Document du Samedi 28 Mars 2015 - 16:52
L'accompagnement des élèves : au cœur du métier d'enseignant ?
Comment accompagner les lycéens décrocheurs pour leur permettre de restaurer la confiance en soi ?

Je n'ai rien appris depuis le CP !...

C'est l'affirmation de Jérémy, élève décrocheur au cours d'une séance regroupant plusieurs lycéens dans la même situation, dans le cadre d'un dispositif "Parenthèses ASA" (Accompagnement Vers une Solution Alternative)*.

Au cours de cette 3e séance d'une durée de deux heures, nous avons proposé une réflexion sur les apprentis-sages réalisés dans et hors l'école. La première étape consistait à relever les apprentissages "importants" réalisés à l'école en notant chacun sur une affichette. Jérémy affirme, d’emblée, ne rien avoir appris depuis le CP. Les autres camarades rédigent. Jérémy regarde ce qu'écrit sa voisine et se met à compléter quatre affichettes.

Affichage des résultats au tableau. Lire, écrire, compter… toutes ces affichettes se superposent car ces apprentissages sont identifiés par tout le groupe. Puis, le tableau se remplit : les langues vivantes, le fait de pouvoir se repérer sur une carte, savoir faire une vidange** , conjuguer… ll a alors été possible de classer les items en savoirs de base, savoirs secondaires et savoirs professionnels.

La 4e affichette de Jérémy était restée sur la table à côte de lui : J'ai appris à vivre en collectivité. Inclassable, elle est mise de côté mais elle permet d'établir une autre distinction : savoirs, savoir faire et savoir-être.

La seconde étape est engagée sur les apprentissages informels (réalisés hors de l'école) à partir d'un document qui présente les différents lieux et activités possibles : les écrans individuels (télé, ordi, tablettes, portables), les voyages, les pratiques artistiques et sportives, les tâches domestiques (cuisine, jardinage, bricolage…) l'engagement dans la vie associative, la lecture, les spectacles les musées, la famille, les copains/copines ***.

Jérémy choisit de développer, avec une camarade, les apprentissages réalisés dans le cadre domestique. Les affichettes se remplissent rapidement. Chaque binôme vient les positionner au tableau en les classant dans les types de savoirs identifiés en amont.

Le tableau est couvert d’affichettes. Ce qui fait dire à Jérémy avec un air ravi : On apprend tous les jours quelque chose et partout ! Précisons que Julien a décroché en début de 3e, qu'il a très vite abandonné la 1ère année CAP à la rentrée et que la veille de cette séance, il a vécu une situation personnelle particulièrement difficile et perturbante.

Quel lien entre ce récit et l'accompagnement ?

D'abord, le cadre que nous instaurons lors de la première séance afin de faciliter les échanges et la libre ex-pression de chacun : respect de la parole, non-jugement et confidentialité des propos tenus. Lorsque le groupe adhère à ces règles, un climat de confiance mutuelle s'instaure et les interactions peuvent avoir libre cours, sans jugement ni des camarades, ni des animateurs. Lorsque Jérémy précise qu'il apprend plus par la télé qu'à l'école, Marine l'interpelle et lui demande des exemples. Il cite des documentaires sur l'histoire, les origines de l'homme, la guerre. Marine lui demande de préciser et Julien détaille, sans problème l'arrivée de Hitler au pou-voir, la seconde guerre mondiale, l'extermination des juifs… Sandra s’exclame : il en sait plus que moi qui ai suivi ces cours en 3e !

Puis, la démarche sur les apprentissages informels permet aux élèves de partir de leur vécu, de ce qu'ils savent faire. C’est une façon d’aller à leur rencontre, de les reconnaître comme personnes, certes, avec leurs difficultés, mais aussi avec leurs connaissances, leurs compétences, leurs centres d’intérêt, leur potentialité. Jérémy, au départ, dit ne rien avoir appris et se dévalorise dans son vécu scolaire pour s'apercevoir qu'il est capable de réaliser des choses qui nécessitent inévitablement des connaissances et des aptitudes.

C’est donc la restauration de la confiance en soi qu’exprime Jérémy, dans le bilan individuel rédigé à la fin du module, en complétant l’item « Ce que ce module m’a apporté à titre personnel » par Je ne suis pas un bon à rien.
Y a-t-il d’autres raisons pour adopter une posture d’accompagnement ? Avez-vous d’autres expériences du même type à relater ? Même en quelques lignes…

Au plaisir de vous lire bientôt.
Michèle Sanchez et Jean-Pierre Bourreau
20 février 2015
 

*Ce dispositif, destiné à des lycéens décrocheurs du district, est piloté par la Mission de Lutte sur le Décrochage Scolaire. (MLDS)

** Proposition de Marine actuellement en 1ère Bac Pro Mécanique

*** Schéma issu du dossier "Apprendre par soi-même" de Sciences Humaines (Mars 2014)

 

  • Michèle Sanchez (Formatrice-ressources, co-auteure d'un ouvrage sur l'accompagnement des élèves)
  • Jean-Pierre Bourreau (Formateur-ressource, co-auteur d'un ouvrage sur l'accompagnement des élèves)