Document du Vendredi 24 Octobre 2014 - 10:35
L'écriture dans les métiers de l’enseignement et de la formation
Un site d'écriture collaborative

1  Pourquoi créer un site d’écriture collaborative ?

Fin 2001, alors nouvellement lauréat d’un concours [note : CAPLP Biotechnologies : santé, environnement], je me suis suis décidé à créer un site internet de publication de contenus pédagogiques dans mes matières d’enseignement [boite réf : Biotechno pour les profs : www.biotechno.fr]1.

Le but premier n’était pas de nourrir un « lecteur-consommateur », mais bien de solliciter la participation. Ainsi, le site propose trois profils principaux :

1. le visiteur qui interagit avec les auteurs via les forums sous les articles ;

2. les rédacteurs qui écrivent les articles et participent aux discussions autour des demandes de publication ;

3. les administrateurs qui valident in fine les publications pour qu’elles apparaissent sur la partie publique du site.

Cette création de site avait alors pour objectifs :

  • de mieux connaitre les détails des différents enseignements possibles avec ce concours (bien plus de vingt matières différentes) ;
  • de classer et d’archiver des cours jugés pertinents afin de les retrouver facilement ;
  • de produire et de publier des articles de manière collaborative pour en augmenter l’intérêt et de tenter d’en diminuer les approximations et incohérences éventuelles ;
  • d’aider les nouveaux candidats ou lauréats de ce concours à en comprendre la complexité ;
  • de présenter des informations pédagogiques jusqu’alors absentes d’internet ;
  • de privilégier les ressources libres de droits, entièrement éditables pour une appropriation complète par les collègues intéressés.

Mon expérience de cinq années comme correspondant pour la presse écrite d’un quotidien régional m’a permis de rédiger facilement plusieurs dizaines articles et de lancer rapidement ce site.

2  Les écueils

Très rapidement, plusieurs rédacteurs ont adhéré à ce principe de travail collaboratif. Tout au long de ces années, les publications se sont enchainées à des rythmes variés et dépendants de nos humeurs et disponibilités.

Ont été publiés des articles visant à expliciter certains documents officiels (référentiels, règlements d’examens), des articles présentant une séquence ou juste une séance pédagogique particulière…

2.1  Des contenus parfois trop péremptoires

L’une des premières remarques que j’ai pu recevoir par e-mail était la suivante : « Vous devriez avoir honte de publier des cours aussi nuls. Aucun de vos cours ne peut rentrer dans ma progression […] ».

Il fallait d’abord écarter l’aspect cocasse de l’e-mail en question : on aurait pu rétorquer à l’expéditeur de cet e-mail que s’il n’était pas satisfait de ce qu’il avait pu trouver sur le site il pouvait aller voir ailleurs, ou dans le meilleur des cas, adapter le contenu à ses propres besoins et impératifs.

Mais le problème posé semblait être plus compliqué :

  • nombreux étaient les collègues qui souhaitaient des solutions clés en main et non pas des esquisses ou des modèles à s’approprier (tout cela s’explique aisément par la diversité des matières enseignables avec ce concours et l’incapacité d’être « spécialiste » dans tous les domaines concernés) ;
  • ce n’est pas parce qu’une expérience pédagogique a pu fonctionner dans un contexte particulier qu’elle sera reproductible par un autre enseignant ;
  • il faut donner un maximum d’informations pour permettre au lecteur de s’approprier le contenu et l’adapter à sa situation de travail. Ainsi, la description de la situation pédagogique doit être factuelle et ne pas négliger les points d’achoppement (qui montrent, en outre, que le rédacteur n’est pas le « super-prof » qu’il semble être de prime abord) ;
  • la publication sur internet (et sa diffusion, même libre) se doit d’être régie par une démarche Qualité. Rien ne sert de publier des articles inutiles (car trop banals) ou contreproductifs (car inexploitables) pour la plupart des enseignants.

Cela a été un apprentissage que d’évoluer avec la critique. Il a fallu prendre sur soi par moments et surtout comprendre et interpréter les mots pour avancer grâce aux commentaires des lecteurs.

2.2  Trop d’informations tuent l’information

En écrivant un article, on pouvait être amené à se dire que le lecteur ferait sa sélection parmi la multitude d’informations rédigées. Or ce qu’il convenait de faire c’était, au contraire, de ne sélectionner que ce qui s’avérait indispensable à la compréhension et à la reproductibilité de la situation pédagogique présentée. En bref, il a fallu se faire violence pour ne pas trop en dire afin de rester accessible. Par exemple, le journal de bord de l’enseignant qui décrirait tout ce qu’il fait pour son propre usage n’était pas pertinent, il fallait trouver une solution d’écriture plus universelle.

3  Des adaptations progressives

La publication de contenus pédagogiques a permis, sans aucun doute, de faire connaitre plus précisément ce concours et à y amener davantage de candidats. Ainsi, les publications proposées et les critiques de lecteurs se sont avérées être plus variées et plus précises.

Progressivement, tous les rédacteurs et administrateurs du site ont amélioré leurs modèles de publication pour la présentation de situations pédagogiques. Nous avons statué sur des modèles communs pour les grands types d’articles (cours, évaluations).

Recueillir la « substantifique moelle » d’une publication est devenu rapidement un impératif : rien ne sert de publier des articles dont l’objectif n’a pas été clairement défini. Il s’avère relativement facile d’écrire sur nos pratiques, car on vit énormément d’évènements avec nos élèves et collègues, ne serait-ce que sur une journée. Mais tout écrire s’avère inutile pour les lecteurs. Le retour réflexif sur notre pratique avant la rédaction s’est avéré rapidement indispensable et incontournable.

La fusion des articles ayant un objectif commun (ou permettant de développer la même compétence) est devenue une nécessité. Être plus généraliste nous a donc permis d’éviter les redondances.

Enfin, la mise à jour régulière des publications s’est avérée indispensable pour s’assurer du maintien de la qualité des publications au cours des années.

4  Construire l’avenir

4.1  Revoir ses objectifs

Nous avons modifié notre manière d’écrire et de publier nos articles pédagogiques ; parfois sans même nous en rendre compte. Les objectifs de publication ont ainsi également changé :

  • d’abord il n’y a plus besoin d’écrire pour pallier au manque de ressources sur internet ;
  • nos articles ne doivent pas laisser penser que nous sommes — nous, rédacteurs — les seuls capables de mettre en place avec succès les applications pédagogiques présentées ;
  • les publications doivent être utiles pour le collègue enseignant qui va les lire. Il doit pouvoir les réutiliser dans sa pratique ;

Par contre, un objectif s’est affirmé : la nécessité de publier des ressources libres pour permettre à tout un chacun de se réapproprier les contenus publiés sans risquer de piétiner d’éventuels droits d’auteurs restrictifs.

4.2  Éviter les redondances sur le net

Nous ne sommes plus confrontés à un manque de ressources sur internet et le maintien de certains articles n’est plus nécessaire, car leur publication sur de nombreux sites disciplinaires académiques en rend inutiles certains. Il y a dorénavant pléthore de documents publiés et si nous devons continuer à écrire il faut que cela soit original et utile.

4.3  Améliorer la qualité

Pour améliorer la qualité des productions écrites, il nous faut mettre à plat une série d’indicateurs d’évaluation. Nous pourrons ainsi juger de la pertinence de rédiger et de publier nos articles en fonction de critères pertinents. Une autoévaluation suivie d’une évaluation par les administrateurs et rédacteurs du site pourrait alors être mise en place avant la publication.

Les retours des lecteurs doivent également être sollicités pour une évaluation à postériori afin de repérer les points à approfondir et les corrections à apporter.

Après 12 ans de pratique, nous avons de plus en plus besoin de nous référer aux théories plutôt qu’à de simples expérimentations. Ainsi, les grands courants pédagogiques sont de plus en plus cités dans nos écrits alors qu’auparavant ils ne nous étaient pas connus (ou alors très peu considérés). À nos débuts, il nous semblait que l’expérience de l’enseignement prévalait à la connaissance des courants théoriques.

Réflexion faite, l’essentiel de nos « innovations » s’avère avoir déjà été traité par les grands auteurs (du béhaviorisme au socioconstructivisme). La lecture régulière d’ouvrages pédagogiques ainsi que la revue « les cahiers pédagogiques » s’est avérée nécessaire afin de resituer notre travail à sa juste place.

4.4  De la publication simple à la formation en ligne

Quitte à rédiger des contenus et des méthodologies pour certains cours, autant proposer des formations ouvertes et à distance librement. En proposant des ressources de ce type, le collègue lecteur peut s’approprier plus avant les contenus. Ils sont rédigés et mis en place en respectant des règles d’ingénierie pédagogique (analyse du besoin, conception du contenu, scénario pédagogique, évaluations…).

Ainsi, nous ne réfléchissons plus uniquement à la pertinence du contenu de nos écrits, mais également aux moyens et méthodes utilisés pour les diffuser et les évaluer. Appliquer des méthodes pédagogiques pour transmettre les informations rédigées, voilà ce à quoi nous nous attelons dorénavant.

5  Les outils de l’écriture collaborative

Rédiger, publier et réviser autant d’articles que nous avons pu le faire depuis 12 ans n’a été possible qu’avec l’appui d’outils informatiques libres qui sont dorénavant incontournables.

5.1  Chaine éditoriale

Nous utilisons essentiellement une chaine éditoriale pour gérer nos contenus. Pour faire simple, l’utilisation d’une chaine éditoriale replace le traitement de texte au rang de simple gadget chronophage. Le principe de la chaine éditoriale est : rédaction et balisage du contenu par l’auteur, mise en page et publications (PDF, Web, diaporama…) par la chaine éditoriale. Nous utilisons essentiellement le modèle documentaire Opale de la chaine éditoriale Scenari (scenari-platform.org).

5.2  Gestionnaire de contenus

Le gestionnaire de contenus (CMS) est en fait un outil en ligne permettant de gérer entièrement un site internet. Nous utilisons SPIP (qui respecte la syntaxe française : www.spip.net2) qui nous permet de travailler à plusieurs : plusieurs administrateurs, des rédacteurs… Une fois un article écrit par un rédacteur des améliorations/corrections sont proposées dans l’espace privé du site. Une fois validé, l’article est publié en ligne sur le site public.

5.3  Gestionnaire d’apprentissages

Le gestionnaire d’apprentissages (LMS) permet de publier de véritables parcours pédagogiques. La lecture de nos productions écrites est alors tutorée et guidée par un ensemble d’outils et d’activités. Nous utilisons pour cela Moodle (moodle.org) qui est spécifiquement dédié à cette tâche de formation à distance.

  • Patrice Hardouin (Enseignant de Biotechnologies Santé-Environnement et administrateur de www.biotechno.fr)
  • 1 http://www.biotechno.fr]
  • 2 http://www.spip.net