Les EPI, verre à moitié vide ou à moitié plein ?
En janvier 2016, le « Petit journal des profs », sur le site du Webpédagogique opérait un sondage auprès de 1045 enseignants et personnels de direction : il mettait en évidence l’inquiétude des personnels avant la rentrée sur le temps à consacrer aux préparations et l’intégration dans les cours. Plus de la moitié accueillait ce dispositif comme une manière d’apprendre autrement mais n’appréciait pas l’impression de flou avant la mise en œuvre.
Entre le 25 octobre et le 2 novembre 2016 une nouvelle enquête en ligne auprès des communautés du WebPédagogique* et des Cahiers Pédagogiques est effectuée , pour une part importante sans doute des convaincus de l’innovation, bien que le questionnaire ait aussi circulé dans des réseaux plutôt hostiles… 980 personnes ont répondu : la moitié marque son enthousiasme ou sa satisfaction, l’autre moitié balance vers le désintérêt ou l’impression de catastrophe !
La moitié des enseignants sondés intègrent bien les EPI dans le temps d’apprentissage des élèves, un tiers les considèrent comme des pièces rapportées qui prennent sur le temps des cours. Pourtant , peu d’innovation dans l’organisation du travail : hormis des semaines banalisées consacrées aux EPI (7% environ), la majorité des enseignants disposent d’heures ad hoc, voire prennent les heures de vie de classe. Classique.
C’est du côté du travail coopératif des enseignants que le bât blesse : 25 % de l’échantillon travaille en co-animation totale ou partielle ; 32 % aboutissent à une production commune. 25% utilisent le numérique pour gérer le projet en équipe et suivre l’avancée du travail (12%). Les autres organisent les EPI tout seuls dans leur coin. En miroir, les élèves qui participent aux EPI des enseignants sondés renvoient des images bien réjouissantes : 26% apprécient de travailler en équipe.
Les enseignants perçoivent bien l’importance du travail collectif rejeté :ils demandent plus de temps- intégré dans l’EDT hebdomadaire- pour se concerter avec le collègue concerné par l'EPI. Ils veulent plus d’heures pour coanimer ou dédoubler la classe.
D’autres points sont nettement réconfortants : d’abord la perception des élèves qui comprennent massivement le sens et l’intérêt des EPI pour leur formation : travail en équipe, sur un objet pratique, ouverture au monde, découverte des disciplines sous un autre angle.
Ensuite la pénétration du numérique : outil pour la recherche de ressources, la coordination d’une équipe, la planification et le suivi du projet, la mise en activité des élèves. Certes, ce n’est pas facile partout : 20 % des enseignants ont un accès difficile à l’outil informatique. 7% se demandent encore ce qu’ils pourraient en faire !
Les résistances n’ont pas disparu : ceux qui vivent les EPI comme une catastrophe veulent leur abrogation immédiate. La sacrosainte liberté pédagogique est toujours là : les enseignants regrettent que les thèmes soient imposés ainsi que le cadre des programmes.
Certaines demandes paraissent cependant bien légitimes pour des enseignants qui aspirent à la réussite du projet et des élèves : la préparation des EPI anticipée l’année précédente ainsi que la réflexion sur les liens interdisciplinaires ; la formation des personnels, jugée comme indispensable mais une formation solide, sérieuse pas ce qui a été vécu très souvent comme un simulacre en 2015-2016. Des EPI parfaitement connectés au programme pour éviter une surcharge de travail.
Alors, verre à moitié vide ou à moitié plein ? Si on considère qu’il faut trois ans pour qu’une réforme pénètre bien le milieu, les résultats mis en valeur par ce sondage sont vraiment positifs sur la capacité des enseignants à s’engager dans le changement. Alors souhaitons bonne route aux EPI … pourvu que l’avenir leur prête vie.
Michèle Amiel
http://www.lepetitjournaldesprofs.com/blog/2016/02/16/sondage-epi-les-re...1
- Michèle Amiel (Proviseure honoraire)
- 1 http://www.lepetitjournaldesprofs.com/blog/2016/02/16/sondage-epi-les-resultats/