Document du Lundi 14 Novembre 2016 - 17:59
Réussir l'école inclusive
La différence, une richesse

je suis à la recherche de ressources qui traitent de la différence comme richesse.
Ressources support à des discussions/débats, ou juste pour lire/voir/écouter et laisser mûrir…

Et maintenant je vous raconte pourquoi :)

J’ai démarré l’année avec l’objectif de monter un projet avec mes élèves de CM1 pour qu’on réalise un film (d’animation, ou pas). Comme il faut remplir les dossiers pour avoir un intervenant dès le mois de juin (et qu’il faut donc mettre par écrit le projet) j’ai décidé d’un thème : « machines, mécanismes et engrenages ». Je savais que ça allait motiver l’intervenant en musique (il fabrique des tas de machines bizarres qui font une sorte de musique) et je me suis dit que j’affinerais en fonction de la classe, de l’ambiance, de leurs envies….

A la rentrée, je fus confortée dans mon choix de n’avoir rien figé, parce que manifestement, ici et maintenant, il y avait beaucoup plus urgent à traiter que la création de machines rigolotes.
J’ai commencé par mettre le projet de côté pour me concentrer sur une seule et unique tâche : rendre l’ambiance de la classe conviviale, agréable, studieuse et bienveillante. Au bout de trois semaines je me suis rendue compte que ce serait mon grand projet de l’année, en fait.
Y a du boulot :
Un enfant totalement rejeté par tous les élèves, depuis deux ans, qui a fini par devenir transparent le temps que dure la journée de classe.
Un groupe de leaders qui font la course à l’échec pour prouver aux autres que rien ne les atteint. Et qui sont tellement populaires que les bons élèves passent pour des ringards et que la grosse majorité de la classe s’évertue à tout rater pour faire partie du club des cools.
Trois petits gitans qui ne savent pas lire (dont l’un fait partie du groupe des cools).
Un enfant allophone, qui est arrivé du Portugal en avril et qui a décidé qu’il n’apprendrait pas le français (qui du coup intègre automatiquement le groupe de leader).
Un élève, suivi par le CMPP heureusement, qui menace d’exploser à tout moment et qui répète des onomatopées en boucle.
Un élève, pas suivi par le CMPP malheureusement et qui est persuadé de pouvoir choisir les activités auxquelles il va participer ou non. Avec le sourire, simplement. Non, ça j’ai pas envie. Si tu me force j’arrête tout. Même de respirer. Super.
Je ne peux pas dire grand chose des élèves restant, la quasi-totalité de mon énergie servant à modérer les autres. « Une vigilance de chaque instant » comme dit en souriant la sage intervenante d’allemand (qui semble perpétuellement revenir d’un séjour dans un monastère bouddhiste).

Bon.
D’abord de la colère contre ma collègue de CE2 qui est l’antithèse d’une crapiste. Qui fonctionne au mérite uniquement, qui offre des cadeaux aux bons élèves et enferme les autres dans une image d’enfant irrécupérable. (mon groupe de leader).
De la colère parce que contrainte de rattraper un an d’habitudes d’un autre âge. Et un an ça se rattrape pas comme ça.

A la fin de la période j’ai quand même réussi à faire avancer un peu la situation : l’enfant rejeté l’est moins, il a un ou deux copains, il parle un peu, il sourit, ses yeux brillent presque. Le petit allophone a accepté l’idée que ce serait pratique de parler français en France et il travaille comme un acharné. (Il s’appelle Esmaël et c’est vraiment ma réussite de ce début d’année, une belle relation qui s’est installée, des moments qui vous font presque monter les larmes, rare, très rare… et ce qui est cool c’est qu’il fait partie du groupe des leaders, du coup il est entrain de convertir toute la bande au plaisir de réussir… merci Esmaël :)
Forte de ces petites réussites (et en même temps obligée par les faits de donner un sens aux séances de musiques où on fait des bruits bizarres) je leur ai parlé du projet et je leur ai demandé, par petits groupes d’imaginer une histoire sur le thème de la différence et avec la présence d’une machine.
Résultat :
un groupe raconte l'histoire d’un enfant rejeté à cause de son apparence : il est tout petit. A côté de ça, la machine qui fabrique le monde est tombée en panne et personne n’arrive à atteindre l’endroit de la panne, c’est trop petit pour passer. Grâce à sa différence, sa petite taille, l’enfant va réparer la machine et se faire accepter par le groupe.
(Heureusement que la machine est tombée en panne !)
Toutes les autres histoires proposent face à l’exclusion d’un enfant à cause de sa différence, de tout simplement inventer une machine qui efface les différence. Hop. Tous pareil. C’est réglé.
Tous les élèves ont trouvé cette dernière idée géniale et voulaient partir dans cette direction pour le scénario.
Moi je suis restée sans voix et j’ai vu les fantômes du fascisme qui bat des records sans précédent dans le Vaucluse.
Je sais bien que ce ne sont que des enfants et que leur intention n’était pas celle que je voyais moi, mais j’étais fatiguée, fin d'une période difficile. Je me suis dit qu’il valait mieux arrêter l’écriture du scénario pour l’instant et faire un gros travail sur la richesse de la différence.

Oui mais quoi faire ? Des lectures, visionnage de films, des débats…. et où trouver les ressources ?

Voilà, c’est bientôt la rentrée, je me penche à nouveau sur ma classe, sur les préparations, sur la case « projet » de mon emploi du temps…. et je vous demande votre avis.

  • Emilie Pradel (Prof d'école )