De Lilia Alemane

J'écris peu mais là j'ai besoin de vos conseils. S'il vous plaît pas de consolations, juste objectivement dois-je laisser tomber ou non ? Et vos conseils dans les deux cas...

Ce conseil de classe commence avec la précision du PP qu'il s'agit d'une excellente classe... "sauf trois élèves" dont on Insiste sur le fait qu'on va s'attarder sur leur cas, oh les vilains ! On précise aussi qu'il y a une baisse générale en raison des difficultés qu'ils sont nombreux à rencontrer parce que les professeurs ont haussé les exigences en raison des très (trop ?) bonnes moyennes du premier trimestre.

Pourtant, pratiquement à chaque élève, on va s'attarder sur les disciplines dans lesquelles les notes ont baissé et on va s'y attarder au point d'interpeller le professeur concerné pour lui demander des explications.
Pour la troisième année consécutive je ne mets pas de notes à mes élèves de collège. Pourtant, pour la troisième année consécutive, je vais entendre les remarques agacées des parents, voir  les grimaces, les mimiques de mes collègues suggérer que tout ça est bien gênant, oserais-je suggérer que je suis une enquiquineuse ?
Cette fois-ci j'ai même entendu "elle ne serait pas un peu fumiste ?" Tout cela m'use et m'épuise et je ne vois pas comment leur faire comprendre qu'on ne classe pas, qu'on ne sanctionne pas. En remarquant simplement que lorsqu'on augmente la difficulté sous prétexte que les moyennes sont trop belles, il ne faut pas s'étonner qu'effectivement lesdites moyennes baissent, je passe encore pour laxiste. Le fameux goût de l'effort par l'échec, certes relatif l'échec.
À la fin du conseil, autre sidération. « Tu as vu le nombre de félicités ?» N'a-t-on pas précisé qu'il s'agissait d'une excellente classe ? Est-ce une honte de féliciter un élève qui a progressé, qui travaille sérieusement et qui a tenu compte de nos conseils ?
Est-ce normal de regarder une moyenne générale de mathématiques qui a baissé de 0,4 et dire "ils ont beaucoup baissé en mathématiques ?"
Je suis fatiguée. Fatiguée de me battre contre des moulins. Je vais sans doute baisser les bras...

PS : c'est une classe de 6eme

Lilia , découragée

Rebonds 8

Ma chère Lilia,Comme je te comprends, je sors moi-même d'un conseil de 1e S de la même teneur (excellente classe, excellents résultats), où il n'a été question que de classer, hiérarchiser, souligner les points faibles plutôt que les points forts, tout ça de façon très inconsciente en plus.Je vous mets un petit florilège de choses entendues, que pour la 1e fois j'ai prises en note tellement j'étais estomaquée :- J'ai coefficienté les moyennes pour qu'ils se rendent compte pour le bac- Ce 13,2, il est flatteur- Certes c'est une très bonne classe mais bon, on sent une tendance au relâchement, faudrait pas qu'ils croient que c'est gagné- Il est très facile...Un peu trop...- on n'est jamais à l'abri d'un accident (en parlant d'un excellent élève)- Bon il n'a que 13,58 en EPS (d'un élève qui a 18 de moyenne)- Ah elle aussi elle veut changer pour ES? Y'a de l'amour dans l'air (parce qu'un autre élève de la classe veut basculer en ES)- je voudrais pas que ce soit parce qu'en ES, ils bossent pas trop alors...

Voilà, je sais qu'on a tous entendu ça en Conseil de classe mais ce soir, ça m'a particulièrement marqué. Et je l'ai d'ailleurs fait remarquer plusieurs fois au PP quant à ses appréciations.Donc non Lilia, ne baisse pas les bras, continue ton bonhomme de chemin même si certains jours sont plus compliqués que d'autres.

Anne Pedron-Moinard

Non Lilia, n’abandonne pas, c’est toi qui es dans le juste. J’ai souvent vu ce genre d’ambiance en lycée à Paris… C’est très décourageant et destructeur, pour les élèves et pour les collègues, mais il faut tenir bon et continuer à montrer qu’une autre voie est possible.

Bisesalexandra Rayzal

Tiens bon, Lilia!!Dis donc c’est impressionnant, on aurait dit que tu parlais d’une prépa au moins ! Toute cette pression sur des 6e, c’est dingue, je comprends que ça te mette dans cet état.Tu sais ici on en est à notre 3e année de 6e « sans notes » et il faut encore batailler au quotidien pour faire comprendre pourquoi on travaille de cette façon, car les vieilles habitudes sont encore bien ancrées dans les esprits. Or on est une équipe soudée qui s’élargit d’année en année, et malgré ça c’est quand même difficile tant du côté des parents que de celui des collègues qui ne veulent pas en entendre parler, alors j’imagine bien que pour toi toute seule, pfiouuu ! Ce doit être pesant. Mais faut pas lâcher ! Tiens bon pour tes petits élèves, mais aussi pour ceux parmi tes collègues qui vont peut-être finir par changer d’avis à force de te voir faire.As-tu seulement eu l’occasion d’expliquer tes choix à tes collègues, autrement qu’en réponse à des attaques, à un moment où tu ne serais pas sur la défensive et obligée de te justifier ?Allez ne te laisse pas démonter, on est avec toi   !

Sandrine Lemoine

Merci Sandrine,

de ta suggestion d'expliciter auprès de mes collègues mais je le fais et j'ai soit des sourires narquois soit des haussements de sourcils alors c'est vrai que je ne le fais plus.Je devrais sans doute recommencer. Je vais y réfléchir.Lilia

Bonsoir,Antidote n°6 :http://www.cahiers-pedagogiques.com/Supprimer-les-notes-est-ce-tromper-l...8 ans que je suis seul à ne pas noter dans les deux collèges où j’enseigne. Je ne perdrais pas de temps à dire tout ce que j’ai dû endurer. Au début, l’administration imprimait les bulletins en cochant « ne pas imprimer les services sans note », donc je n’apparaissais même pas !En CC, je baisse la tête… pour mettre au propre mes plans de travail (voir doc ci-joint)En changeant de voisin régulièrement, mes collègues voient que je peux être plus précis qu’eux dans mes évaluations non chiffrées... une poignée commence à avoir des questions, des envies… après 5 ans dans ce collège ! Patience !Puis de temps en temps, je lance un « Ah bon, il a baissé en Maths parce qu’il est passé de 14 à 12 ? Pourquoi, tu es resté sur le même chapitre ? Où il avait 14 en géométrie et a maintenant 12 en algèbre ? »Aussi, « Et le contexte, c’était de l’écrit, de l’oral, ou une observation de l’activité de l’élève en classe ? » Sur ce dernier point, les collègues pensent que c’est du « pif au mètre » alors que le 13,25 lui est précis… J’aime bien parler de docimologie de temps à autre, en guise de rappel pour ceux qui ne prennent pas l’antidote n°6 Parfois même, le prof principal ne tient pas compte de mon appréciation, comme il n’y a pas la note, il ne sait pas quoi en faire… Alors j’essaie d’aller à un maximum de conseils possibles, avec le sourire bien sûr !Quant aux parents, il est important d’expliciter le pourquoi nous faisons ainsi. Leur parler de la docimologie, les résultats les surprennent ! Quelle injustice pour leur enfant !Mes outils ne sont pas accessibles à tous, alors je bosse sur une présentation « araignée »…De toute façon le souci vient de ce que nous faisons de l’évaluation.Regardez les appréciations ci-jointes :• Quelles sont les bienveillantes ?• Quelles sont les sommatives ?• Quelles sont les formatives ?• Quelles incitent au progrès ?• Quelles explicitent comment y parvenir ?N’abandonne pas Lilia, tu n’es pas seule ! C’est aussi pour ça que nous avons besoin de nous retrouver sur ces espaces numériques. Et puis nous aurons l’occasion d’en reparler en co-voiturage Enfin, inutile d’argumenter face aux réactions de certains collègues. Questionne tes élèves et implique-les dans l’amélioration de tes outils. Prends le temps de leur parler de la docimologie et des rôles de l’évaluation : récompense\sanction ou moyen de savoir avec qui aller plus loin, qui peut devenir tuteur et qui a besoin d’un peu plus de temps et d’aide ?C’est pour eux qu’il ne faut pas abandonner, pour les autres la formation initiale doit jouer son rôle afin de grossir les rangs…AmitiésCyril Lascassies

Bonjour Cyril

Merci pour tes conseils de questionnement aux collègues et puis sur celui de baisser la tête. Je trouve aussi que pas de note c'est ne pas exister dans les conseils de classe

Lilia

Pourrait-on réfléchir ensemble à : comment "exister" dans un conseil de classe, sans se focaliser sur les notes?

Dominique Moreno Enseignant, le 23 Mars 2017 à 08:03

Chère Lilia,Je viens de découvrir tous les échanges qui ont suivi ton message. J'étais la tête sous l'eau, enfin j'y suis encore J'ai essayé cette année moi aussi, d'arrêter les notes, toute fière de ma décision et, à part les classes Neo Alta qui ont l'habitude que leurs profs expérimentent, je me suis fait prendre à partie en conseil de classe (qui fonctionne désormais sur le modèle de Neo Alta avec tous les élèves et familles donc depuis cette année pour les 6e 5e 4e) car, pas de note en français, ce n'est pas acceptable (il n'y en a pas en EPS, en musique et en arts plastiques...) ! J'ai tout de suite abandonné car déjà fatiguée par cette année de Réforme et de nouveaux programmes. Quand je lis tout ça, ça me redonne la pêche ! Mais pour l'année prochaine du coup... Si celles et ceux qui ont arrêté les notes ont un moment, je suis preneuse de documents, fonctionnements... en plus de ces précieux conseils, merci beaucoup d'avance !Bien à vous toutes et tous,Caroline Rousseau

Bonjour Lilia,

Je découvre ton post et me permets une réponse. Je pilote depuis 4 ans un dispositif de classe sans notes (associé à des travaux de recherche). Je vais donc te répondre en prenant successivement la casquette de prof, puis celle du chercheur.

En tant que prof, mon questionnement sur les biais (impacts) que pose la note m'ont conduit à faire le choix de découvrir le "sans notes". Toutefois, comme beaucoup d'entre nous, je n'étais sûr de rien et surtout pas d'une hiérarchie entre notes, ou pas de notes, au service de la réussite des élèves. C'est ici que mon investissement dans le milieu de la recherche m'a été d'un grand secours. Comprendre et conduire la nécessaire rupture épistémologique (Bachelard, 1936) qui nous permet de nous débarrasser de tous nos présupposés, connaissances a priori. Quelques ouvrages ont fini de me convaincre (Merle, 2007; Butera, 2011;... Je tiens les titres à ta disposition si besoin).

Sur le plan de la recherche, je t'invite à consulter (pour diffuser autour de toi...ne pas hésiter à créer une veille ou autre banque de données dans ton établissement) les derniers travaux : Genelot et Cartière, 2016 (Bourgogne); Huguet, 2016 (PACA); Moreno, 2016 (Corse). Plusieurs remarques : Genelot et Cartière ont pu mettre en avant, dans le cadre d'un dispositif sans notes, un levier d'action positif sur le plan de la motivation de l'élève et de son sentiment d'efficacité personnel (SEP, test de Bandura). Huguet lui, insiste sur le fait que ce genre de dispositif doit impérativement être partagé par toute une équipe pédagogique, sous peine d'une réelle inefficacité. Pour ma part, j'ai pu mettre en avant (voir protocole et méthodologie de recherche) que la comparaison d'une classe avec dispositif et une sans dispositif (classes sociologiquement et scolairement comparables) ne produisait que très peu de différences en termes de moyennes et de moyennes des moyennes. Pour le dire autrement, le dispositif sans notes peut être efficace si : l'équipe pédagogique est engagée, le pilotage de l'EPLE soutient le projet. De plus ce type de dispositif développe le SEP et la motivation de l'élève, mais avant tout sur une certaine catégorie d'élèves (souvent ceux qui sont en rupture avec le code scolaire...milieu défavorisé...).

Je te dirai donc deux choses : 1) ne te fatigue pas à vouloir convaincre ceux qui débattent d'un 0.4 point. (Comment leur expliquer qu'un 15 dans un petit collège rural ne sera jamais le 15 du collège Henri IV? Comment expliquer à ces collègues qu'il est important de se concentrer sur la comparaison et progression intra sujet et non inter sujet!). 2) essaie de créer dans ton établissement, au CDI par exemple, un espace docs pour les profs, où ils pourraient trouver des articles, revues, livres, sur le sujet. Voire, par un petit mailing, diffuser certains articles issus de la recherche.

Voilà Lilia. Dumè

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