Document du Dimanche 2 Février 2014 - 16:19
Ce qui fait changer un établissement
La direction est essentielle : la posture et les valeurs

Mais qu’est-ce qui peut faire changer un établissement ?

Il y a une foule de réponses possibles à cette question, assez pour remplir plusieurs numéros des Cahiers pédagogiques.

Pour moi cependant une réponse l’emporte sur les autres : la direction. Au cours de ma carrière je me suis impliquée dans trois établissements et en tant que formatrice j’en ai visité beaucoup. Ma réponse manque de nuances, mais pas de fondements.

D’abord, la posture dans la relation aux enseignants est essentielle. Dans tous les établissements exercent des professeurs motivés, dynamiques, créatifs, en projets… Mais pour qu’ils le restent il faut que la direction ne décourage pas leurs initiatives : se montrer réceptif aux propositions, faciliter la mise en œuvre des expérimentations, valoriser ces recherches. Nous ne sommes pas naïfs et nous n’attendons pas de reconnaissance financière, mais au moins que l’énergie dépensée au service des jeunes, des collègues et de l’établissement soit reconnue. J’entends souvent les collègues les plus impliqués des établissements dans lesquels j’interviens se lamenter de ce qu’ils appellent « la prime à l’incompétence ou à l’indifférence ». Ils veulent dire que ceux qui s’en tiennent strictement à leur service, sans valeur ajoutée autour, sont les plus tranquilles, ils ne prennent aucun risque et n’encourent aucun reproche. On ne leur demande jamais rien parce qu’on sait qu’ils ne « donneront » rien. D’autres s’épuisent, s’essoufflent, s’usent et finissent par se révolter ou se décourager. Un directeur qui cherche constamment à améliorer le service rendu aux élèves en lisant, en s’informant de l’état de la recherche, en s’extirpant régulièrement du quotidien pour aller réfléchir avec d’autres, ailleurs, ne peut que dynamiser la structure qu’il dirige et être sensible aux efforts des pédagogues en mouvement.

Ensuite les valeurs — non pas énoncées, mais mises en œuvre au quotidien — sont capitales. Je veux dire par là, très simplement : pour qui travaille-t-on avant tout ? Les jeunes qui nous sont confiés, leurs parents, l’institution, l’image de l’établissement, soi-même… Professeurs, élèves et personnels non enseignants doivent se sentir « en sécurité » pour que le climat reste serein malgré les inévitables conflits qui émergent en cours d’année. Le directeur doit être garant que chacun sera écouté, respecté et pris en compte avant toute décision. Dans bien des structures la règle première est « pas de vagues », rien ne doit filtrer à l’extérieur, mieux vaut une grande injustice à un petit désordre et l’on sacrifie des jeunes harcelés, des collègues malmenés, des principes éthiques sur l’autel de la réputation. Tant que les uns et les autres restent essentiellement préoccupés par leur sécurité affective, leur image dans l’institution ou la mise en conformité avec l’idéologie dominante pour éviter les coups bas et ne prendre aucun risque, il ne peut pas œuvrer pour faire évoluer l’établissement.

Je ne sous-estime pas toutes les autres dimensions du changement. Mais pour moi, la posture et les valeurs de la direction sont essentielles pour que le climat permette le changement.

  • Nicole Bouin (Co-organisatrice des rencontres )