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" Ce qui fait changer un établissement » organisé par le Crap, samedi 14 juin 2014
 

Par Francoise Serrero, collaboratrice Mapie Créteil
 
 
Matinée très fructueuse même pour les vieux routiers de la pédagogie et il y en avait plusieurs… presque autant que de jeunes en recherche et c’était un réconfort de voir que même un samedi matin n’avait rebuté ni les uns ni les autres…
J’ai manqué le tout début car je n’avais pas le numéro de la rue des Pyrénées sur l’invitation …
 
La première intervention, pour moi, a été celle du Microlycée que je connais bien en tant que collaboratrice MAPIE (mission innovation du rectorat de Créteil). Intervention principalement axée sur la référence (tutorat chez eux) et sur la façon dont l’équipe s’est historiquement constituée et comment elle fonctionne en accompagnement des élèves. La question du temps de travail a aussi été abordée. Bien plus élevé que le temps réglementaire (environ 25 heures pour un agrégé au lieu de 15 heures) il n’est au final pas tellement plus important, selon la collègue, que la réalité des services dans un établissement normal avec les emplois du temps à trou etc. Mais elle a dit beaucoup d’autres choses que je n’ai pas retenues car je focalisais mon attention sur les participants : des jeunes… souvent déjà croisés lors de journées académiques… La relève !
 
Ensuite est intervenue l’équipe du bulletin positif. Je dois dire que l’idée m’a scootchée car je l’ai trouvée totalement ingénieuse et dynamitante ! (je veux dire, sorte de « bombe à retardement », qui ne peut que questionner et faire évoluer les pratiques). Elle m’a ramenée immédiatement à l’époque de mes prouesses de jeunesse en LP ou j’étais maîtresse-auxiliaire à l’année, prouesses expérimentales, menées en solitaire en milieu (souvent) hostile et qui m’avaient valu l’épithète de « poseuse de bombes » décernée par mon profs de fac au motif que je quittais les établissements chaque fin juin, sitôt mon « forfait » accompli ! Avec la différence que la collègue ne quitte pas son établissement et qu’il n’y a en 2014, aucune explosion… ce qui est bien pour moi, la chose la plus surprenante ! Parce que j’ai tout de suite imaginé les collègues confrontés à la logique cachée du dispositif se dire « mais alors si le bulletin au dos est « positif » est-ce à dire que l’autre est « négatif » ? » Quel choc pour la bonne conscience ! Bien sûr, il a fallu 20 ans dans ce même établissement, à la collègue innovatrice, pour y parvenir. A moins qu’il lui ait fallu tout ce temps pour s’autoriser à inventer ce stratagème ?
 
Ceci a été la grande question que j’ai finalement retenue de la rencontre, et particulièrement de l’intervention de François Muller qui a suivi : Pourquoi les collègues ne s’autorisent-ils pas à changer leurs pratiques ?
Première hypothèse : ils ne savent pas comment faire autrement.
Pour y répondre, il a encouragé les enseignants à s’informer auprès des élèves en leur donnant un mini questionnaire (anonyme) déjà testé avec succès par son équipe du ministère dans plusieurs établissements. « Qu’avez-vous appris au collège ? Qu’est-ce qui vous a aidé ? Qu’est-ce qui vous a empêché ? Quels conseils donneriez vous aux professeurs ? ». De quoi angoisser plus d’un collègue ! Mais il a affirmé que les réponses ont donné matière à réflexion aux équipes pour deux à trois années voire plus…
 Deuxième hypothèse : ils n’ont pas assez confiance en eux.
Il a proposé 4 questions piège auxquelles il fallait répondre à main levée par oui ou par non. 
• Les enseignants ont les ressources nécessaires pour s’autoréguler comme de bons professionnels
• Les enseignants doivent être les enquêteurs de leurs propres pratiques
• Il suffit de s’en remettre à des experts donnant les bonnes recettes pour que ça marche
• Les connaissances professionnelles des enseignants ne sont pas seulement disciplinaires mais aussi pédagogiques 
Pourquoi ces questions là, justement, que je n’aurais pas obligatoirement choisies ? J’ai pensé qu’elles étaient le fruit de son expérience et donc certainement les plus pertinentes dans le contexte actuel. Les objectifs sont apparus lors de l’analyse des réponses. Pour la première question il a proposé de changer simplement « les ressources » par « des ressources » et de la recevoir comme vraie, la seconde a permis un développement sur les bienfaits de l’analyse réflexive des pratiques, la troisième a été écartée pour affirmer que les experts sont justement les profs eux-mêmes et la quatrième enfonçait le clou de la double casquette des enseignants, non seulement porteurs d’une discipline mais aussi pédagogues.
Et ceci est la seconde grande idée que j’ai retirée de la matinée au moment justement ou un participant cherchant à répondre à la question « Qu’est-ce qui fait obstacle à l’évolution des collègues ? » a lâché le mot « inspecteur », furtivement, comme un gros mot qui fâche, et bien après que plusieurs autres se soient étendus sur la « nature humaine qui n’aime pas le changement »… Là, je n’ai pas raté l’occasion de préconiser un certain détachement du disciplinaire, qui nous a menés naturellement à la question de l’évolution des missions des inspecteurs confrontés à la nécessité de passer de l’inspection « conformité » à une inspection « conseil-accompagnement » dans le contexte de l’autonomie grandissante des établissements. François Muller a alors rappelé la méthode employée en Nouvelle Zélande et en Irlande qui a consisté à supprimer les corps d’inspection traditionnels pour les remplacer par des « évaluateurs » d’un autre type qui s’intéressent aux résultats du côté des usagers (les élèves) et non plus du côté des professeurs…

Enfin, il a conclu sur la recommandation de ne pas se priver d’ouvrir les portes de sa classe, de faire entrer les collègues, et même l’extérieur, parents, intervenants, associations du quartier etc. Et, il a conseillé, simplement, de demander un emploi du temps en barrette pour 2 professeurs, chose très aisée à réaliser pour un chef d’établissement et qui permet de multiples formules de co-intervention.
 
Voilà rapidement, mon analyse totalement subjective et incomplète de cette riche matinée mais il est temps que la subjectivité soit reconnue comme plus efficace que la prétendue objectivité… chose que le Crap sait depuis bien longtemps !
 
Très cordialement.