Lundi 16 novembre 2015
Des  chefs d’établissement s’adressent  à l’équipe des enseignants avant qu’ils ne rencontrent les élèves ou directement aux élèves

 

Je propose les quelques mots ci-dessous afin que le collège s’exprime d’une même voix. Libre à vous de vous en saisir en développant les quelques idées exprimées ci-dessous, de vous exprimer selon votre sensibilité afin de permettre à nos élèves de comprendre la portée de ce qui s’est passé et de l’hommage que nous souhaitons rendre à ceux qui sont morts. Il parait nécessaire ainsi que cela est indiqué dans les différents communiqués qui nous parviennent de permettre aux élèves de s’exprimer dans un premier temps.
Ce texte est rédigé avec l’apport du Principal du collège .Nous souhaitons encore davantage solidariser nos établissements dans ces moments difficiles

Une nouvelle fois, la terreur a frappé au cœur notre pays et assassiné injustement des personnes qui n’avaient pour seul tort que de vivre. Aucune justification n’est possible pour ces massacres, aucune.
Nous sommes l’Ecole de la République et vous êtes l’avenir de la nation. Il est très important que vous compreniez que vos professeurs, toutes les équipes du collège, les agents, et moi-même nous sommes là pour vous, pour faire de vous des êtres libres, capables de  penser par vous-mêmes et libres surtout d’exprimer vos opinions et vos pensées.
Quels étaient les objectifs de ce déchainement de violence ? Peut-être semer la peur dans un pays démocratique, peut-être montrer que la barbarie peut sévir partout en dépit de la vigilance des autorités, peut-être exacerber les tensions pour diviser notre société, peut-être créer une insécurité permanente… L’ignominie des actes commis n’est pas irrationnelle ; cependant, elle répond à une conception idéologique en totale inadéquation avec ce en quoi nous voulons croire et que revendique la France depuis 1848 dans sa devise : Liberté, Egalité, Fraternité.
La Liberté-l’Egalité- La Fraternité sont les valeurs qui nous animent et que nous cherchons à vous transmettre chaque jour dans le respect de la laïcité.
Il est vital de nous rassembler également autour des principes définis dans l’article premier de la Constitution de notre République : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu'aux responsabilités professionnelles et sociales. »
Ces principes ne contreviennent pas aux aspirations individuelles mais constituent les lignes directrices autour desquelles se noue notre pacte social. Les lois de la France concrétisent ces principes, à la fois dans les missions des services publics, dans l’accès aux droits, dans la protection des personnes, dans la lutte contre les discriminations. En dépit des difficultés et des fractures de notre société qui sont réelles, en dépit des fragilités de toute organisation et des améliorations auxquelles nous devons tous contribuer, la solution ne saurait être le déchaînement de la violence et de la haine meurtrière.
Ainsi que le rappelle notre ministre : « l'École de la République transmet aux élèves une culture commune de la tolérance mutuelle et du respect. Chaque élève y apprend à refuser l'intolérance, la haine et la violence sous toutes leurs formes. C’est malheureusement dans des heures aussi douloureuses que celles que nous vivons actuellement que l’importance de cette mission apparaît avec autant de force et d’intensité ».
Nous voulons être ensemble aujourd’hui pour monter que nous n’accepterons jamais de renoncer à ces principes et aussi pour rendre hommage à  toutes ces victimes.
Nous voulons être ensemble, solidaires, pour monter qu’ainsi nous sommes plus forts que la violence.
Nous voulons dire que les membres de la communauté scolaire du collège Jean-Baptiste POQUELIN – élèves, parents d’élèves, personnels – sont unis pour affirmer leur pleine adhésion aux principes qui fondent notre République. C’est ensemble que nous nous mobiliserons pour réfléchir aux actions qui démontreront la force de notre engagement commun ; c’est ensemble que nous proclamons que le collège ….. est pleinement un territoire de la République dans laquelle nous sommes fiers de vivre.

 

 

Chers élèves,

Si vous êtes réunis ici, en ce moment, c'est parce que des actes atroces, horribles et inhumains se sont produits vendredi soir dernier et qu'il nous semblait impensable que vous commenciez cette semaine de cours comme si rien ne s'était passé, comme si rien n'avait changé.

Ces attentats arrivent à un moment particulier pour notre pays ; à un moment où la France doute d'elle-même, de son identité et de ses valeurs ; à un moment où nous regardons beaucoup vers le passé - trop peut-être ? - et envisageons l'avenir avec craintes.

Or, une partie de cet avenir se trouve là, devant nous : vous incarnez, vous, collégiennes, collégiens, lycéennes et lycéens, vous incarnez cet avenir ! Que vous vous appeliez Emma, Jules, Stéphanie, Zahra, Fatimata, Victor, David ou Dalila ; que vous soyez croyants ou pas, de confession chrétienne, musulmane, juive, boudhiste ou autre : vous êtes la France !

« In  varietate  concordia »,  « unie  dans  la  diversité »,  telle  est  la  devise  de  l'Union européenne. Comme elle complète bien celle de notre pays, rappelée récemment en français par le Président OBAMA lui-même : « Liberté, égalité, fraternité » ! Beaucoup de femmes et d'hommes sont morts pour défendre les valeurs incarnées dans ces trois mots, pour défendre les libertés individuelles et la liberté de penser.

Depuis le début de cette année 2015, hélas, notre hymne national, la Marseillaise, entre particulièrement en résonance avec l’actualité. Vous en connaissez sans doute le premier couplet et peut-être l’origine :

Allons ! Enfants de la Patrie ! Le jour de gloire est arrivé ! Contre nous de la tyrannie, L'étendard sanglant est levé !
Entendez-vous dans les campagnes
Mugir ces féroces soldats ?
Ils viennent jusque dans vos bras
Égorger vos fils, vos compagnes.

 

 

Vendredi soir, au coeur de la capitale Paris et aux alentours du stade de France où se déroulait un match de footbal amical France-Allemagne, ont eu lieu une série d'attentats qui ont tué plus de 120 personnes et en ont blessé plus ou moins grièvement plusieurs dizaines d'autres.

Ces actes, commis par des personnes dont l'esprit a été obscurci et aveuglé par des discours irrationnels de haine, sont condamnés :
– par l'ensemble des responsables des différentes religions et spiritualités présentes sur le territoire de notre pays,
– par l'ensemble des dirigeants de tous les partis politiques français,
– par des dizaines de personnalités (chanteurs, sportifs, cinéastes, etc.) interrogées par les médias,
– par la quasi totalité des gouvernants à travers le monde, quelle que soit leur « couleur » politique,
– et, bien sûr, par tout homme et toute femme vivant en France, que l'annonce de tels actes terroristes meurtriers remplit d'horreur...

Ce matin, nous prenons d'abord le temps de penser à toutes celles et ceux qui ont été victimes de ces actes odieux, alors même qu'ils participaient à un spectacle de musique ou buvaient un verre avec des amis à la terrasse de restaurants ou cafés. Nous nous associons à la peine de leurs familles et amis, touchés dans leur coeur par la mort ou les blessures de leurs proches ou de leurs copains et copines.
Mais si notre pays est aujourd'hui victime de ce terrorisme qui croit agir au nom de Dieu, nous devons également avoir une pensée pour celles et ceux qui, depuis plusieurs mois, ont été touchés dans d'autres lieux de la planète par des actions terroristes identiques : en Syrie, en Irak, au Liban et au Proche-Orient, au Nigéria, au Mali, en Afghanistan, au Pakistan et dans tant d'aurtres pays d'Afrique et d'Asie.

Sans doute pouvons-nous aussi ressentir ce matin d'autres émotions telles que :
– la peur d'être un jour touchés nous-mêmes par une telle folie meurtrière,
– la colère face à de telles monstruosités,
– la tristesse face à ces assassinats,
– le dégoût devant de tels actes barbares.

Il est peut-être important que nous passions quelques minutes, un quart d'heure par exemple, au début de cette journée, pour exprimer ces émotions par des mots, des poèmes, des dessins,...Car exprimer ses émotions permet aussi à notre esprit de prendre ensuite le recul nécessaire à la réflexion, afin de ne pas tomber dans les réactions irréfléchies ni céder aux amalgames.Nous pourrons aussi, pendant ce temps, écrire ou dire toutes les questions qui nous viennent à l'esprit. Par contre, aucun débat ne sera entamé aujourd'hui sous le coup de ces émotions. Mais les questions que vous poserez oralement ou par écrit seront examinées dans les jours à venir.

    L'équipe de direction du collège, au nom de tous les personnels

évoque ces agresseurs venus sur le sol national arrêter la liberté en marche et pose cette question :

Que veut cette horde d'esclaves, De traîtres, de rois conjurés ? Pour qui ces ignobles entraves,
Ces fers dès longtemps préparés ? [...]

Nous sommes alors dans les années qui suivent la Révolution française. Mais quel étrange  écho  avec  ce  que  nous  vivons,  tentative  à  l'œuvre  d'en  finir  avec  les Lumières, avec la libre pensée et la libre parole ?

Alors ? Que vous dire en ces tristes heures ? Peut-être ceci : pourquoi êtes-vous ici, dans un lieu d'enseignement ? Certains répondront : « parce que nous n'avons pas le choix ! ». Vrai. Vous êtes ici parce que la Nation place beaucoup d'espoirs en vous, parce que, comme l'a écrit le philosophe Emmanuel KANT, on ne naît pas femme ou homme : on le devient ! On le devient, entre autres, par l'instruction et l'éducation que l'on reçoit et par les artistes qu'on découvre, à l'école comme dans sa vie quotidienne. Arrêtons-nous quelques instants sur ce mot « éducation ».

Alors que la modernité voudrait que nous fassions table rase du passé et, peut-être même, de l'Histoire, revenons à l'étymologie de ce mot « éducation ». C'est un mot d'origine latine, « ex ducere », qui signifie littéralement : « conduire hors de ». A ce mot, il faut ajouter celui d'élève et vous aurez compris quel est le but de l'éducation : élever au plus haut point possible votre connaissance et votre conscience du monde qui  vous  entoure.  Si  l'École  ne  devait  avoir  qu'un  seul  but  ce  serait  de  vous apprendre à  penser, à  penser par  vous-même, afin  d'exercer votre jugement,  de choisir en conscience et afin que personne d'autre ne puisse le faire pour vous ni à votre place.

Ce qui se joue aujourd'hui a beaucoup à voir avec cette idée. Un combat pour les valeurs auxquelles nous croyons s'est engagé, un combat pour ce que nous sommes. Il est à craindre qu'il soit long, comme l'a d'ailleurs signalé Monsieur le Premier ministre, Manuel VALLS. Si vous en éprouvez l'envie, n'hésitez pas à poser toutes vos questions et à parler avec vos professeurs de cette douloureuse actualité. Peut- être l’avez-vous déjà fait depuis votre arrivée ce matin ?

Même si nous ne pouvons que vous recommander la prudence, par exemple au cours de vos déplacements, restez-vous mêmes !

Dans la préface de son livre, Les racines du ciel, écrit en 1956, Romain GARY part en guerre contre l’extermination des éléphants d’Afrique. Voici ce qu’il écrit :

« Je crois à la liberté individuelle, à la tolérance et aux droits de l’Homme. Il se peut qu’il s’agisse,  là  aussi,  d’éléphants  démodés  et  anachroniques,  survivants  encombrants  d’une époque géologique révolue : celle de l’humanisme.

Je ne le pense pas, parce que je crois au progrès et que le progrès porte en lui les conditions indispensables à leur survie.

Il est possible que je me trompe et que ma confiance soit une simple ruse de mon instinct de conservation. J’espère bien disparaître alors avec eux. Mais non sans les avoir défendus jusqu’au bout contre les déchaînements totalitaires, nationalistes, racistes, mystiques et idéaux-maniaques. Et aucune imposture, aucune théorie, aucune dialectique, aucun camouflage idéologique ne me feront oublier leur souveraine simplicité. ».

Nous allons maintenant observer une minute de silence en témoignage de douleur et de solidarité avec les victimes fauchées au hasard d'une folie dévastatrice.