Du côté des programmes, il faut selon moi une proportion de programmes disciplinaires, dont l'objectif est d'acquérir des concepts propres à certains champs de réflexion, certes pas clos, mais qui découpent les réalités de la vie d'une certaine façon pour les regarder plus finement. Comme les concepts de narrateur et point de vue narratif en français, ou encore d'acte de langage. Qu'ils puissent être travaillés avec d'autres à certains moments, bien sûr. Mais il faut aussi des moments où ils sont travaillés seuls , dans les "ilots de savoir" intéressants à visiter.

Il faudrait aussitôt préciser, comme l'ont fait nos illustres prédécesseurs, que ces corps de connaissances disciplinaires ne peuvent être déduits directement des savoirs savants mais sont à croiser didactiquement avec les besoins des élèves aux divers niveaux.

Rebonds 7

Oui les programmes disciplinaires sont utiles, aussi si nous avons le droit d'être "à côté", lorsque cela se justifie !

Si l'interdisciplinarité est encouragée et que les montages de séances sont laissés à l'initiative des enseignants, cela veut dire qu'ils ont également le droit de "sortir" ponctuellement des programmes pour participer à la construction d'une séquence interdisciplinaire.

Dans l'exemple que je donnais (voir fil sur les préambules de programmes) sur la séquence interdisciplinaire autour des "Misérables" de Victor Hugo, je ne sais pas si des maladies comme le rachitisme sont au programme de la SVT. Mais je sais que je peux faire aussi un lien avec le poème de Victor Hugo "Mélancholia", dans lequel cette maladie est citée explicitement. Et que dans une perspective interdisciplinaire, mettre en parallèle ou en résonance, la notion de progrès technologiques et de maladies liées à ces progrès, peut permettre de construction d'un début de  jugement critique chez les élèves. Ce qui fait que l'intervention de la SVT devient fondamentale dans le projet

Les programmes ne peuvent donc peut-être pas être exhaustifs en termes de "points de programme interdisciplinaire", à mon avis, mais peuvent encourager la créativité des équipes enseignantes, en leur donnant le droit d'user de leur discipline selon les besoins des projets créés sur le terrain.

Céline Walkowiak Enseignante de lettres au collège, dans le Pas-de-Calais, le 2 Février 2014 à 13:25

Je pense qu'il faut se poser la question plus radicalement c'est à dire envisager l'abandon des programmes tels qu'ils existent. Les modifications faites usuellement, qui repartent à chaque fois des programmes précédents, les opérations de retouchage âprement négociées, aboutissent à des résultats décevants, et nécessitent de nouveaux raccommodages. Pour moi le cadre national devrait dans l'idéal se réduire à un ensemble de compétences, par champs disciplinaires, aussi bien à l'école qu'au collège ou au lycée.  Le terme de "programmes" est associé, de façon très profondes, à des listes de "savoirs" et de "savoir-faire", strictement disciplinaires, trop longues, inégalement précises, et assez largement ordonnées par les textes officiels. Je crois au contraire qu'il faut défendre l'idée utopique qu'il n'y ait plus de listes de contenus disciplinaires, c'est à dire plus de "programmes" par discipline, au sens actuel du terme. Au collège et au moins en seconde !

Françoise Colsaet

En Finlande les enseignants nous ont expliqué que les programmes nationaux étaient très légers et peu cadrants  et que les enseignants des régions se réunissaient pour les affiner et les adapter au terrain local mais cela suppose des compétences suffisantes en ingénierie de la formation et en psychologie cognitive ainsi qu’une culture professionnelle de la collaboration. Ce qui est le cas là-bas. Ils ont insisté sur le fait que contrairement à nous, ils refusaient l’encyclopédisme et optaient pour la qualité plutôt que la quantité. Ce qui explique aussi qu’il y ait beaucoup moins de stress chez les enseignants et par conséquent chez les élèves. Dans ce pays les professeurs sont d’abord enseignants, ensuite ils se spécialisent sur deux disciplines. On ne trouve donc pas de groupes de pression disciplinaires qui essaient d’imposer leur matière au détriment des autres. Cela change beaucoup la façon de voir les choses et la construction des programmes globaux, cela favorise aussi l’interdisciplinarité. Ce ne sont pas les matières qui sont au centre mais les jeunes. On se demande de quel bagage a besoin le jeune, en termes de connaissances et de compétences, et ensuite on voit comment chaque enseignant peut contribuer à sa formation dans l'équipe.  Au lieu de partir des contenus jugés indispensables par les universitaires de chaque spécialité. 

Pour moi il est difficile de traiter cette question indépendamment de celles de la formation des enseignants, des modes d’évaluation et des pratiques des Inspecteurs. Voire même de leur existence, ils n’existent pas en Finlande ! Je les enverrais volontiers devant les élèves pour un tiers temps et ils contribueraient à la formation et au conseil pédagogique pour les 2 tiers qui restent... Tout est lié mais il s’agit de savoir sur quel levier appuyer en premier pour faire basculer les pratiques et entraîner les changements. Pour moi c’est la formation initiale, même si elle met des années à « faire tâche d’huile » dans les établissements.

Nicole Bouin

Nicole Bouin Co-organisatrice des rencontres , le 14 Juin 2014 à 16:49
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