Une réaction sur la phrase de Stéphane Gort, à la page 51 du dossier : « Hier, il m’était impossible d’envisager de faire apprendre sans être expert, sans maitriser un niveau bien supérieur que ce que j’enseignais. Je pense aujourd’hui que l’on enseigne souvent mieux ce que l’on ignore... »

Une phrase qui pose la question de la dualité expert-novice dans l’apprentissage, où le novice est l’élève qui apprend de l’expert qui enseigne.

Mais ici l’expert et le « novice » sont une seule et même personne, ce qui conduit à un paradoxe : comment le novice peut-il souvent mieux enseigner que l’expert qui lui n’ignore rien ?

Est-ce le renversement d’une croyance en la nécessité d’être un expert pour enseigner et qui ne serait en fait qu’un préjugé ? Ou bien encore la révélation que l’expertise ôterait à la connaissance ce quelque chose qui la rend si savoureuse :  l’ignorance qui profite à des questionnements à venir ?

 

Rebonds 3

Je me suis souvent fait cette remarque en repensant à mes débuts dans le métier : ce que je n’avais pas encore acquis au niveau didactique, pédagogique... a sans doute été compensé pour partie par un rapport « candide » au métier et aux élèves, une disponibilité à ce qui venait (et aussi une confiance absolue dans le fait que j’étais à ma place dans ce métier).

Il s’agit moins — me semble-t-il — des bienfaits de l’ignorance que la façon de se positionner par rapport au savoir : en surplomb ? en maitrise ? en recherche ? en appétit ?

Il ne s'agit pas tant d'une lecture des bienfaits de l'ignorance soulevant au passage la question des valeurs, que d'une mise en perspective de l'ignorance par cette situation existentielle de l'être humain pour apprendre. Apprendre de toutes situations, collectivement, individuellement ou en coopérant.

Apprendre prend du sens dans la découverte d'un savoir, d'un savoir-faire dont on ne savait pas capable : Un instant d'émerveillement, de surprise, d'étonnement... Il y a du phénoménal là-dedans, une progression dans la connaissance des choses et de soi-même aussi.

Bernard Pivot l’autre jour répondait à la question « Pourquoi apostrophe a-t-il aussi bien marché et pendant  si longtemps ?

» C’est parce que je n’étais pas agrégé de lettres et que ma posture était  celle du naïf de celui qui ne sait pas. Cela me permettait de poser des vraies questions, crédibles, parce que je n’avais pas la réponse. C’est le moment de ma vie où j’ai le plus  appris, c’est avec tous ces auteurs que j’ai passé l’agrégation. «

La posture de non-expert de l’enseignant  est la meilleure à mon sens pour aider l’autre à apprendre. Cela met les deux acteurs enseignant/enseigné dans la relation adulte/adulte  de l’analyse transactionnelle. Celle que j’affectionne particulièrement et qui préside, j’espère, à toutes mes relations et transactions.

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