes.

J’y pensais l’autre jour devant un sujet de brevet blanc en français. Un rituel immuable : texte, questions, orthographe, deux sujets de rédaction. Le texte, presque toujours d’un auteur estampillé, modèle d’écriture. Celui-là est de Giono et décrit une épicerie à l’ancienne où les senteurs suffisent à faire voyager le narrateur, un jeune garçon envouté par cette atmosphère. À la lecture des premières lignes, on sent l’appel à la connivence des lettrés, avec le thème du voyageur immobile allié au gout des « choses d’autrefois », toutes parées du charme de ce qui n’est plus.

Est-ce bien cela qu’il convient de proposer pour évaluer, lors d’une épreuve sommative, les compétences de nos élèves ? Je ne parle pas d’un texte lu et découvert en classe, dont on construit la compréhension malgré sa difficulté, etc. Mais là, je mesure ce que ce texte, donné tel quel sans médiation, comporte de difficultés pour nos élèves de 3e qui n’ont pas cet univers dans leurs références, ni ce lexique dans leur vocabulaire acquis. Je repense au déjà bien ancien, mais toujours pertinent par certains aspects au moins, manifeste de Claude Duneton, « Je suis comme une truie qui doute » (Seuil, 1976), qui dénonce les faux semblants de l’enseignement du français. Les choses ont un peu évolué dans les pratiques, beaucoup moins dans les examens.

Pourquoi ne pas donner à commenter, au brevet, un article de presse, bien écrit, suffisamment complexe, qui contribuerait à relier lecture et information, argumentation, apprentissage de la citoyenneté, plutôt que de faire se confronter les élèves, artificiellement, à ces pages littéraires toujours vues comme la meilleure illustration de la « maitrise de la langue », en ignorant ce qu’elles requièrent d’héritage social ?

Il me semble que l'idée du pilotage de la pédagogie est à retenir .

Certes, l'idée de pilotage est  associé à la direction (si tant est que tous les chefs d'établissement pilotent vraiment) mais c'est une idée très restrictive du pilotage! La direction dirige, c'est une position hiérarchique, de l'ordre du commandement et de la prise de décision ultime.

Le pilote n'est pas dans la même position: il est devant, a réfléchi où il veut aller et se donne les moyens d'y aller, en évitant les écueils, les sables mouvants ou les rapides. Que veulent les enseignants lorsqu'ils choisissent un texte pour un devoir commun? Rester dans l'entre-soi des personnes distinguées et cultivées? Faciliter l'appropriation des élèves sans démagogie? ou autre...

Si les objectifs étaient clairs dans les "équipes" , si les enseignants se posaient des questions : pourquoi ai-je proposé ce texte? Quel effet je recherche en faisant ce choix? Nous aurions alors une pédagogie pilotée. Et s'ils confrontaient leurs questions avec leurs collègues, nous pourrions parler de pilotage partagé de la pédagogie.

 Voilà qu'il faudrait ajouter aux activités d'un enseignant, au moins d'un responsable d'équipe enseignante - coordonnateur de discipline, ou responsable de l'élaboration des devoirs communs : les activités d'un pilote.

Que je sache, à ce stade-là, le chef d'établissement n'intervient pas.

Michèle Amiel

Nouveaux textes officiels sur les missions des enseignants

"Une mission d’enseignement ;•Des missions liées à l’activité d’enseignement ;•Des missions complémentaires liées à des responsabilités dans et hors de l’établissementd’affectation..La liberté pédagogique de l’enseignant, qui s’exerce dans le respect des programmes et desinstructions du ministre et dans le cadre du projet d’établissement en lien avec les membres descorps d’inspection, est garantiepar l’article L. 912‐1‐1 du code de l’éducation.Outre la mission d’enseignement proprement dite, les enseignants exercent des missions quisont directement liées à la mission principale d’enseignement en application de l’article L. 912‐1du code de l’éducation qui précise que « les enseignants sont responsables de l’ensemble desactivités scolaires des élèves ». Ainsi, les activités de préparation et de recherche nécessaires à la réalisation des heuresd’enseignement ainsi que les activités d’évaluation des élèves de leur établissement sontinhérentes à la mission d’enseignement.D’autres missions, fondées sur l’article L. 912‐1 précité, sont directement liées à l’activitéd’enseignement. Ainsi, « les enseignants apportent une aide au travail personnel des élèves et en assurent le suivi.Ils conseillent leurs élèves dans le choix de leur projet d’orientation en collaboration avec lespersonnels d’éducation et d’orientation. Ils participent aux actions de formation continue desadultes et aux formations par apprentissage. Les enseignants tiennent informés les parentsd’élèves et les aident à suivre la scolarité de leurs enfants.Pour l’exercice de leurs missions , les enseignants travaillent au sein d’équipes pédagogiques quisont constituées des enseignants ayant en charge les mêmes classes ou groupes d’élèves ouexerçant dans le même champ disciplinaire.Les enseignants peuvent également travailler en équipe pluri‐professionnelle associant lespersonnels de santé, sociaux, d’orientation et d’éducation.Les modalités d’exercice de ces missions (travaux au sein des équipes pédagogiques et pluri‐professionnelles)  font  l’objet  d’une  concertation  entre  les  équipes  au  sein  de  chaque établissement. 3.Les missions complémentairesLa mission de professeur principal indemnisée par la part variable de l’indemnité desuivi et d’orientation des élèves (ISOE).•Les  missions  présentées  au  conseil  d’administration  sur  proposition  du  conseilpédagogique :-Coordonnateur de discipline ;-Coordonnateur d’un cycle ou d’un niveau d’enseignement ;-Référent (culture, numérique, décrochage...) ;-Toute autre responsabilité proposée par le conseil pédagogiqueet arrêtée par le chef d’établissement.L’attribution de ces missions aux enseignants repose sur le volontariat et donne lieu à une lettrede mission par le chef d’établissement."

Tout s'est passé en douceur; ça y est , les nouveaux textes sur le métier d'enseignant ont été présentés aux syndicats qui les ont approuvés. Cette explosion que tous attendaient lorsqu'il s'est agi de toucher au métier ne s'est pas produite. Mais que contiennent donc ces textes pour que chacun s'en retourne en poussant un soupir de soulagement : tout va changer pourvu que rien ne change ( non, ce n'est pas une erreur de raisonnement, c'est de la négociation dans l'Education nationale)

Mais qu'y a-t-il de changé?

La mission principale, bien en tête du texte officiel, c'est la mission d'enseignement. Et c'est nouveau ça? Le nombre d'heures hebdomadaires a-t-il changé? C'est même confirmé, un professeur de classes préparatoire a plus de valeur qu'un enseignant d'un collège de zone prioritaire. Nous sommes tranquilles, certains en resteront là, la mission principale, un point c'est tout!

D'autant que viennent dans la foulée quelques lignes sur la "liberté pédagogique" réaffirmée pour rassurer ceux qui auraient des aigreurs d'estomac devant un ministre aussi révolutionnaire. Rien de changé là encore. Certes, il y a quelques garde-fous : les programmes et les instructions du ministre ( sommes-nous bien sûrs que les enseignants les connaissent bien?), le projet d'établissement (celui qui est bien souvent rangé dans le tiroir du chef d'établissement et qui ne sort qu'une fois par an, au moment du vote au conseil d'administration), en ligne avec les inspecteurs...

Quant aux missions complémentaires (professeurs principal, référent, etc.), payées en indemnités, elles s'ajoutent, elles s'empilent. Qui va avoir envie, une fois les 15 ou 18 heures faites, sans compter les HSA incompressibles ( pas assez d'enseignants pour tout assurer!) d'assumer ces responsabilités? Qu'y a-t-il encore de changé ? Quand j'étais chef d'établissement, je désignais, dans le cadre du projet d'établissement , des enseignants qui exerçaient ces responsabilités et qui étaient rémunérés en HSA ou HSE (heures supplémentaires effectives): responsables de projet - informatique, éducatif, pédagogique- , référents pour les élèves en difficulté, coordonnateurs de disciplines....Nous faisions la plus grande communication possible dans l'établissement de ces relais et le contenu de leurs missions était discuté entre l'intéressé et le chef d'établissement. J'étais donc à la pointe et ne le savais pas?

Une situation que j'ai connue dans mon dernier lycée: Mme Dupond, professeur de SVT, outre les heures d'enseignement dont quelques heures supplémentaires comme tous ces collègues, est coordonnateur de sa discipline et professeure principal . Elle est responsable d'un beau projet scientifique en liaison avec les sciences physiques. Elle est tutrice de deux élèves en difficulté. Elle s'occupe de la formation du personnel de laboratoire pour son département. Bien entendu, elle est membre du conseil d'administration, du conseil de discipline, et du conseil pédagogique.Elle commence à fatiguer! Je pense que la lecture du nouveau texte officiel va la revigorer.

Nous avions attendu une meilleure intégration de ces missions complémentaires dans l'emploi du temps des enseignants , pour éviter la surcharge . Il y a même une aggravation: auparavant, c'est le chef d'établissement qui désignait les professeurs principaux , selon les besoins du service: dorénavant, tout reposera sur le volontariat .

Nous avions espéré , tout en la redoutant, une rupture avec l'ancien décret. Allez, la Refondation est en marche, tout est bétonné à l'ancienne. Les vieilles fondations sont fortifiées et le changement a les pieds pris dans le ciment.

Michèle Amiel

 

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