Pourquoi tant de haine ?

À nouveau les politiques, les enseignants se rebellent, en grand nombre
contre la réforme de Najat-Valaud Belkacem. Des pétitions pour et contre
circulent.  J'ai connu cela systématiquement pour les IDD, les TPE, le
socle... On sait que pour ces dernières réformes citées,  certains
enseignants, après avoir dit non et après avoir mis en place et travailler
avec,  ont regretté leur disparition. Aujourd'hui la grande polémique est
sur "la disparition des langues" et particulièrement des langues anciennes .
On sait que c'est faux mais les médias et le "peuple" entend cela. À la
radio, même Jack Lang ancien ministre de l'EN déplore la disparition des
classes  européennes et celle  du latin et du grec!! À aucun moment il ne
cite l'existence des EPI et plus particulièrement  "l' EPI langues
anciennes"  Je dois présenter  à des citoyens lamda un topo sur "Pourquoi
les profs sont contre  cette réforme et même systématiquement contre
toutes les réformes?"
   J'ai, bien sur, des éléments de réponse, mais n'étant plus dans les
établissements je ne sais pas trop ce qui s'y passe. Et vous que pouvez vous
m'en dire ?

Rebonds 3

Sans doute parce que cette réforme implique une remise en cause, de ses attentes, de ses pratiques, de ses façons de faire. Mais aussi parce que cette réforme met en avant les difficultés de certains élèves qu'on laisse trop souvent au fond de la classe. Et puis aussi pour la charge de travail quelle impliquera, ainsi que la perte de certaines conditions de travail, ou du moins des incertitudes à leur sujet (comme les groupes en sciences, les classes d'élite qui ne devraient pas exister...)

Mais je me demande pourquoi tu ne nous interroges que sur le "contrisme" des profs.

Comme à l'accoutumée, des voix s'élèvent, maugréent, récriminent, supputent et invectivent, en appellent au bon sens, aux fondamentaux, à la tradition... Nous entendons d'abord ceux qui parlent fort, ceux qui crient, s'agitent, s'offusquent, hurlent au péril.

Qu'en est-il dans les établissements ? Je ne suis pas assuré que les cris qui montent soient le fait de la majorité ni qu'un mouvement de fond s'initie pour lever des barricades contre la réforme.

Il apparaît évident, si évident pour nombre de personnels dans les établissements que nous sommes bien à la fin d'un cycle, d'un règne, d'une histoire, que nous ne pouvons continuer de subir des situations quotidiennes qui n'apportent ni aux élèves ni aux enseignants ni aux personnels d'éducation, qu'un autre paradigme est à inventer, à créer afin que le collège devienne pour chacun un espace-temps de construction, de bien-vivre et de bien-devenir.

Car, en définitive, quels sont les enjeux de cette réforme ? Il s'agit résolument d'une révolution des pratiques pédagogiques au quotidien dans la classe - généraliser la mise en oeuvre des pédagogies actives, placer l'élève en position de constructeur de ses apprentissages, développer les dynamiques de projets - des gestes professionnels, des positionnements et de l'engagement des acteurs - co-éduquer, accompagner plutôt que simplement transmettre ... bref de reprendre les fondements de la professionnalité.

Nous observons sur le terrain que les équipes engagées dans l'innovation sont prêtes non seulement à s'impliquer dans les mises en oeuvre des EPI mais s'expriment impatientes.

Le scepticisme le dispute à l'attente et à des formes éminentes d'espérances ? Sans aucun doute. Il appartient à l'EN d'accompagner ses personnels avec une formation initiale et continue digne, exigeante et ambitieuse, de rendre cohérents les éléments constitutifs de la réforme en octroyant le temps nécessaire au travail concerté pour un travail cohésif, en rapprochant la recherche du terrain, en reconnaissant de façon franche et résolue le travail conduit chaque jour dans les écoles et les établissements.

Enfin, peut-être y reviendrons-nous, les oppositions que nous entendons ici et là, par des politiques et des intellectuels autorisés, peuvent suggérer, de mon point de vue, non seulement une méconnaissance solide du vécu quotidien au sein de nos écoles et de nos établissements, des dégâts inhérents aux pratiques pédagogiques surannées, aux positionnements dépassés quand des professeurs, de bonne foi, pensent que leur rôle est uniquement celui de transmettre magistralement un savoir sanctuarisé et noble qu'ils détiennent, mais tout autant la défense anachronique d'un élitisme qui n'a de républicain que le concept en flattant l'entre-soi au mépris d'une réalité d'un monde qui marche à grands pas et laisse une école en souffrances mais fidèle à notre culture d'héritage.

Je suis entièrement d'accord avec cette analyse. La révolution qui nous attend en effraye un certain nombre, il est certain que cela va demander beaucoup de travail et de temps à chacun.  La formation sera la clé de la réussite de cette réforme ambitieuse et nécessaire.

Christine Galopeau de Almeida professeure d'histoire géographie dans un collège rural de la Marne, le 10 Mai 2015 à 21:36

Merci à ceux et celles qui ont répondu à mon appel. En lisant le blog de P. W Président CRAP http://philippe-watrelot.blogspot.fr,  j'ai eu aussi des éléments de réponse concernant Le déferlement  des médias.  Tout comme Pascal je pense que la réforme va vers une « révolution des pratiques pédagogiques au quotidien dans la classe ; vers une  généralisation de la mise en œuvre des pédagogies actives » Au début des années 2000,  le ministère, en initiant les TPE Parcours Diversifiés ou autres IDD était dans la même configuration : travailler en projet, en interdisciplinarité et en co-animation.C’était vouloir changer. Ce fut difficile à faire adopter par les enseignants parce que c’était innovation : travailler en projet comme d’autres au début du XX° siècle l’avaient fait.  Cela changeait les pratiques, cela demandait une remis en cause personnelle, beaucoup de travail  et de nouvelles compétences : comment travailler avec d’autres  profs en présentiel dans la classe ? Comment évaluer ? Il fallu faire de la formation. Mais  hélas ce ne fut que de l’information ! Tout au moins dans l’académie où j’étais. Il y eut plus d’effort de formation en ce qui concerne le Socle.La disparation ou plutôt la non-obligation de ce type de pédagogie a entrainé des regrets. « Après tous les  efforts qu’on  a faits ! Dirent-ils. Et puis cela marchait bien ;  même  si les résultats  scolaires n’étaient pas probants. Saufs  ceux qui découlaient d’autres intelligences, d’autres  compétences celles   des piliers  6 et 7. Autonomie, échange contradictoires, sens des responsabilités, initiatives  … Et si c’étaient là aussi l’essentiel de l’Apprendre à l’école ?Ce  que je décris là amène à ce qu’évoque encore Pascal et Christine ci-dessus :  « la méconnaissance du vécu quotidien au sein de nos écoles et de nos établissements »  et peut-être le mépris des politiques et des intellectuels autorisés pour ces mêmes praticiens.Heureusement que certains enseignants ont continué de travailler dans ce sens et je pense là à toutes ces équipes qui mènent des projets avec les élèves,  non pas au sein de leur classe mais de l’établissement.  

 

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