Document du Dimanche 1 Mars 2015 - 07:26
L’élève à la croisée des disciplines
Nous sommes nous-mêmes un maillon de l'évolution_Valérie Fusin et Jean-Marc Goglin

Nous sommes nous-mêmes des maillons de l'évolution !

Au Lycée Marc-Bloch de Val-de-Reuil, dans l'académie de Rouen, un projet pluridisciplianire a vu le jour, sur les heures d'aides personnalisées, pour initier à la philosophie des élèves de seconde. Le thème retenu, l’évolution de l’homme, a ainsi pu être étudié de manière pluridisciplinaire en SVT, histoire-géographie et philosophie sous des angles différents. En effet quelles réponses apportées aux questions philosophiques qui se posent en SVT ? Valérie Fusin et Jean-Marc Goglin nous racontent.

 

Spontanément, les élèves assimilent la notion d’évolution à celle de transformation. S’ils sont capables d’associer l’évolution aux transformations physiques et techniques, C'est plus difficile pour eux d’y associer des transformations politiques, éthiques ou psychologiques.

En SVT, les élèves ont réfléchi sur la définition biologique du vivant. La découverte de la parenté biologique des êtres vivants est une surprise pour tous. Puis ils ont travaillé sur ce qu’est une cellule. Tous ont découvert l’existence de LUCA, la première cellule qui aurait permis le développement de l’ensemble des êtres vivants. Travaillant sur la notion de sélection naturelle, les élèves ont pu définir l’évolution comme une transformation physiologique et génétique. Si tous connaissaient cette théorie, peu se rendaient compte qu’elle s’appliquait également à l’homme. Pour certains élèves, envisager l’homme comme un animal évolué a posé problème. Des élèves ont été heurtés dans leurs convictions religieuses et ont avancé des arguments d’ordre de foi pour remettre en cause cette théorie. Ces débats ont montré la difficulté de faire modifier certaines représentations.

 

Répondre dans d'autres disciplines aux questions posées en SVT

En histoire, la leçon sur La citoyenneté à Athènes au Ve siècle av J.C. a permis de réfléchir sur la manière dont les communautés humaines se sont organisées et structurées. Les élèves ont réfléchi à la théorie d’état de nature et au contrat social à partir d’un extrait du Contrat social de J.-J. Rousseau. S’ils maîtrisent les notions de pouvoirs, ils ont mené une réflexion nouvelle sur les raisons qui ont poussé les hommes à penser, organiser et théoriser ces pouvoirs.

Les séances de géographie ont permis, quant à elles, de présenter l’espace géographique comme le lieu de l’évolution. Les élèves ont mis en relation l’espace géographique dans lequel l’homme vit et l’environnement avec lequel il interagit. Ainsi les élèves ont-ils défini l’environnement, pas seulement comme un espace « naturel » mais comme le résultat des aménagements humains. Ils ont abordé le problème de la disponibilité des ressources, l’eau et les énergies, comme des problématiques à résoudre en lien avec la transformation de l’environnement. Ils ont découvert que non seulement l’homme pense son environnement afin de rendre soutenable son développement. L’homme transforme son milieu qui, en retour, contribue à sa propre transformation.

 

S'est ensuite posé le problème complexe de la « nature » de l’homme. Un extrait du Mouvement des animaux d’Aristote et le texte du « roseau pensant » de Pascal ont permis de poser le problème de la différence faite entre l’homme et l’animal. Les élèves ont pris connaissance de la différenciation antique fondée sur la raison. Intégrant l’idée que les hommes appartiennent tous à la même espèce, ils ont invalidé les théories racistes et eugénistes. Dépassant la dichotomie nature-culture, les élèves ont réfléchi à une définition qui tienne compte à la fois des données biologiques et culturelles et des interrelations existantes entre l’homme et son environnement.

 

Les dernières séances d’AP ont permis d’aborder l’évolution comme un processus inachevé. À partir de la problématique posée par Jean-Michel Besnier dans son essai « Demain les post-humains. Le futur a-t-il encore besoin de nous ? », les élèves ont travaillé sur le futur de l’homme à la fois du point de vue technologique, (cyborg, clonage, cerveau augmenté), sociétal (utopies futuristes) et moral (liens entre l’environnement et les comportements sociétalement acceptés). Prenant conscience que de nombreux éléments présentés dans les films d’anticipation sont existants ou à l’étude dans des laboratoires de recherches, tous ont été passionnés par la présentation imaginée de l’« homme du futur ». À leur tour, ils ont imaginé des futurs possibles dans de courts récits d’anticipation. Réutilisant les connaissances acquises en SVT, ils ont réfuté les textes proposant des évolutions physiques en présentant les raisons scientifiques prouvant que celles-ci ne sont pas prévisibles. Ce travail leur a permis de réaliser qu’eux-mêmes sont des maillons de l’évolution.

 

L’approche pluridisciplinaire de la notion d’évolution a permis à la fois la déconstruction d’une définition naïve et la reconstruction d’une définition plus complexe. Une démarche similaire aurait pu être menée de manière disciplinaire mais la pluridisciplinarité a eu trois bénéfices : mettre davantage les connaissances en relation, construire une définition beaucoup plus complète et surtout concrète de la notion d’évolution.

 

Valérie Fusin et Jean-Marc Goglin

Lycée Marc-Bloch de Val-de-Reuil (académie de Rouen)

 

  • Céline Walkowiak (Enseignante de lettres au collège, dans le Pas-de-Calais)