CAFE DE L’EDUCATION N° 1
Mercredi 8 février 2017

« Réussite scolaire, formation du citoyen et épanouissement du jeune sont-ils compatibles ? »
   

Le premier café de l’éducation du CRAP à la Réunion

Organisation et préparation soignées : peu d’impact des conditions météo détestables
Le 1er café de l’éducation organisé par le CRAP en partenariat avec CANOPE et DJSCS s’est tenu ce mercredi 8 février dans les locaux de Canopé.
Il a réuni 18 participants sur les 35 qui s’étaient pré-inscrits. L’alerte pré-cyclonique qui a imposé la fermeture des écoles et l’interruption des transports scolaires la veille, le maintien en vigilance fortes pluies et vent violent autant que la dégradation du réseau routier ce jour même explique les défections. La plupart des absents ont d’ailleurs appelé pour avertir de leur absence.
L’hétérogénéité des participants venus du monde associatif, des collectivités locales et de l’éducation nationale a été un point fort qui a permis le croisement des regards et conduit à l’enrichissement des débats.
La communication sur les sites classiques du Rectorat, de Canopé, a été relayée par les partenaires de l’éducation populaire (CRAJEP, Ligue, CEMEA …) et diffusée via Canopé dans les réseaux sociaux sous le #cafedeleduc. Tout au long du café, photos et phrases clés ont été tweetées par un collègue de Canopé.

Juste avant l’ouverture officielle par notre hôte, un journaliste de Télé Kréol a piqué sur le vif plusieurs interviewes avec : moi-même, Daniel COMTE, correspondant du CRAP, Alexandra MAURER, responsable Canopé, Patrick BONFILS, responsable du pôle Jeunesse et égalité des chances à la DJSCS et une participante, Nathalie BRASSELET qui a exposé ses attentes et les raisons de son intérêt pour ce café.
Jean-Pierre VIAL a lancé le café en tant que directeur de la structure accueillante, suivi par Patrick BONFILS qui a expliqué pourquoi la DJSCS était partenaire et pourquoi à titre personnel, par son parcours professionnel depuis l’éducation nationale jusqu’aux services de l’Etat en passant par l’éducation populaire, il trouvait grand intérêt à soutenir cette manifestation.

La vision d’une école 4E : école éducatrice, émancipatrice, épanouissante
Mon introduction, après les remerciements d’usage, puis la présentation du CRAP et des Cahiers Pédagogiques s’est articulée en deux temps, la problématique du jour et le fonctionnement du débat :

La problématique questionne la compatibilité de trois notions : la réussite scolaire, la formation du citoyen et l’épanouissement du jeune. J’affiche le parti-pris du constat d’un clivage actuel de ces notions entre l’institution scolaire et la famille et rappelle le rôle joué dans une histoire récente par l’éducation populaire comme 2ème pilier de l’éducation des jeunes. Volontairement dans la provocation, je soumets l’auditoire à prendre position, plus tard lors du débat, face à cette affirmation : « Pour un élève introverti et en souffrance, ayant validé l’obtention d’un examen ou d’une certification, on ne dirait pas vraiment qu’il est en réussite scolaire puisqu’on penserait que, quelque part, l’Ecole a été défaillante, ceci bien sûr dans une vision d’école éducatrice, émancipatrice et épanouissante. »

J’ai conclu la première partie de l’introduction par la question : « comment l’Ecole, comment la Famille et comment la Société (par exemple les collectivités) peuvent-elles permettre cette alchimie [entre les 3 notions] dont je postule qu’elle pose problème ? »

J’ai présenté le débat en faisant référence à André de Péretti que j’avais rencontré à Lyon il y a une vingtaine d’années et dont la vivacité et la créativité dans l’animation du débat m’avait bouleversé.
Inspiré de ce grand pédagogue, j’ai distribué des rôles et ainsi nous avons eu en fin de séance le retour d’un observateur des notions abordées, une observatrice de l’éthique du dispositif (écoute bienveillante et attentive, débat sur les idées et non les personnes ...) et un gestionnaire du temps.

Ce fut alors le lancement de trois extraits de la vidéo « La fabrique du citoyen » dont 12 minutes avaient été sélectionnées ; on y voit P. MEIRIEU, M. WIEWORKA, V. PEILLON, D. SALLENAVE, J. BOUVIER, R. RENUCCI, A. JARDIN, M. GAUCHET, JM ROISNANT et S. TISSERON qui rappellent Jean ZAY, l’émergence de l’éducation populaire et questionnent la citoyenneté, la laïcité, l’éducation et l’élévation de l’enfant jusqu’aux dérives de notre société avec le 4ème pouvoir et ses richesses autant que ses dangers avec le numérique.

Les notions en discussion
Nous avions prévu une trame de questions avec appui sur des phrases-clés du document vidéo au cas où la parole aurait du mal à sortir. Sur 16 questions dans 7 champs différents, nous avons abordé 8 questions dans 5 champs pressentis.
Nous n’avons pas eu besoin de cet appui puisque le débat a été très vivant, sans aucun temps mort et les enchaînements ont permis d’approfondir les questionnements. L’évaluation finale, anonyme, des participants, a mis en exergue cela.

La question qui lance les échanges reprend la proximité et la compatibilité des deux formes d’éducation, populaire et nationale : est-ce datée ou encore actuel ?
Un des responsables du numérique de l’institution indique qu’il travaille avec les CEMEA pour leur expertise sur la question et souhaiterait une plus grande visibilité des compétences et des apports possibles du réseau associatif.
Une participante rappelle que dans un temps antérieur les enseignants s’occupaient des jeunes dans des temps hors scolaires, dans des colonies de vacances ; ils avaient le feu sacré.
Plusieurs rebonds sur le feu sacré : est-ce que des étudiants ne devraient pas passer le BAFA pour tester leur capacité à gérer des enfants pendant quelques semaines avant de se lancer dans le grand bain ?
Une responsable associative qui intervient dans des écoles précise qu’être dans les murs ne garantit pas de rencontrer les personnes.
Une autre responsable associative évoque les freins et les dérives dans les projets qu’elle conduit : partenaires non identifiés, blocage sur des mises à disposition de lieux, exigence de l’institution d’actions bénévoles ; elle constate toutefois une avancée de l’éducation populaire dans les enceintes scolaires.
Ce que contredit une autre responsable associative, par ailleurs enseignante : les deux mondes ne font que s’écarter, au détriment de l’émancipation des jeunes.
Cela fait réagir une cadre de l’institution qui demande à ce qu’on ne crée pas d’opposition ; elle cite les outils de parcours citoyen et culturel qui favorisent l’épanouissement des publics scolaires.

Peu de visibilité de l’éducation populaire en formation initiale
Un collègue de l’ICEM Freinet reconnaît que la visibilité de l’ensemble des pédagogies est faible ; il est relayé par une collègue de l’éducation nationale qui pense qu’on ne parle que de Montessori comme pédagogie alternative ; une discussion s’ensuit sur cette école-là et ses limites.
Une jeune enseignante en disponibilité dans l’éducation populaire affirme que dans sa récente formation en métropole aucune association complémentaire de l’école publique ne lui a été présentée.

Education et Formation du citoyen sur le terrain visent l’épanouissement
Un exemple intéressant dans le cadre d’un Programme de Réussite Educative est présenté par une actrice de collectivité locale : le projet est partagé, les jeunes sont bien acteurs de ce projet. L’épanouissement et la formation du citoyen (deux des notions du débat) sont bien assurés.
Les échanges convergent vers l’idée qu’agir localement avec des projets centrés sur des territoires, comme c’est le cas mais pas uniquement des Projets Educatifs Territoriaux, est une stratégie qui porte ses fruits et qu’il faudrait développer. Il serait souhaitable de rendre visibles toutes ces opérations réussies.
Une représentante d’une association de parents d’élèves par ailleurs mère, développe l’idée que nous sommes tous des éducateurs, rejoignant ici le propos de R. RENUCCI dans la vidéo.

Faire prendre conscience que parler au monde entier est une lourde responsabilité
Le débat glisse sur comment éduquer et c’est l’éducation aux usages, « éduquer à » qui oriente les discussions. La collègue des CEMEA rapporte une expérience enrichissante de Web documentaire conduit avec les équipes de Canopé. Ensuite, un participant reprend un propos de la vidéo «  les jeunes ont une grande responsabilité, ils peuvent communiquer avec le monde entier » ; cette notion de responsabilité alimente de nouveaux échanges jusqu’à ce souhait partagé : il faut faire prendre conscience aux jeunes de cette responsabilité qu’ils ont désormais.
La notion de pouvoir d’agir, traduction de l’empowerment anglo-saxon, est proposée comme accès à cette conscientisation nécessaire.
Le débat se conclut sur l’exemple déjà évoqué de Programme de Réussite Educative où les jeunes prennent des initiatives, des décisions ; ils ont bien le pouvoir d’agir, travaillent dans la cité, sont donc formés comme citoyens, s’épanouissent en voyant les résultats de leur engagement et tout cela ne peut que concourir à leur réussite scolaire.

La synthèse de l’observateur des notions abordées
Synthèse réalisée par Eric Jeantet
Observation des notions abordées pour retracer le cheminement de la pensée.
1.    Complémentarité éducation nationale / éducation populaire
Se pose en préalable la question de l’accès aux activités : l’intervention des associations dans l’espace scolaire qui est sous la responsabilité des collectivités locales rencontre des freins, mais aussi celle du temps scolaire.
L'engagement des enseignants ne se fait plus autant, il y a moins de "feu sacré", leur recrutement a évolué sociologiquement et l’éducation populaire n’est pas présentée au cours de leur formation.
Au delà se pose la question du bénévolat …
Finalement, où se situe la place de l’éducation populaire dans l’éducation nationale ? Une coexistence ? Quels sont les liens ?

2.     Emancipation des jeunes : par qui et avec qui ?
Prise en compte des besoins individuels
Question de la responsabilité et de l'émancipation des jeunes

3.    Eduquer / élever
Société actuelle : société du numérique et de la recherche de satisfaction immédiate et personnelle (de la part des enfants mais aussi des adultes), d’où :
·         besoin de dégager l’enfant de l’infantile, du caprice
·         nouvelles formes de lien social avec les réseaux
·         question de l’égalité des chances
·         enseignement de la citoyenneté, la laïcité
Mise en place des “éducations à…”... aux usages
Nécessaire cohérence des diverses interventions auprès des jeunes

4. Pouvoir d’agir

Le retour de l’observatrice de l’éthique du dispositif
La tenue des échanges a été bonne : pas de parole coupée, pas d’attaques de personnes. Elle note seulement que parfois des échanges à deux, se sont déroulés, oubliant l’ensemble de l’auditoire.

Nous terminons sur l’énoncé de 7 expressions qui ont retenu mon attention lors des échanges :
Feu sacré, cohérence, agir local, projet partagé, émancipation, responsabilité et confiance en soi.