Le principal atout du dispositif d’accompagnement personnalisé dans la réforme du collège est qu’il ne s’adresse pas qu’à un profil spécifié d’élèves : « Tous les élèves, les plus fragiles comme les plus performants, ont des besoins qui leur sont propres pour progresser. Les accompagner dans leurs apprentissages consiste autant à leur montrer comment résoudre les difficultés qu’à leur permettre de progresser de façon autonome. » Exit donc les risques de la stigmatisation par la difficulté inhérents aux pratiques de traitement de la difficulté scolaire par de l’externalisation. Exit également la logique de mise en exergue des manques, avec comme conséquence première le développement de l’impuissance apprise (M. Séligman) ou du sentiment d’incompétence (A. Lieury).

C’est une excellente nouvelle pour un système éducatif qui doit farouchement s’engager dans la lutte contre le développement des inégalités sociales par l’école. (Cf., entre autres, le Bilan Innocenti 13 de l’UNICEF du 14 avril 2016 : « le fossé entre les performances des élèves en fonction de leur milieu social est très important. »).

Pour autant, ce constat établi n’aide en rien dans le développement de pratiques de classes permettant d’inverser la tendance. Autrement dit, l’intention est vertueuse, mais sans des organisations pédagogiques effectives, rien ne changera.

Ce sont mes activités de recherche qui me permettent de témoigner de quelques-unes des « créations » d’enseignants en collèges et lycées. Le premier déterminant est que toutes passent par une rupture avec une conduite systématiquement collective de la classe. Elles introduisent, sur le temps de travail ordinaire, la plupart du temps en classe entière, des plages de travail personnalisé, c’est-à-dire des situations où les élèves s’engagent dans des travaux qui leur correspondent individuellement et qu’ils ont la possibilité d’effectuer en sollicitant (ou pas) la structure coopérative de la classe. Les élèves disposent de supports individualisés et peuvent opter pour travailler seuls ou coopérer avec des camarades disponibles et choisis par l’intermédiaire de pratiques d’aide, d’entraide ou de tutorat. A noter que ces pratiques coopératives sont explicitement décrites dans les textes sur l’accompagnement personnalisé : « Les temps d’accompagnement personnalisé mis en place sont une occasion privilégiée d’explorer différentes modalités d’enseignement : […] formes diverses de tutorat, ... »

C’est donc cet équilibre entre temps collectifs et travail personnalisé qui serait au cœur d’une prise en compte effective de la diversité des élèves, permettant aux plus fragiles de consolider des bases non suffisamment construites et aux plus dégourdis de s’investir pleinement dans des tâches à haute mobilisation cognitive : tâches complexes, nouveaux apprentissages, démarches de projets personnels, tutorat, …

Pour organiser la dimension individualisante des apprentissages, nous observons plus particulièrement le recours à un vieil outil pédagogique (initié par la pédagogue Helen Parkhurst), le plan de travail. Il se présente sous la forme d’un document propre à chaque élève, sur lequel figure l’ensemble des activités scolaires qu’il peut (et pour une certaine partie d’eux, doit) investir pendant les plages personnalisées. Je repère que ces activités correspondent généralement à des situations d’entrainement, c’est-à-dire dont l’objectif est de favoriser la mémorisation et le développement d’automatismes dont la compréhension a été précédemment suscitée lors des travaux didactiques conduits par l’enseignant. Nous observons également au centre de ces activités personnalisées des tâches plus étendues, basées sur de la recherche, généralement sur du long terme, avec une visée de communication.

Afin de dépasser une seule individualisation précédemment reconnue comme insuffisante pour différencier (Clerc, 2006, Avanzini, 1992, Etienne, Meirieu, 2013, …)[1], il apparaît comme nécessaire de structurer la coopération entre élèves. Celle-ci s’établit par une formation préalable des élèves, une organisation des besoins d’aide, un cadrage des libertés coopératives (les déplacements et le volume sonore notamment), … Pour le second degré, le mémento « coopération » mis à disposition par Canopé propose des supports très pratiques :

https://www.reseau-canope.fr/climatscolaire/agir/ressource/ressourceId/m...

Plusieurs exemples de pratiques effectives de ces plages de « plan de travail » sont disponibles, en voici quelques-uns :

Celui d’Aurélie Guillaume Le Guével : « Les ateliers coopératifs » : http://www.icem34.fr/index.php/ressources/colloque-pratiques-cooperative...
Le projet des classes coopératives du collège Pons à Perpignan : http://www.ozp.fr/spip.php?article16748
Les temps de TI du projet de 6ème coopérative au collège Chamson du Vigan :
http://eduscol.education.fr/experitheque/fiches/fiche12240.pdf

On retrouve donc dans l’esprit de ce dispositif d’accompagnement personnalisé une distinction opératoire entre élitisme (valable pour la seule promotion de quelques champions) et excellence (visant le progrès de chaque élève).

http://www.cahiers-pedagogiques.com/Point-d-elitisme-vive-l-excellence

A charge de chacun d’entre nous d’entretenir le lien entre intentions et pratiques réelles.