privé

Evelyne Clavier enseignante certifiée hors classe de lettres modernes au collège Julien Franck de Champigneulles et secrétaire générale de la FCPE 54, coresponsable de la commission de défense des élèves en situation de handicap et à besoin spécifique, représentante des associations de parents d’élèves à la MDPH 54

 

Le 8 septembre 2013, sur la demande de la directrice et du directeur adjoint des ressources humaines du Rectorat et de la chef de la DPE7, le secrétaire général du Rectorat de l’académie de Nancy Metz ouvre à mon encontre une procédure disciplinaire pour «manquement grave à mon devoir de réserve et intrusions répétées dans le champ de compétences de son chef d’établissement». Le 9 octobre 2013, la procédure disciplinaire est fermée par la Rectrice alors en poste. Au devoir de réserve s’oppose le devoir de conscience.

 

Dire ou ne pas dire?

Je suis mère d’une enfant en situation de handicap moteur provenant d’une maladie neuromusculaire et c’est entre autres grâce à l’action conjointe de la FCPE1 et de l’AFM2 que notre fille a pu être scolarisée dans le collège de notre ville où j’enseigne les lettres modernes depuis sa naissance en 1997. Malgré l’opposition du chef de cabinet du Conseiller général devenu par la suite IPR-ASH3 au rectorat de Nancy Metz , un ascenseur a été installé pour la rentrée 2008 à son entrée en 6ème. Il aura fallu un bras de fer de plusieurs années avec les représentants politiques et administratifs du Conseil général de Meurthe Moselle pour que la loi du 11 février 2005 soit respectée. Le collège de Champigneulles est rendu accessible non pas parce que c’est la loi, mais parce que l’on craint une trop forte pression médiatique.

Lorsqu’un membre du syndicat auquel j’appartiens me demande de venir siéger à la MDPH4 au nom de la FCPE en 2010, j’hésite mais je finis par accepter. En décembre 2011 je suis nommée par le DASEN 5sur proposition de la FCPE 54 titulaire pour les associations de parents d’élèves en CDAPH6. Les CDAPH sont composées de représentants du Conseil Général, des services et des établissements publics de l’État (ARS, Académie.), des organismes de protection sociale (CAF, CPAM,), des organisations syndicales, des associations de parents d’élèves et des représentants des personnes handicapées et de leurs famille. C’est IEN-ASH7 qui siège en Meurthe et Moselle au nom du DASEN. La CDAPH se tient deux fois par mois les mardis après-midi. J’y prends conscience que certains élèves en situation de handicap sont indésirables à l’école et que certains sont déscolarisés après avoir été ballottés entre les structures médico-sociales et l’école de l’Education nationale. En janvier 2012, le DASEN remet à nouveau en cause ouvertement la loi du 11 février 2005, incrimine la MDPH qui accorde trop de notifications et considère que c’est à elle de payer quand elle prescrit.

Dans mon établissement, j’ai pu voir les effets de cette politique et de ces discours sur les élèves. Les restrictions budgétaires des années du quinquennat de Nicolas Sarkosy qui entraînent suppression de poste et de classe touchent essentiellement les élèves les plus fragiles: les élèves en situation de handicap et élèves en grande difficulté scolaire. Une pétition et un rassemblement pour la défense des élèves les plus fragiles sont organisés en juin 2012 devant mon établissement sur l’initiative de la FCPE locale, elle rassemble la plupart des syndicats enseignants. Je fais la jonction.

 

Les parents élus,

Avec le soutien des syndicats enseignants,

 

Défendons le droit à un enseignement adapté à chaque élève!

 

Les parents et les enseignants du collège et des écoles maternelles et primaires de Champigneulles et de Bouxières-aux-Dames déplorent que les restrictions budgétaires touchent les élèves les plus fragiles de nos communes:

 

  • En primaire, un poste de rééducateur du Rased disparaît à la rentrée 2012.

 

  • Au collège, la décision arbitraire de limiter les effectifs en SEGPA conduit à une nouvelle fermeture de classe en 5ème

 

 

  • Un poste d’enseignant professionnel va également disparaître en SEGPA, ce qui a des conséquences pour les élèves de l’ULIS. Ils ne pourront plus bénéficier de cours d’atelier.

  • Le dispositif de 4ème Aide et Soutien destiné aux élèves en difficulté du collège est lui aussi supprimé.

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  • Les AVS et les EVS, si importants pour les élèves en situation de handicap, ont un statut toujours aussi précaire.

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Agissons ensemble!

Le gouvernement a évoqué que ces mesures injustes pouvaient être révisées dans les semaines à venir.

Apportez votre soutien à cette action!

 

 

 

Un article paraît dans la presse en page départementale et les services de la DASEN reçoivent la FCPE; je fais partie de la délégation qui exprime ses doléances et fait des propositions.

J’ai fait le choix de dire et d’écrire.

La principale de mon collège l’a fait également : elle a rédigé à mon insu entre mai et juillet 2012 quatre rapports: je suis devenue dangereuse pour mes élèves et pour mes collègues. Ces rapports m’ont valu convocations à la DRH, à la médecine de prévention et auprès d’un expert psychiatre sans que j’en aie connaissance dans leur intégralité et sans que je puisse y exercer le principe du contradictoire. Je les découvre à l’ouverture de mon dossier professionnel le 15 octobre 2012, ils sont calomnieux et diffamatoires. Je demande alors à plusieurs reprises une médiation qui va être systématiquement refusée par la DRH

 

Devoir de réserve et devoir de conscience

C’est le devoir de réserve qui va être un des motifs invoqués pour l’ouverture de la procédure disciplinaire à mon encontre. Le devoir de réserve n'existe pas cependant dans le statut des fonctionnaires défini en 1983. Contraire à la liberté d'opinion, une garantie accordée aux fonctionnaires (article 6 de la loi 83-634, dite loi Le Pors, Titre I du Statut Général), il est pourtant brandi régulièrement comme une menace .J’ai manqué gravement à mon devoir de réserve en témoignant pour une EVS qui porte plainte aux prud’hommes contre l’Education nationale. C’est dans un entretien au rectorat le 1er juillet 2013 que je l’apprends de la DRH et le DRH adjoint, la chef de la DPE7.Voici l’attestation réalisée:

 

J’ai travaillé avec Madame……. EVS d’un élève de 6èm ?e, diagnostiqué dyspraxique, durant l’année scolaire 2010- 11 et j’ai pu me rendre compte de l’importance de sa présence à la fois pour la classe et pour l’enfant, ainsi que du bénéfice de son aide. J’ai pu également apprécier la qualité de son investissement. Son travail d’EVS n’a toutefois pas été reconnu à sa juste valeur.

 

Madame……… n’a pu rejoindre le poste qui lui avait été confié que mi-octobre .Son arrivée a permis à l’élève en situation de handicap de prendre confiance en lui et de s’intégrer réellement à la classe. Le soutien scolaire prodigué de manière régulière a contribué à la réussite scolaire de l’élève. L’accompagnement effectué a donc été très bénéfique.

 

Mais on peut regretter que cet accompagnement ne soit pas pérennisé, qu’il arrive souvent assez tard et que l’absence de définition claire du travail puisse conduire à certaines dérives. Les EVS jouent en effet en cas de besoin le rôle d’assistant d’éducation au détriment des élèves dont ils ont la charge. De plus, aucune préparation à ce travail n’est prévue et l’on peut que déplorer le manque de formation pour ce travail qui n’est pas reconnu comme un métier à part entière.

 

J’ai dû également manquer à mon devoir de réserve lorsque je suis intervenue à la MDPH 54 en juin 20012 et lorsque j’ai interpellé l’IEN-ASH au moment où une association de parents d’enfants dyslexiques a menacé de porté plainte contre ….la MDPH! J’ai dû également manquer à mon devoir de réserve lorsque je suis intervenue à table ronde de la Refondation de l’école en septembre 2012 consacré l’accompagnement des élèves en situation de handicap. J’ai dû aussi manquer à mon devoir de réserve lorsque j’ai co-organisé une initiative du CRAP-pédagogiques sur la coéducation comme condition pour une scolarisation réussie des élèves en situation de handicap.

 

 

Que faire?

Selon la DRH, il aurait fallu que je reste aveugle et sourde à ce qui se passe dans mon établissement et que je ne cherche pas à y faire évoluer les pratiques discriminantes et ségrégatives. Vous n’êtes pas prof de handicap! Vous devez faire le programme! a asséné à plusieurs reprise le DRH adjoint. C’est de ne pas m’être cantonné à ma fonction d’exécutante et d’avoir osé dire et faire qui m’ont valu sanctions, intimations et nombreux empêchements. Mes actions ont toujours pourtant été constructives, j’ai toujours cherché à adapter au mieux les exigences d’un programme élitiste aux besoins de tous les élèves, de faire attention à chacun et de transmettre des valeurs de respect de l’autre et de sa différence. J’ai tenté de mettre en place différents projets culturels et artistiques à vocation inclusive destinés à faire se rencontrer tous les élèves du collège qu’ils viennent de la SEGPA, de l’ULIS et des classes ordinaires, de mettre en place en classe une pédagogie différenciée à même de faire émerger les compétences de chacun.

En réponse aux menaces constantes de l’Institution qui n’a eu de cesse de vouloir me faire taire, j’ai dû porter plainte pour harcèlement moral, discriminations et violences volontaires le 23 septembre 2013. Une enquête est en cours. Pour préserver ma santé physique et psychique j’ai dû me mettre en arrêt maladie pendant près d’un an .Le chef d’établissement contre qui je porte plainte est toujours en poste Le CHS-CTD n’est jamais intervenu, les syndicats enseignants n’ont pas usé de leur droit et devoir d’alerte. J’ai repris mon travail à la rentrée 2014.Une médiation faite par un organisme externe devrait se mettre en place dans l’attente d’une décision de justice. Je l’attends à ce jour.

Demander le respect et l’application de la loi du 11 février 2005 dans l’Education nationale par des moyens démocratiques et légaux ne va pas sans risque. Ces risques, je les reprendrai sans hésiter. Des progrès ont été faits, l’école a été refondée inclusive le 8 juillet 2013, les EVS et AVS vont devenir les AESH8. Dans mon établissement, il semble que les élèves à besoin spécifique soient un peu mieux considérés. J’y demeure quant à moi toutefois persona non grata. Je continue de faire l’expérience sensible du rejet et des discriminations dont sont victimes les élèves différents au sein de notre belle école. dite républicaine.

Violents maux de têtes et nausées, insomnies ont repris. Il me faut pourtant aller retravailler dans des conditions difficiles. Je ne démissionne pas toutefois. Mes classes de quatrième vont participer à la campagne Mobilisons-nous contre le harcèlement qui vient d’être lancée. Il y a encore quelque chose à faire!

 

 

1 Fédération des conseils de parents d’élèves

2 Association française pour les myopathies.

3 Inspecteur pédagogique régional en charge de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés

4 Maison départementale des personnes handicapées.

5 Directeur académique des services de l’Education nationale

6 Les Commissions des droits et de l'autonomie des personnes handicapées (CDAPH) ont été créées par la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

7 Inspecteur de l’Education nationale en charge de l’adaptation scolaire et de la scolarisation des élèves handicapés

8 Accompagnant d’élèves en situation de handicap. Décret n° 2014-724 du 27 juin 2014