Le mythe de l’égalité républicaine, nous n’y croyons plus trop, nous savons bien que certains élèves « sont plus égaux que d’autres ». Nous ne sommes pas naïfs. Mais pour la plupart, enseignants et acteurs de l’éducation, nous pensons travailler à la promotion de tous et souhaitons souvent pouvoir « compenser » les inégalités.

Et voilà que régulièrement des études nous le rappellent : notre école non seulement ne corrige pas, mais accroit les inégalités sociales, et contribue à creuser encore plus le fossé, au-delà de trajectoires individuelles de réussite.

Dans ce dossier des Cahiers, nous voulons essayer de mieux comprendre ce phénomène, où et comment se crée et se renforce la distance des élèves vis-à-vis de contenus et modes de pensée qui leur sont étrangers, et la distance de certains parents vis-à-vis d’une école qui, au fur et à mesure de la scolarité de leurs enfants, leur semble de plus en plus étrange et lointaine.

Par exemple…

  • Les contenus que vous enseignez vous posent-ils problème, trop éloignés de certains élèves qui ne peuvent pas s’y raccrocher ? Pensez-vous que les programmes devraient être revus, pas pour être moins exigeants, mais pour être moins étrangers ? Quelle place peut-on faire à d’autres contenus que ceux qui sont prescrits précisément dans les programmes, qui pourraient faire un lien avec les savoirs de la rue et de la maison, en enrichissant tous les élèves  ? Quelles expériences avez-vous (ou avez-vous vu) dans ce domaine ?
  • Vous sentez-vous vous-mêmes éloigné(e) ou proche de ce qu’on appelle les « cultures populaires » ? Comment ses manifestations vous apparaissent-elles et qu’en faites-vous ? En classe, et dans vos relations avec les parents de vos élèves ? Est-ce qu’il en été question dans votre formation ?
  • Comment percevez-vous dans vos classes ces « déterminismes sociaux » qui jouent si fortement pour la réussite scolaire ? Seul ou en équipe, comment en parlez-vous, quels contrefeux mettez-vous en place ?
  • Avez-vous des exemples de pratiques individuelles ou collectives, sur divers registres, enseignement, vie scolaire, relations aux familles, ouverture sur l’extérieur, qui vous semblent intéressantes pour lutter contre les déterminismes sociaux et faire place à tous ?

Ce sont là quelques exemples de sujets sur lesquels nous recherchons des contributions. Nous avons beaucoup à changer et mutualiser sur ces questions. Envoyez-nous en quelques lignes vos propositions de contributions, de la place où vous êtes, avec l’angle de vue qui est le vôtre : la classe, l’école ou l’établissement, l’institution, la recherche, l’étranger….

Rebond 1

Appel à projet

Je suis professeure de philosophie. J’ai travaillé 20 ans à la Courneuve. Aujourd’hui je suis malade et ai été reclassée. Peu importe où. Je suis encore capable de penser et je réfléchis sur ce qu’il est convenu d’appeler l’échec de l’école. Echouer en soi n’est pas une catastrophe car un bateau qui échoue sur un rivage peut repartir vers une autre destination. Il ne s’agit pas de couler. De même en va-t-il pour l’école.  Etymologiquement, la liberté, le loisir (rien à voir avec les loisirs des clubs de vacances) , elle n’aurait plus aujourd’hui le même mythe fondateur, ou du moins il ne fonctionnerait plus (il s’agit bien d’un mythe et non d’une réalité) celui de l’égalité des chances. Tout d’abord il s’agit de bien s’entendre sur ce terme d’égalité bien trop souvent confondu avec celui d’identité. Ce sera mon premier point. Ensuite cet idéal égalitaire (contesté par Marx dans La question juive, comme une idéologie bourgeoise au service de la propriété bourgeoise) vaut tant que le fondement de l’école est Républicain. Il y eu depuis quelques années un glissement : l’égalité est devenue parité, la fraternité, solidarité et la liberté, libéralisme (même si les philosophes insistent pour en dénombrer plusieurs figures, il serait utile de réfléchir sur sa singularité). La fondation de l’école est économique et d’autres mythes (souvent différencialistes) se sont mis en place. De plus un mythe « sous-tient » une institution, pas des hommes ou des femmes.C’est en réfléchissant cette logique, ainsi que mon expérience de prof, auprès des élèves ou des autres profs, c’est en examinant ce qui a fait basculer le politique vers l’économique, que je tenterai de montrer la double illusion : l’illusion républicaine de l’égalité, l’illusion d’une démocratie de masse au service des intérêts économiques, où l’école sort de sa dimension « désintéressée » pour prendre part aux  intérêts de la Cité et de la cité. La fonction de l’école, soumise par définition aux intérêts de l’Etat peut-elle avoir un rôle libérateur et chercher l’égalité n’est-il pas un mythe manipulatoire, telles sont les deux questions à poser à une institution solidaire mais si peu « fraternelle », lieu de toutes les souffrances, vouée à la répétition de la leçon et nullement à la création émancipatrice.

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