1er avril : un proviseur agressé
« Philippe Pradel, le proviseur du lycée Paul-Bert, situé dans le 14e arrondissement de Paris, a été agressé tôt vendredi matin 1er avril, alors qu’il tentait de s’opposer au blocage de son établissement. «

En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/campus/article/2016/04/01/loi-travail-une-quinzain...

Merci aux très nombreux "crapistes" qui m'ont envoyé des messages amicaux pendant ce week-end, à la suite des événements de vendredi.
L'information a été copieusement commentée sur Facebook et Tweeter (je ne dispose de comptes sur aucun de ces deux médias) s'appuyant principalement sur un article en ligne de Libération, qui m'a plutôt mis en pétard. C'est un peu triste de se dire que BFMTV a été réglo, ainsi que RTL et Europe 1, tandis que France 2 et Libé faisaient un peu ce qui les arrangeait...

J'ai écrit à Marie Piquemal responsable du service éducation du quotidien pour protester : Je tiens à respecter le travail des journalistes, mais je m’étonne de trois choses.

Je trouve bien que Libération ait relayé avec mesure la gravité de l’événement. C’est dans cet esprit que je me suis exprimé. Ceci dit, une agression, même si elle n’a pas été préméditée reste une agression. Je n’ai jamais dit que ce n’en était pas une, mais seulement précisé que je n’étais pas nommément et fonctionnellement visé.

Une phrase me touche personnellement : « ...conclut, l'air mi-souriant et mi-désolé de ne pas avoir été victime d'une attaque de plus grande ampleur, le proviseur... ». C’est un jugement purement gratuit, particulièrement désobligeant (qui souhaiterait cela ?). Et ce n’est pas ma conclusion (chacun sait bien ce que peut donner le découpage en une minute d’une interview de 5 mn …).
J'ai donc demandé que cette phrase disparaisse de toute édition. Attendre... Voir...

Ma véritable conclusion, c'était que la réponse était pédagogique, qu'il fallait apprendre aux élèves à réfléchir, à débattre ensemble, à trier l’information. Ça, c’est mon métier. Alors que le maintien de l’ordre public dans la rue, ce n’est justement pas mon métier. Cet élément là n'a été repris par personne, sauf Le Monde.

Enfin, je ne comprends pas que cela ait pu faire l’objet d’une INTOX/DESINTOX.

Nous sommes tous désemparés par l’évolution de ces mouvements, par les risques physiques qui les accompagnent pour les élèves. Nous sommes attachés au droit de manifester et comprenons qu’il soit légitime que ces jeunes citoyens défendent leur avenir. Mais nous avons peur, aussi de l’escalade, et d’un drame éventuel qui l’accompagnerait. Le recteur de Paris, en tweetant son sentiment sur l’incident de Paul Bert dès qu’il en a eu connaissance, a peut-être – ou  pas - voulu l’utiliser pour faire bouger des lignes. Cela m’a contrarié sur le moment, car j’ai eu tous les médias entre les pattes, souvent très intrusifs (j’ai trouvé France 2 déjà dans mon bureau, sans y avoir été autorisés, au retour des toilettes !). Finalement, je trouve ça bien, car cela va permettre de réunir autour d’une table, dès lundi matin, les acteurs concernés : personnels de direction et autorités de l’éducation nationale, élus, représentants du préfet etc.

Et puis en quoi est-ce une intox ? Je m’en tire avec pas grand-chose et tant mieux, quoi que l’on suggère ! Mais l’acte lui-même porte une charge symbolique forte. Des jeunes gens s’attaquent d’abord aux bâtiments où nous les accueillons à fin d’éducation. Aujourd’hui, à une personne qui incarne ce projet éducatif. Même si je refuse de  dramatiser, je trouve ça grave, et je regrette que l’on considère la démarche de l’académie comme de l’intox, et tout autant que l’on utilise des propos tronqués de ma part pour la démonter.

C’est pour moi une forme de manipulation, d’autant que je n’ai pas eu l’occasion de m’exprimer auprès de Libération qui a donc écrit cet article "hors sol". Et aussi un soupçon d’inquiétude, car ce n’est pas, à mon sens, un travail de journaliste.

Maintenant, je redescends sur terre.
J'ai compris pourquoi certaines personnes avaient besoin d'un attaché de presse : près de 300 mails (dont la moitié de parents d'élèves), pression des médias, propos plus ou moins fantaisistes : il me faudrait une semaine à plein temps pour gérer ces "éléments de com".
Par bonheur, un clou chasse l'autre, et demain, la vie va reprendre son cours normal.
Ceci dit, je me suis amusé comme un petit fou. Mon  téléphone n'a pas arrêté de sonner, et de "grandes personnes" m'ont appelé, à chaque fois pendant 10 ou 15 mn. Najat Vallaud Belkacem, Anne Hidalgo, Valérie Pécresse, deux députés, et j'en passe.

Merci encore à vous tous. Chacun de vos message a renforcé ma fierté d'appartenir à cette association et de contribuer modestement à la publication de la revue, a renforcé ma conviction que le temps que j'y consacre (pas assez, comme tout le monde) en valait la peine.

Et désolé, Jean-Charles, de ne pas avoir eu la présence d'esprit d'arborer le logo des Cahiers Pédagogiques. L'aurais-je fait si j'y avais seulement pensé. Je n'en suis pas sûr, et voilà qui va me donner à réfléchir dans les jours qui viennent.

Très amicalement

Philippe Pradel