Pour donner confiance aux élèves et soutenir leur engagement, les pratiques d’évaluation
au collège de Loos-en-Gohelle
2007-2014

Les rédacteurs de cette présentation sont Céline Walkowiak, enseignante de Lettres Modernes et Francis Blanquart, enseignant de technologie. Nous sommes formateurs transversaux à la DAFOP et à l’ESPE sur les questions de socle commun et d’approche par compétences, d’évaluation, de différenciation pédagogique et de décrochage scolaire.

1) Le pourquoi de cette réflexion d’établissement

En 2007, les résultats des élèves au DNB étaient de 66,3%, ce qui était loin d’être satisfaisant pour un public d’élèves hétérogène et globalement moins en difficulté que ceux des établissements voisins classés en éducation prioritaires et obtenant pourtant de meilleurs résultats sur les indicateurs terminaux. De nombreuses exclusions de cours ou des moyennes disciplinaires parfois très basses, étaient le signe de la pratique d’une évaluation beaucoup trop élitiste et essentiellement sommative, très éloignée des besoins réels des élèves.
Cette situation nuisait à l'efficacité pédagogique et heurtait nos valeurs d’éducabilité de tous les élèves et nous a mené à proposer une option en classe de 3ème, alignée sur le latin et la DP3, pour y accueillir la quinzaine d’élèves de 3ème en situation de décrochage et leur offrir d’autres dispositifs d’apprentissage et d’évaluation.
Parallèlement, le socle commun, qui nous avait été présenté lors d’une formation de bassin, nous a semblé un  levier intéressant pour amener l’ensemble des collègues à réinterroger les pratiques d’évaluation. C’est donc en créant en équipe, dès 2007, des évaluations transdisciplinaires que nous sommes entrés en réflexion. Ces évaluations avaient pour objectif d’évaluer la capacité des élèves à mobiliser, face à un problème qui nous semblait complexe, des Savoirs issus de différentes disciplines.
Ces évaluations, bien que repérées par le Cardie, étaient loin d’être parfaites, notamment parce qu’elles proposaient un questionnement fermé et successif, et que nous ne connaissions pas encore l’existence des tâches complexes et des consignes ouvertes. Néanmoins, ce travail d’écriture d’évaluations par compétences et de correction collectives a permis de mettre en lumière des valeurs de correcteurs très diverses et globalement trop élitistes.

2) Un plan de formation d’une centaine d’heures pour l’équipe enseignante

Depuis 2007, nous nous formons en équipe dans le cadre de FIL (formations à initiative locale) demandées par nos chefs d’établissement, sur un volume horaire de 12 heures par an. Accompagnés les deux premières années par une formatrice transversale extérieure à l’établissement, nous nous occupons depuis nous-mêmes des apports et des activités de formation de nos collègues, puisque nous sommes nous-mêmes formateurs transversaux sur ces problématiques et que, étant sur le terrain, nous pouvons identifier très finement les besoins en formation de nos collègues
Depuis plusieurs années, nous nous sommes donc formés
- Au socle commun et à l’approche par compétences
- Aux différentes formes et fonctions de l’évaluation
- Aux limites de l’évaluation chiffrée, en tant qu’indicateurs des acquis des élèves
- Aux stratégies d’apprentissages et aux théories de la motivation
- Aux postures d’aide des enseignants
- Au travail de groupe
- A la différenciation pédagogique
- Au statut et à l’analyse des erreurs
Pour nous accompagner dans cette réflexion d’équipe, nous avons eu l’honneur de recevoir au collège des personnalités comme Jean-Michel Zakhartchouk, rédacteur aux Cahiers Pédagogiques, et Yves Reuter, chercheur en sciences de l’Education à Lille 3.
Depuis cette année, nous associons les professeurs des écoles du secteur à notre réflexion, notamment sur les stratégies de lecture d’un énoncé et sur l’analyse des erreurs des élèves.

3) Des classes innovantes depuis 2011
Comme nos actions et réflexions étaient éparpillées sur différents niveaux ou différentes classes, il était difficile d’en évaluer l’impact sur les apprentissages des élèves. En 2011, notre chef d’établissement nous a donc demandé de constituer une équipe-classe d’enseignants volontaires prêts à mettre en oeuvre dans les pratiques de classe les diverses évaluations et actions interdisciplinaires que nous avions menées de façon plus empirique jusque là.
Afin de cadrer au mieux les actions innovantes mises en oeuvre et de justifier des moyens supplémentaires demandés, nous avons écrit un cahier des charges qui proposait trois axes de réflexion et d’actions prioritaires dans une classe de 4ème, au public hétérogène:
- la pratique d’une évaluation motivante
- la mise en place de cours interdisciplinaires pour travailler la mobilisation des Savoirs d’une discipline à l’autre ou pour construire des compétences transversales
- la construction de l’autonomie dans les apprentissages
Nous avons choisi le terme d’‘«évaluation motivante» car il affirmait assez explicitement le lien entre les évaluations, les apprentissages et la mise au travail des élèves, tout en respectant la liberté pédagogique de chaque enseignant de la classe: Des enjeux communs pour des pratiques différentes, en quelque sorte.
A l’emploi du temps de la classe ont été ajoutées deux heures supplémentaires: une heure de cours interdisciplinaires le mardi et une heure de «débriefing» le vendredi, de 16h à 17h, pour permettre aux élèves de travailler leurs stratégies d’apprentissage et de mémorisation, d’analyser leurs erreurs ou de refaire tout ou partie d’une évaluation de la semaine jugée «insatisfaisante» par les enseignants et les élèves eux-mêmes.
Si lors de la première année, les tentatives de diversification des évaluations ont surtout été de l’ordre du «bonus ajouté à la note» ou de séances de «rattrapage», nous avons vu nos collègues s’engager au fur et à mesure vers une évaluation plus formative, voire différenciée.
Cette classe innovante a été reconduite à l’identique (élèves et enseignants) pour l’année de 3ème (La 3ème Pennac) et a donné toute satisfaction sur les indicateurs terminaux (DNB et orientation choisie)
En 2012, nous avons ciblé une classe de 5ème et une classe de 4ème, dans un souci d’extension des pratiques d’interdisciplinarité et d’évaluation motivante.
Notre préoccupation actuelle est de préparer une sortie de l’innovation, après avoir réussi son extension à l’ensemble de l’établissement.
Cette année, les enseignants du niveau 3ème se sont engagés à pratiquer une évaluation motivante afin d’éviter d’accentuer les situations de décrochage chez nos élèves les plus fragiles et de permettre un investissement de tous les élèves dans les enseignements de cette année charnière au niveau de l’orientation.
Les classes ne bénéficient plus d’heure de «débriefing», mais les enseignants ont soit intégré ces pratiques d’analyse de l’erreur et d’amélioration des productions dans leurs propres cours, soit elles sont pris en charge par la vie scolaire ou par certains enseignants formés dans le cadre de séances d’accompagnement éducatif.
Pour les autres niveaux de classe, l'établissement poursuit la démarche d’innovation. Nous avons  accompagné les professeurs principaux qui le souhaitaient dans l'écriture d'un  cahier des charges pour leur classe, afin qu'ils proposent à  l’équipe enseignante des réflexions sur des dispositifs pédagogiques variés.
Cinq professeurs principaux ont proposé un projet pédagogique pour leur classe. Nous avons donc cette année 5 classes innovantes
- Une classe de 6ème qui travaillera plus particulièrement sur les compétences d’oral
- Une classe de 4ème qui continue à réfléchir sur les dispositifs pédagogiques motivants, aussi bien pour les apprentissages que pour les évaluations
- Une classe de 3ème, qui proposera des tutorats entre pairs à une classe de 5ème
- Une classe de 3ème qui exploitera les possibilités de l’ENT et du travail collaboratif à distance pour les élèves
- Une classe de 3ème qui continue à proposer des cours interdisciplinaires, avec notamment une entrée plus ciblée sur les pratiques de l’écrit dans toutes les disciplines, ainsi qu’une évaluation motivante qui s’appuie très spécifiquement sur l’analyse des erreurs.

4) Le changement de pratiques dans les classes

Aujourd’hui, dans notre établissement, l’«évaluation écrite notée» n’est plus le seul type d’évaluation proposé aux élèves. Les enseignants, dans leur majorité, ont perçu ce que pouvait avoir de réducteur, en termes d’évaluation des compétences et des acquis des élèves, ce modèle d’évaluation, s’il est unique.
On trouve dans le quotidien des classes et des disciplines des évaluations orales, individuelles, collectives, par compétences. Des évaluations toujours plus formatives, qui tentent de respecter les rythmes d’apprentissage des élèves. Nous sommes maintenant capables de différencier nos évaluations, nos niveaux d’exigence, nos consignes de restitution, nos aides.
Dans les classes innovantes ont été créés des bulletins de compétences transversales qui, articulés aux bulletins de notes classiques, permettent une lecture plus complète et plus fine des acquis de nos élèves.
En 2014, avec l’aide d’un IA-IPR d’éducation musicale, nous avons repensé notre grille d’évaluation pour l’épreuve orale d’histoire des arts, passant d’une évaluation critériée à une évaluation plus globale par unités capitalisables, plus conforme à l’évaluation d’une tâche complexe nécessitant l’attribution d’une note. Nous avons intégré les élèves des classes innovantes aux jurys lors de l’épreuve «blanche» d’histoire des arts que nous avions organisée, afin de travailler avec eux les spécificités de cette évaluation et la compréhension des critères de réussite.
En ce début d’année, les séances d’analyse des erreurs se multiplient dans les disciplines, chacun expérimentant et tatonnant dans ce dispositif complexe. Une analyse de pratiques est en effet prévue fin Novembre avec Yves Reuter.

Dans l’option anti-décrochage que nous avons créée en 2007, nous avons décidé de supprimer l’évaluation chiffrée puisqu’elle nous semblait complètement inadaptée à l’évaluation réelle des compétences de ces élèves très fragiles, tant dans leurs acquis scolaires que sur leur confiance dans les enseignements de l’école. Nous pratiquions donc une évaluation de leurs compétences, en situation et lors des étapes du projet que nous menions.
Cette année, nous souhaitons formaliser plus finement ces pratiques d’évaluation, et nous allons tenter de gérer avec les élèves un porte-vues d’évaluation qui puisse permettre une co-évaluation enseignant/élève aux différentes étapes de notre projet (Il s’agit d’un projet articulant culture technologique et histoire des arts et qui vise la création et la fabrication en équipe d’un chef d’oeuvre)

5) Des indicateurs très encourageants

Année 2010 2011 2012 2013 2014
Taux de réussite au DNB 69,23% 83,10% 87,37% 90,24%

90,67%

Nos résultats au DNB ont augmenté depuis que nous avons engagé en équipe cette réflexion, non pas parce que nous «surnotons" nos élèves, mais parce que nous avons réussi à lier plus finement apprentissages et évaluations, que nous respectons davantage les rythmes d'acquisition de nos élèves, que nous considérons maintenant de façon assez générale que l'amélioration des productions fait partie intégrante de l'apprentissage et doit donc être représentée dans les critères d'une évaluation réussie.
En 2012, sur les 10 élèves de l’option anti-décrochage, 4 élèves ont obtenu le DNB.
En 2013, sur les 12 élèves de cette option, 8 ont obtenu le DNB
En 2014, sur les 12 élèves de l’option, 8 ont obtenu le DNB
Il ne s’agit donc plus d’un hasard. Pourtant, nous ne mettons aucune note dans l’option. C’est l’ensemble de l’établissement qui accompagne et soutient le travail mené dans l’option pour les remettre au travail et reconstruire leur confiance en eux et en l’école, grâce à une évaluation qui leur laisse une chance de montrer ce qu’ils savent faire.

Au collège, les élèves ne sont jamais surpris de la variété et de la diversité des évaluations proposées. Les élèves des classes innovantes, ainsi que leur famille, adhérent toujours très fortement aux dispositifs pédagogiques qui leur sont proposés. Ils aiment les heures de débriefing où ils peuvent «refaire des évaluations ratées», apprécient de pouvoir augmenter une note en améliorant une production, acceptent que l’on tienne compte de leurs différences.

 

Plusieurs de ces actions ont fait l’objet de rédaction d’articles, puisque Céline Walkowiak et Francis Blanquart sont rédacteurs aux Cahiers Pédagogiques

Sur la question de l’évaluation, nous avons publié deux articles dans l’ouvrage «L’évaluation: plus juste et plus efficace: comment faire?», Repères pour agir, CANOPE, 2014
- «La questions du bulletin», article dans lequel nous présentons nos bulletins de compétences transversales
- «Des élèves dans les jurys d’histoire des arts»

Sur les évaluations transdisciplinaires: « Validation pour un socle vraiment commun », Rubrique « Faits et idées » du numéro 478 des Cahiers Pédagogiques

Sur la question de l’évaluation du transfert: « L’outil ne fait pas l’ouvrier », dans le numéro 491 « Evaluer à l’heure des compétences » des Cahiers Pédagogiques

Concernant l’option anti-décrochage: « Une option sur mesure » dans le numéro 496 « Décrocheurs décrochés » des Cahiers pédagogiques

Dans «Réussir l’école du socle, en faisant dialoguer et coopérer les disciplines», F. Blanquart C. Walkowiak ESF, 2013: un chapitre sur «Repenser l’acte d’évaluation»

 

Rebond 1

Merci Céline et Francis pour ce projet au long cours qui donne confiance aux élèves mais aussi aux personnels qui lisent votre article.

Je sais bien que les outils ne valent que pour ceux qui les utilisent mais j'aimerais bien en voir  quelques uns comme illustration : le bulletin trimestriel par compétences, ou la grille d'évaluation de l'oral , ou un autre...

Michèle Amiel

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