Document du Samedi 2 Février 2019 - 23:40
Le nouveau prof se pose des questions...et attend des réponses!
Loi Blanquer article 1 : sommes-nous des moutons ?

Il semblerait que la loi Blanquer, relative au « devoir d’exemplarité » des enseignants, particulièrement l’article 1, ait fait son chemin (« Café pédagogique » du 30/01/19, F. Jarraud).

Je ne reviendrai pas ici sur les débats concernant « l’étude d’impact » et l’adoption de ses amendements. Ce qui m’intéresse relève plus de l’attitude qu’adoptent/adopteront les enseignants face à cet article 1. Effectivement, par le jeu des négociations, des amendements, entre conservateurs et libéraux, la boite de Pandore s’ouvre et nous retrouvons, pêle-mêle, les vieux débats qui agitent l’école : l’uniforme à l’école, chanter la Marseillaise, suppression de l’éducation sexuelle à l’école, contrôle des programmes par les familles,… Chacun souhaite, à l’instar du Ministre, faire passer son « bout » de projet. A l’extrémité de la chaine, le prof, qui lui devra exécuter sans sourciller. Pire, il devra se taire par ce « lien d’obéissance » (voir l’article du Café pédagogique) qu’impose J.M. Blanquer.

Revenons sur le fond, l’article défend une valeur que nous souhaitons tous voir triompher : l’exemplarité. L’idée d’évoquer l’exemplarité fait suite à une décision de justice. L’arrêt, mentionnant « l’exemplarité du fonctionnaire », a été prononcé pour chasser définitivement un fonctionnaire condamné pour agression sexuelle sur mineur de moins de quinze ans. En soi, on peut entendre cette décision. Mais, poser par la loi le devoir d’exemplarité et d’irréprochabilité, ne peut-il conduire à des dérives de la part du pouvoir ? Quelle serait/sera la norme permettant de juger de l’exemplarité du fonctionnaire ? L’amendement qui suit décille un peu plus quant à la volonté latente de notre Ministre.

L’amendement n° AC640 adopté le 29/01/19, à l’article 1er de la loi, dit ceci :

« Elle précise également que le fonctionnaire exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité, qu’il est tenu, dans l’exercice de ses fonctions, à l’obligation de neutralité et qu’il doit faire preuve de discrétion professionnelle.
Les notions d’« engagement » et d’« exemplarité » devront donc s’entendre dans le strict cadre de ces dispositions.
».

Qui peut me dire ce que signifie, en qualité de fonctionnaire, ne pas être « digne » ? Être « impartial » ? Si je critiquais le gouvernement, voire le plus haut de mes supérieurs dans l’institution, dans ses choix politiques et que, convaincu d’injustices à venir, je décidais d’alerter l’opinion sur une dérive possible, ferais-je preuve d’un comportement indigne ? A l’égard de qui ? Dénoncer une injustice, dont l’école regorge, n’est-ce pas faire preuve d’exemplarité ?

Nous apprenons à nos élèves à réfléchir, débattre et argumenter (voir le référentiel des compétences), mais il nous faudrait, nous pédagogues (ceux qui guident), ne pas réfléchir, se taire, pour plaire à notre Ministre et respecter le « lien d’obéissance ». Ne sommes-nous que des moutons ? 

  • Dominique Moreno (Enseignant)