privé Ce fil est en édition sur Plume depuis le ven, 24/10/2014 - 10:39

En tant qu’enseignante titulaire à temps partiel j’ai mis en place un cahier de liaison entre collègues. En effet, les personnes en charge des compléments de service bougent très souvent d’une école à l’autre, et il est donc difficile de se croiser. Hors, même si l’un est à 75% et l’autre à 25 % face à la classe, les deux sont enseignants au même titre. Ce que, souvent d'ailleurs, élèves et parents ont du mal à comprendre voire accepter. Il est donc, à mes yeux, fondamental de faire preuve d’une cohésion et d’un travail concerté entre nous. La communication se fait certes par téléphone, internet mais le message écrit laissé sur le cahier est un lien d'un autre ordre.

Dans ce cahier, s’échangent, bien sûr des informations d’ordre général et logistique comme le rappel du calendrier des journées sports, de la période de piscine, des dates de sorties, des demandes des parents pour accompagner… Mais c’est aussi un "moyen" de partager notre ressenti de la classe, on y laisse des messages tels que « Cette semaine, les élèves sont très fatigués, ils ont du mal à se concentrer », ou « Très bonne journée aujourd’hui pour nous, tout le monde a bien travaillé… j’espère que ce sera pareil pour toi! » Ces petits échanges qui n’ont l’air de rien sont en fait très importants car ils tissent le lien entre enseignants qui ne peuvent pas se croiser. Ce cahier de liaison permet aussi d'avoir de la continuité et de la cohérence dans les interventions. Après la lecture d'un message du type : « Aujourd’hui, E. a été infernal, insolent, il a une punition à te montrer » je peux discuter avec cet élève, lui faire comprendre que les règles définies pour la vie de la classe concernent tout le monde, tous les jours de la semaine, sans exception, quelque soit l’enseignant. Cela permet alors aux enfants de se rendre compte qu’il n’y a pas de jour d’impunité. A l’inverse, lorsque je lis concernant un élève au comportement souvent très perturbateur : « J. a fait de très gros efforts aujourd’hui, son comportement a été très agréable et il a bien travaillé » je peux le féliciter ce qui valorise encore plus ses efforts. Par le biais de ce cahier, peuvent également s’échanger des interrogations telles que : « Comment trouves-tu G. en ce moment ? Je la trouve triste et démotivée depuis quelques temps. » Ce qui lorsque les observations sont convergentes, nous amène à communiquer plus directement et parfois à alerter les parents d’un souci éventuel.

Enfin, un enseignant peut souvent se sentir très seul face à sa classe, d’autant plus lorsque le travail d’équipe est inexistant, que dans la classe certains élèves sont très durs ou en grande difficulté. Que l'on soit titulaire de la classe en saturation ou en charge du complément de service, souvent de passage et n’ayant pas toujours toutes les informations, on peut parfois se sentir démuni et découragé près d’être débordé, être tenté de baisser les bras. Ces échanges, même brefs sur le cahier de liaison, sont alors salutaires, déculpabilisants : « il n’y a pas qu'avec moi qu'ils sont difficiles… », cela permet de reprendre confiance et courage face à la difficulté.

Ce type d’échange est d'ailleurs tout aussi important lorsqu'un collègue vient effectuer un remplacement et laisse, en plus de la trace du travail de la journée, quelques mots sur son vécu dans la classe. Il apporte alors un regard extérieur parfois bien utile pour aider à prendre de la distance. Et si tout va bien, un enseignant prend toujours plaisir à lire que travailler avec ses élèves est agréable !

Maintenant, que je suis remplaçante et tourne dans bon nombre d'écoles et classes, c'est à mon tour de laisser une trace de mon passage : les grandes lignes des activités de la journée accompagnées de quelques mots sur mon ressenti. Certes, tous les collègues n'accordent pas de l'importance et ne lisent pas ces messages. Je le fais, pour moi, pour rendre compte au titulaire de la classe de mon travail et de mon investissement mais aussi parce que je demeure convaincue que parfois ces quelques mots sont utiles.

Sylvie Baud-Stef

Professeur des écoles