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En quoi l’écriture de situations problèmes et leur partage transforme la posture du formateur et facilite son savoir être ?

J’anime des ateliers d’écriture depuis plus de dix ans ; depuis trois ans, j ’ai expérimenté les Groupes d’Echanges de Pratiques (GEP) et j’ai pu constater combien cette expérience avait transformé ma posture.

Jusque là, j’animai avec le savoir faire acquis lors de ma formation à l’animation. Je m’appuyais sur l’idée que mon rôle était de «  garantir le cadre et la sécurité des personnes à l’intérieur de ce cadre ainsi que la productivité du groupe ». J’avais lu le travail de Didier Anzieu sur la dynamique des groupes restreints1 qui m’avait permis de saisir ce qui est à l’œuvre dans les groupes. Lorsque des conflits éclataient – assez rarement tout de même -, je me « débrouillais », armée notamment de la certitude entendue lors de ma formation : quand il y a un problème, l’animateur doit monter au créneau.

L’expérience des GEP a transformé ma façon d’être dans ma pratique professionnelle, notamment par la prise de conscience d’appartenir à un groupe professionnel défini, capable de partager ses expériences et de les transformer en connaissances actives.

Les GEP fonctionnent avec quelques règles fondamentales, dont la première est la règle de confidentialité : rien de ce qui va être exposé ne sera divulgué. Ce contrat de confiance est la condition minimale pour rendre les échanges possibles.

Le GEP se déroule ensuite en plusieurs étapes.

Dans un premier temps, chaque personne présente est invitée à écrire une situation problème. Il s’agit de l’écrire sous la forme d’une scène, de façon quasiment cinématographique : décor, personnes en présence, dialogues, atmosphère, attitudes… Ils s’agit de raconter « ce qui s’est passé » le plus concrètement possible en se concentrant sur le moment où « ça «  a dérapé.

La mise en récit de la situation problème crée une première distance ; le situation problème se transforme en quelque chose de potentiellement partageable alors qu’elle était jusque là « une plaie vive » enfouie au fond de soi, emprisonnée par l’affect et la culpabilité d’avoir failli dans sa compétence professionnelle. Toutes les situations problèmes sont chargées d’affects. Le formateur qui y a été confronté, s’est senti mis en danger, remis en question dans son exercice professionnel mais aussi en tant que personne.

En outre, l’obligation de dérouler les événements tels qu’ils sont arrivés, comme dans un ralenti, engage l’auteur dans une démarche d’explicitation : l’écriture met à jour des détails significatifs, permet de saisir un enchaînement des faits, un engrenage.

A tour de rôle, chacun va lire ce qu’il a écrit. Cette étape de lecture à voix haute permet un « dégazage » ; la tension diminue. L’expérience vécue individuellement est maintenant partagée. Elle acquiert le statut d’objet d’étude, sort du domaine individuel de l’affect ; C’est aussi le moment où le groupe se constitue comme un groupe de professionnels : il est très réconfortant de sentir immédiatement que la situation fait écho parce que chacun est en prise avec des situations similaires. C’est un soulagement de sortir de l’isolement qui est celui du formateur face à un groupe.

Après chaque lecture à voix haute, les auditeurs se transforment en « poseurs de questions ». L’auteur est questionné sur les circonstances, sur les détails. Les auditeurs sont en quête d’informations complémentaires, de précisions. L’interprétation, le commentaire, sont proscrits. Ce temps de questionnement fait émerger des pistes de résolution : chaque question ouvre déjà une porte pour comprendre, expliciter. L’auteur répond aux questions autant qu’il le peut.

A ce moment-là, intervient l’accompagnateur du GEP. Les accompagnateurs sont en général de formation psycho-sociale. Ils connaissent le domaine professionnel des participants, en sont éventuellement des praticiens.

Lors de la synthèse des échanges, l’accompagnateur va chercher à donner au groupe des outils d’analyse pour cerner la problématique, apporter des éléments de résolution

. Les expériences partagées vont se transformer en compétences partagées.

Les échanges au sein du GEP permettent de dédramatiser et sur tout de donner aux formateurs les moyens de comprendre et de résoudre les SP.

Les outils dont peuvent se saisir les formateurs vont leur permettre de situer le problème sur un autre plan que personnel  - la grille d’Ardoino, par exemple, va élargir la vision qu’on a du problème posé par la situation en mettant en cause le s ystème institutionnel au sein duquel se déroule l’atelier

Nécessité pour le formateur d’interroger sa posture, sa relation aux autres, par exemple en se référant au grille de Portner….

1 La dynamique des groupes restreints, Didier Anzieu, Jean-Yves Martin, PUF 1994 (réédité depuis)