Rebonds 3
Dans le cadre de notre fil de veille de l'évaluation, voici un texte de Jean-Pierre Lepri, auteur d'un livre qui s'appelle : La fin de l'éducation? et qui pose  la question de la fin d'un rapport dominant / Soumis.

 

Qui évalue qui ? Pourquoi ?

J’achète ma viande ici, mes tomates ailleurs et mes herbes en face.Sinon avec leurs statistiques, ils finiront un jour par connaître ma recette de sauce spaghetti .

Évaluer, c’est donner une valeur. Le plus souvent, c’est contrôler, par rapport à un étalon . De fait, c’est juger : on dit bien émettre « un jugement de valeur » – comme s’il pouvait exister des jugements qui ne soient pas de valeur, qui ne disent si c’est bien ou mal, juste ou injuste, bon ou mauvais, grand ou petit, etc.Ce jugement est ensuite chiffré. Bien que « la caution du chiffre n’en est pas une puisque [d’une part], on peut lui faire dire ce que l’on veut et que, [d’autre part] les critères retenus révèlent ce qu’elle a pour objet d’établir  ». Ce chiffrage finit néanmoins, tôt ou tard, à s’exprimer en euros ou en autre monnaie. Ces chiffres deviennent aussi statistique et la statistique devient norme – ce qui instaure la possibilité d’un nouveau chiffrage des écarts par rapport à cette norme. Le singulier doit s’aligner sur la moyenne, le « général » (à vos ordres !).

Ces chiffres servent alors de justification à la distribution en catégories (PCS ), en classes (économie, affaire, superluxe), en vitesse (train ou bus, TGV, avion, supersonique…), en hébergements (d’urgence, 1 étoile jusqu’à 7 étoiles, locataire ou propriétaire…), en surface et en hauteur de moquette, en nombre de secrétaires et de portes à franchir, en hauteur du chapeau, de l’estrade, de l’étage du bureau, ou en nombre de rubans, de galons, etc.

La question profonde de l’évaluation n’est pas de savoir laquelle est la meilleure ou la plus juste. Elle est de déterminer qui évalue et qui est évalué, qui est habilité à évaluer et qui  ne l’est pas ? L’acte d’évaluation, sa nature et ses modalités, sont l’expression de la réponse à cette seule question. Ce n’est jamais, de fait, qu’une autre forme du jeu de « qui domine qui ?  ». Cette question du « qui évalue qui ? » fonde les Lois d'existence scolaire : – Elève : J'existe car je suis évalué. – Enseignant : J'existe car j'évalue. – Directeur : J'existe car j'ordonne d'évaluer. – Ministère de l'éducation : Rien n'existe hormis l'évaluation .À l’école, on éduque l’élève à « marcher au pas cadencé des évaluations scolaires  ». Ainsi, par exemple, au CP, l’élève aura déjà subi plus d’une centaine d’épreuves d’évaluation  –  « dans l’intérêt de l’enfant », comme tout ce qui est fait pour lui (et donc sur et de lui). L’important est de l’entrainer à s’y soumettre, d’abord, à s’autoévaluer ensuite à l’aune des épreuves auxquelles il a été soumis : sera-t-il futur évaluateur ou futur évalué ? Futur dominant ou futur soumis ?  Pour la majorité des enfants (voire des adultes), l’évaluation est plutôt une dévaluation. Et pour d’autres, bien souvent, l’autosatisfaction est stigmatisée comme une évaluation erronée . Car l’évaluation des compétences devient vite l’évaluation du savoir-être et de l’être : à travers l’évaluation de la performance c’est, de fait, la personne qui est abusivement évaluée (cf. notamment les bulletins scolaires).

Évaluation, piège à con  ? À con-s’entend, à con-sentants…Jean-Pierre LepriEn parlant de cons, lire la courte fable du berger et de l’évaluateur énarque : https://fr.answers.yahoo.com/question/index?qid=20110503085556AAYrfdB

1- Philippe Geluck, Le tour du chat en 365 jours, Play Bac.  2-Voir notamment nos : Contrôler n'est pas évaluer (LEA 43), Récompenser, c'est punir (LEA 40),  Comparer (LEA 63), Je note bien que… (LEA 25) ou Des valeurs (LEA 64). 3- Roland Gori, La Folie évaluation, Mille et une nuits, p. 156. 4-  http://insee.fr/fr/methodes/default.asp?page=definitions/nom-categories-...* Sur la Phénoménologie de l’esprit – la construction de la conscience – voir le résumé :http://la-philosophie.com/phenomenologie-esprit-hegel  5- Dont nous avons traité dans La Fin de l’éducation ?, éd. L’Instant Présent.  6- Abbé Ernest, De l'éducation, Pamphlet 1, Quadrature, p. 21, http://www.gilles-jobin.org/citations/?au=7 7-  Roland Gori, La Folie évaluation, Mille et une nuits, p. 183.

  8- « Chaque élève de l’école primaire, dont le professeur aura suivi les grilles de référence, aura subi lors de son passage au cycle 2 (fin de CP) une centaine d’évaluations afin d’attester de son niveau de maîtrise des seuls piliers 1, 3 et 5 du socle commun des compétences » (Christian Laval, La Nouvelles école capitaliste, La Découverte, 2011, p.247).  9- Ambrose Bierce, Le Dictionnaire du Diable, Rivages/Étranger, p.27, http://www.gilles-jobin.org/citations/?au=418

Contrôler n’est pas évaluer…   et inversement

Conviviale est la société où l'homme contrôle l'outil.Ivan Illich, Une société sans école.

Contrôle vient de contre-rôle. Le rôle, c’est la liste , le contre-rôle était la seconde liste, identique à la première, fournie au destinataire pour qu’il puisse vérifier que ce qui lui est livré est bien conforme à sa liste – de nos jours, c’est « un bordereau de livraison ». Le contrôle est donc toujours la comparaison d’un état donné avec une liste, un modèle, un gabarit… qui existent antérieurement à la comparaison.De ce point de vue, il n’y a déjà donc aucune raison pour que ce qui va être contrôlé soit caché à celui qui est contrôlé, bien au contraire. Le modèle préexiste et il vaut mieux qu’il soit parfaitement connu du contrôlé – et éventuellement du contrôleur. En outre, si le modèle attendu est parfaitement clair, le « contrôlé » pourra s’y préparer, voire s’auto-contrôler. C’est ce que fait, par exemple, le pilote de l’avion ou l’automobiliste : ils vérifient les niveaux et autres points de sécurité de leur véhicule avant de s’envoler ou de prendre la route. Et je me réjouis qu’ils le fassent – surtout si je suis dans l’avion ou l’auto.

Mais une opération de comparaison, neutre en elle-même – mesurer les écarts par rapport à un modèle –, peut être utilisée de diverses manières. Pour « punir » le contrôlé, par exemple : c’est le contrôle-sanction du contrôleur de train qui inflige une amende au voyageur sans billet ou celui du contrôle de fabrication qui élimine la pièce défectueuse . Ou alors, à l’inverse, le contrôle aide à réussir : c’est la tour de contrôle, grâce à qui les avions atterrissent sans dommage. Ce n’est donc pas le contrôle en lui-même, mais seulement l’intention du contrôleur – quel qu’il soit – qui fait l’intérêt ou pas du contrôle.

Évaluer est formé du préfixe "é" et de *valuer – qui signifie donner une valeur, comme dans l’anglais to value. La valeur, ici, ne préexiste pas. Elle est élaborée au moment même de l’évaluation, comme cela se fait, par exemple, entre deux négociateurs. La différence fondamentale avec contrôler – où la valeur préexiste – est donc de taille. Dans l’évaluation, la valeur provient d’une estimation unipersonnelle (mais quel intérêt relationnel par la suite ?) ou résulte de plusieurs avis. Elle est, de toutes manières, arbitraire et contingente, donc évolutive – mais conventionnelle. Le préfixe « é » signifie, d’autre part, que cette valeur vient de l’intérieur et qu’elle a un caractère de complétude, de totalité .

Le contrôle-sanction ayant mauvaise presse, l’école a recouvert allègrement le fait « contrôle » de l’étiquette « évaluation ». La plupart des « évaluations » scolaires ne sont, en effet, que des contrôles – puisque la bonne réponse, le modèle, préexistent au contrôle. Les vrais contrôles peuvent être aidants (tel celui de la tour de contrôle). À l’école, ils ne le sont pas. Et ce qu’on y appelle les « évaluations » sont des contrôles-sanctions. La liste préalable de ce qui est contrôlé n’est, le plus souvent, pas connue du contrôlé, voire lui est cachée. Enfin, le contrôlé est rarement l’auteur du contrôle. Qui contrôle ? Qui contrôle quoi  ? Qui contrôle qui ? Qui contrôle le contrôleur ? Pour  quoi ? Pourquoi ?

Quant à la notation , elle n’a rien à voir avec tout cela. Je peux noter sans contrôler et contrôler sans noter. Comme évaluer sans noter et noter sans évaluer. Noter  est une opération arbitraire qui ne dépend que du choix des critères et du barème de réussite – lesquels ne dépendent que du notateur.

Qu’est-ce que je fais d’autre, au fond, quand je dis que je contrôle ? Quand je note ? M’arrive-t-il d’évaluer vraiment ? Quoi et avec qui ?

10- Cf. Jean Salem,  Elections, piège à cons ?, Flammarion. Également : http://diktacratie.com/  11- Ainsi, le « rôle » des impôts est la liste des imposables.  12- Toute ressemblance avec une situation scolaire serait due à la seule l’imagination du lecteur.  13- C’est la différence entre lever et élever, chauffer et échauffer… 14-  Le plus souvent, c’est bien l’élève lui-même, voire l’enfant, qui sont contrôlés – et non leur connaissance ou aptitude.

15- Sur la notation à l’école, voir notamment André Antibi, La Constante macabre, Math’Adore et son Mouvement : http://mclcm.free.fr/ .  16- À propos de la note, voir L’EA n° 25, Je note bien que… http://www.education-authentique.org/uploads/PDF_LEA/LEA_25.pdf , ainsi que Ken Blanchard, Les bonnes notes font les mauvaises personnes, disponible* au CREA, réf « BBN », 2 p.

Récompenser, c’est punir

Offrir un prix en récompense d’un acte revient à dire que cet acte n’a aucune valeur en lui-même .

De plus en plus de personnes  prennent conscience qu’apprendre, agir ou vivre sous la menace d’une punition est certes désagréable, mais également peu efficace, voire contre-productif vis-à-vis de ce qui était attendu par le « punisseur ». Aussi suis-je tenté de substituer à la coercition, le renforcement positif – en éducation, comme en matière de ressources humaines : la « carotte », au lieu du « bâton ». Bien que les récompenses s’opposent aux punitions, elles apparaissent, toutes deux, à la réflexion, comme les deux faces d’une même médaille – comme bien souvent, dans le cas d’oppositions apparentes. Le raisonnement sous-jacent, en effet, reste le même : « fais ceci et tu recevras cela » – la distinction ne porte alors que sur la nature du « cela », réjouissante, dans un cas, douloureuse, dans l’autre.Au fond, la récompense (tout comme la punition) n’est qu’un autre aspect du contrôle que j’exerce sur l’autre – ou, si je la reçois, de l’autre sur moi. En outre, la récompense agit souvent comme une punition : lorsque je n’obtiens pas le résultat qui devait la déclencher. J’ai pourtant travaillé très dur et je suis puni en ne recevant pas la récompense attendue  (la moto, le diplôme, la considération, l’amour…) .Offrir un prix ou une récompense, c’est encore, ne permettre, le plus souvent, qu’à un seul de l’obtenir. Le message central est celui de toute compétition : les autres sont un obstacle à mon propre succès. « Diviser pour régner », c’est un peu la devise implicite de l’évaluateur, du distributeur de récompenses. Récompenser, c’est donc instiller et installer la compétition plutôt que la coopération. C’est aussi me faire penser, si je n’obtiens pas de prix, que je suis « inférieur » ou « incapable ». D’un autre côté, travailler pour une récompense, c’est travailler pour un « supérieur » (professeur, parent, patron, gouvernant…) et non pour moi – et cela ne facilite, ni n’embellit, ma relation à ces personnes. Ainsi, les récompenses abiment la qualité des relations.D’autre part, elles centrent l’attention sur le résultat et non sur les raisons ou les cheminements – de ce qui se colore, en outre, comme un « échec » ou une « réussite ». Elles augmentent, dans le même temps, la subordination, voire l’aliénation.Lorsque je travaille pour une récompense, je suis encouragé à faire exactement ce qui est nécessaire pour l’obtenir et rien de plus. Je ne prends pas de risques, ni ne vagabonde ou n’innove. Je cherche à me conformer à ce qui est attendu de moi et, ainsi, je me dessaisis de ma responsabilité, voire de ma personnalité. Les « éducations », quelle que soit leur forme (écoles, familles, médias, politique, travail, associations…) ne sont guère plus, au fond, qu’un encouragement à ne pas penser par moi-même, à ne pas prendre de risque, mais plutôt à fournir ce qui est attendu par l’« éducateur » – fût-ce de paraître « autonome », « créatif » ...

« Fais ceci et tu obtiendras cela » : que je le demande ou que je le subisse, que ce soit à la maison, à l’école, au travail, à la télé, dans la rue… centre l’attention et le travail sur le « cela » (salaire, note, considération…) et non sur le « ceci », sur ce que je fais ou sur ce que je suis…

Alors, est-ce que les récompenses sont une puissante motivation ?- Bien sûr ! Elles sont une puissante motivation à obtenir des récompenses.

 

̶  Je croyais ton bateau plus grand qu’il est.L’autre répond, l’air étonné :̶  Non, mon bateau n’est pas plus grand qu’il est .

17- Alexander Neill, Libres enfants de Summerhill, La Découverte, p. 214. Extraits disponibles* au CREA, réf « NLL », 8 p.

18- Au vu de la « naturalité » des punitions, répressions et autres enfermements de tous types, on voit bien que cette perception reste très minoritaire. Pour le plus grand nombre, l’idée même de « punition », – qui provient de millénaires – est une évidence « naturelle ». 19-  Au passage (et à la limite), des études montrent que des récompenses a posteriori, non annoncées, font moins de « mal » que les récompenses annoncées : « si tu fais ceci, tu auras une banane » est plus nocif que « tu as fait ceci, je t’offre une banane ».

20- Mais point « trop » quand même, dans le respect d’un certain cadre, d’une certaine structure… Souvent, le travail dit "autonome" consiste à me faire faire seul ce qu’on a voulu que je fasse.  21- Cette réflexion est fortement inspirée de Alfie Kohn, Punished by Rewards, Boston, New York, Houghton Mifflin, 1993. (Re)voir également notre « Je note bien que… » in L’EA n° 25 ou « Les bonnes notes font les mauvaises personnes », réf* » BBN », 2 p.

Compas-raison et con-pas raison

Que je me compare à un génie et je me sens minable. Que je me compare à un minable et je me sens un génie. Que le minable ou le génie existent, en eux-mêmes, n’a pas de sens ici. Ils ne sont que des étalons par rapport auxquels je construis ma valeur. Comme il m’est simple alors de réussir mon malheur – ou mon bonheur. Je trouverai toujours « mieux » que moi ou « pire » que moi. Cela ne dépend que de moi. Quel repos aussi ! Puisque j’ai le choix et que je suis le seul à en décider.

Comparer, comme son étymologie (cum-pare) l’indique, c’est « mettre en paire », apparier, mettre en regard des objets, des personnes, des idées… pour distinguer des similitudes ou des différences. Dans le cas ci-dessus, je compare ce que je suis/ce qui est, avec ce que je devrais être/ce qui devrait être. Et l’éducateur, notamment, ne s’en prive pas : il compare ce qu’est son éduqué avec le modèle qu’il souhaite pour cet éduqué. C’est même son travail : conduire l’éduqué vers le modèle attendu, mesurer (voire chiffrer) et réduire l’écart entre ce qu’est l’éduqué et le modèle. J’apprends ainsi, par l’éducation, à être comparé, à me comparer… À faire mon malheur ou mon bonheur, mais surtout à les faire dépendre d’une référence et d’une instance extérieures à moi-même. Que j’en aie conscience ou pas, ainsi con paré, je suis alors paré des atours du minable ou du génie.

Mais comparaison n’est pas  raison  – con : pas raison. Pourquoi être jaugé par rapport à ce modèle plutôt qu’à celui-ci ? Qui choisit le modèle duquel va dépendre ma valeur, mon état, mon humeur, mon bien être ? Que ce soit lui, elle ou moi-même… certes cela change . Il y a ainsi des pédagogies fondées sur la valorisation , d’autres sur la minoration, d’autres « mixtes ». Mais la structure profonde reste la même : comparer pour attribuer une valeur.

Pourtant la comparaison, en soi, peut être utile. Le mesurage n’est rien d’autre que la comparaison, mais avec un étalon mathématique – compas-raison : mètre, kilogramme, heure… Mais hors de ces unités de mesure, je peux encore voir que David est plus grand (en taille) que Mamadou ; qu’il a la peau de couleur plus claire ; qu’il est juif et que l’autre est musulman ; qu’il … Je peux même comparer l’incomparable  – une clé à molette et la liberté, par exemple. Pourquoi nierais-je les différences ? Surtout quand je sais qu’il n’y a pas deux ressemblances pareilles (Plaute). Voir des différences et des similitudes n’emporte pas de les traduire ou de les recevoir nécessairement en jugements, en valeurs… Il a ceci, je ne l’ai pas ; il sait faire ceci, je ne sais pas le faire ; il réussit mieux que moi ceci … ou inversement. Pourquoi devrais-je donner une valeur à ces différences elles-mêmes ? Voire, pourquoi les extrapoler à la personne porteuse de ces différences ? Pourquoi m’en rendre jaloux ou fier  ? Comparer, pourquoi pas ? Mais sans « valeur ajoutée ».Enfin, même si je leur donnais une valeur, pourquoi m’y attacher – au point de me rendre malheureux – ou heureux ? Certes il-elle est « mieux » ou « plus fort », « plus compétent »… que moi : et alors ? Cela m’empêche-t-il d’être celui-celle que je suis ? Cela modifie-t-il ce que je suis ? Je suis ce que je suis . Puis-je vraiment l’être, en autonomie et en confiance ? Cela devient plus facile, certes, hors du schéma éducateur-éduqué – à quelque bout que je m’y trouve. Mais qui m’oblige à y rester, si ce n’est moi ?

« Il est [pourtant] sans comparaison plus facile de faire ce qu’on est, que d’imiter ce qu’on n’est pas  ».

22- "I thought your boat was longer than it is". The other guy raises an eyebrow and replies: "No, my boat is no longer than it is" (Bertrand Russell). La longueur du bateau est comparée, par le premier interlocuteur, à l’idée qu’il s’en faisait, et, par le second, à sa longueur effective.

23- Raymond Queneau, Le vol d'Icare.  24- Et, comme dans tout « changement », la structure même de l’opération de comparer reste la même.* L’interactionnisme symbolique repose sur les principes suivants : les êtres humains agissent à l’égard des choses en fonction du sens qu'ils attribuent à ces choses ; ce sens est dérivé ou provient de l’interaction sociale que chacun a avec autrui… (Herbert Blumer, 1969). Ainsi, l’action se fonde à partir du sens.  25- C’est le cas notamment du courant de la psychologie positive.

26- C’est même une source possible d’inspiration, de création : source d’inattendu, de « fraîcheur ». 27-  Le « besoin » de reconnaissance n’existe que lorsque « manquent » la confiance en moi, en mon autonomie  –  le plus souvent, précisément, sous l’effet des éducations reçues.  28- Jacques Prévert, Paroles.  29- Louis XIV, Mémoires.

Je note bien que…

Offrir un prix en récompense d’un acte revient à dire que cet acte n’a aucune valeur en lui-même .Les bonnes notes font les mauvaises personnes .

Dans une classe, il y a généralement un tiers de bonnes notes, un tiers de notes moyennes et un tiers de mauvaises notes. Si je réunis les élèves ayant de bonnes notes de trois classes dans une seule classe, je retrouve, au bout de quelques mois, la même distribution. Si je continue à réunir, à nouveau, ceux qui ont les bonnes notes, je retrouve encore la même distribution… Cette « constante macabre  » d’un tiers permanent de mauvaises notes suscite bien des débats. Pour beaucoup (enseignants, parents, élèves, administrateurs…), dans une classe où il n’y a que des bonnes notes, le prof ne fait pas bien son travail… Pour quelques-uns , il ne s’agit pas d’être laxiste ou démagogique, mais de donner à chacun les moyens d’être « bon ». On peut, sans doute, toujours améliorer le système de notation .

Bonne ou mauvaise, la vraie question de la notation n’est pas là. La notation, quelle qu’elle soit, en lettres ou en chiffres, par un autre – qui que soit cet autre –  ou bien par moi-même, « bonne/élevée » ou « mauvaise/basse »… fait, au fond, dépendre mon estime de moi de l’accumulation de résultats quantitatifs externes (comme, par exemple, du poste occupé ou du montant du salaire). Ce qui fait qu’en économie, dans la finance, en politique, dans l’administration, dans l’entreprise… aboutissent, à des postes-clés et avec les plus hauts salaires, les « pires » personnes pourvues des « meilleures » notes. C’est le résultat direct du système même de noter, en vigueur à l’école, à la maison ou dans la société .

En quoi, ce « besoin » de noter est-il réel, authentique ? Que recouvre-t-il ? Puis-je vivre sans noter les autres (ou sans me « noter ») ? Qu’est-ce qui m’en empêche ? Que serait ma/la vie sans être noté ou sans noter ? Sans dépendre d’un résultat ?

Mon amour – celui que je donne –  est-il lié, plus ou moins consciemment, à une attente, à des résultats ? Ou en est-il distinct ? Est-il inconditionnel ? L’amour que je reçois, est-il lié à mes résultats, à ce que j’ai, à ce que je sais, à ce que je fais… ? Je peux choisir d’aimer mon enfant, mon partenaire, mon ami(e), mes rencontres… indépendamment de leurs « résultats ». Je peux choisir de ne pas être sensible aux appréciations vis-à-vis de mes résultats, mais au seul bonheur d’avoir apporté ma contribution, d’avoir fait ma part . Dois-je laisser dépendre mon humeur et mon bien-être de l’opinion des autres ?

Je ne dépends plus des notes – de celles que je reçois comme de celles que je donne (en fait : que je cesse de donner ).

N.B.  : C’est bien noté ?

30- Neill, Libres enfants de Summerhill, p. 214. Davantage d’extraits sur demande* au CREA, réf « NLL », 9 p.  31- Ken Blanchard, dans un entretien publié par La Vanguardia (communiqué par Sylvie). Texte sur demande* au CREA, réf « BBN », 2 p. 32-  André Antibi, éd. Math’Adore : Il y a même des « notes négatives » : atteindre la note moyenne zéro (sur vingt), en fin d’année, est alors un exploit salué et récompensé à sa juste mesure.  33- 30 000 enseignants, en France, dans le secondaire, pratiqueraient la notation par « contrat de confiance » (EPCC), sur un ensemble estimé de 530 000 enseignants.  34- Soyons clair : à l’intérieur du système de notation, tout ne se vaut pas.  35-  Noter est (avant tout ?) un acte et un signe de pouvoir : qui note qui ? Ainsi les profs qui notent leurs élèves  n’aiment pas être notés par eux (ou les inspecteurs n’aiment pas l’être par les inspectés, etc.). Sites de notation des profs : note2be.com ou notetonprof.com. Un élève français « subirait » un millier de « contrôles » de la 6e à la 3e…

36- Cf. « Agir », in L’EA n°5.  37- Un professeur de math, dans un lycée de Rouen, ne donne plus de notes depuis plusieurs années. Dix professeurs du collège Jacques Ellul de la banlieue bordelaise ne notent pas, en sixième et cinquième. Çà se passe aussi bien, sinon mieux, de tous les points de vue.  38- « N.B. » est l’abréviation de Nota Bene (« note bien »).

Comment les valeurs valent-elles ?

Si elle est enfouie sous terre, qu’est-ce qui distingue une pièce d’or d’un caillou ?

La valeur n’existe pas en soi. Elle est pensée , imaginée par les humains et ne vaut que pour ceux qui la reconnaissent comme telle.L’observation anthropologique  montre deux modes de fixation de la valeur – leurs modalités pratiques variant à l’infini, selon les socio-cultures.

L’une part du principe que « tout étranger [est] un ennemi  » potentiel. En conséquence, je me dois de savoir si ses intentions envers moi sont bonnes ou mauvaises. Je dois évacuer ce doute – et lui, de même envers moi. Nous allons échanger des signes verbaux et non-verbaux tendant à montrer nos bonnes intentions respectives. Toutefois ces signes ne sauraient suffire. Je vais demander des preuves, des gages, des garanties de la véracité de sa parole. C’est donc la valeur de la personne, son « crédit », qui se jouent ici. Est-il « homme de parole » ? Puis-je avoir confiance ? La vérité, ici, n’est pas la vérité des faits, mais celle de l’homme, de son discours, de son engagement – sa  dignité, sa rectitude ou son « honneur ». Lorsque mon doute est enfin refoulé , je reconnais alors l’homme de valeur : celui qui n’est pas victime, celui dont les paroles ou les actes ne sont pas orienté par une fuite devant la mort. Il est auteur de sa vie , c’est LE bien, l’idéal dans lequel je peux me reconnaître. Alors peut se fonder le « Nous », une com-munauté de croyants (à la même chose).L’autre mode de fixation de la valeur porte sur un objet, une chose. J’ai un objet dont je ne jouis pas, l’autre aussi – cette condition est nécessaire sinon aucun des deux ne se séparerait de son objet. Son objet, je le désire et il désire le mien. Nous entrons dans une transaction sur la valeur d’échange de cet objet. Il s’agit, pour chacun, de faire désirer ce dont il jouit : « tu ne sais pas ce que tu perds  à ne pas jouir de mon objet ». Nous recherchons la valeur d’échange de l’objet désiré et celle de contre quoi je le troque – fût-ce de la monnaie, c’est-à-dire, dans le cas du salariat, du temps de renoncement à jouir de moi... Ce ne sont pas la foi ou le crédit de l’autre – ni les miens – qui sont en jeu ici, mais le calcul, l’intérêt. La parole n’est plus le fondement d’une alliance entre deux personnes. Le marchand n’est que le porte-parole d’un objet et la « négociation » se traduit par un contrat, par un nombre. LES biens remplacent LE bien, la valeur des objets remplace la valeur de la personne.

Ces deux registres de « valeurs » coexistent. L’un se situe au-dessus de la mort, sans la nier pour autant ; l’autre registre, en la fuyant et parce qu’il la fuit, s’y soumet en fait. S’il existe une liberté, elle est dans la parole (libre de tout calcul). S’il existe un bien-être, il est dans la confiance – et non dans le lien marchand .Ce qui différencie le discours et les « valeurs » de ceux que Lacan appelle les « maîtres  » de ceux des « marchands », c’est que les premiers attestent de leur propre valeur en tant qu’humains et que les seconds présentent un objet au désir d’autrui. Les premiers sont ceux qui enseignent/montrent ce qu’ils sont , les seconds sont les pédagogues qui montrent un objet : ce qu’ils savent .

39- Abou Shakour, Poème, Iran, Xe siècle. 40-  La pensée pense les jugements de valeur, comme elle pense toute autre chose (Vladimir Jankélévitch, Le Paradoxe de la morale, Seuil, p. 9). 41-  Notamment celle de Christian Geffray, Trésors. Anthropologie analytique de la valeur, Arcanes (qui a fortement inspiré ce texte).  42- Malinowski, cité par Geffray, op. cit., p. 61.  43- L’acceptation de la « preuve » ne dépend que de celui qui la reçoit/la perçoit, et non des preuves ou des garanties en elles-mêmes : car qui ou quoi pourra garantir ces garanties ?.Cette mécanique de la foi vaut surtout dans le cas, le plus général, où la prémisse « l’autre est un ennemi » est à l’œuvre. Si la peur est apprise, elle pourrait donc ne pas l’être ; dans cette hypothèse, la fixation de la valeur de la personne sauterait cette phase (d’auto-tranquillisation).  44- Au milieu et dans le cadre de ce que le monde est. Ce n’est ni un surhomme, ni un « mutant »...

45- En attestent les crises de certains « nantis » : « J’avais une maison, une épouse, des enfants, une voiture, des vacances, etc., et je n’étais pas heureux. En bref, j’avais tout pour être heureux… sauf le bonheur ». 46-  Au sens de ceux qui se connaissent suffisamment pour être « maîtres » d’eux-mêmes. Plus précisément, selon Lacan : Le signifiant Maître S1 est la parole qui gouverne au sens, ordonne, tranche, nomme, unifie ; autorité et puissance du Nom que rien ne garantit pourtant, sinon la menace de mort et le renoncement à la jouissance de la vie. Le discours du Maître est celui de la reconnaissance, de l'honneur, de la foi, du pacte mais aussi de la Mort. Le Maître engage librement sa parole. La vérité du sujet est en jeu dans ce qu'il dit par rapport à l'autre, sous son regard. La liberté ici est arbitraire, c'est celle de choisir son camp (Jean Zin, http://jeanzin.fr/ecorevo/philo/4discour.htm ).  47- Le véritable maître n’explique, ni n’enseigne : il incarne (Martin Seligman, S’épanouir, p. 11).  48- Ils montrent, en outre, l’inconscience dans laquelle ils sont de leur propre subordination – qu’ils enseignent/montrent donc, à leur insu. Car nul ne peut pas  ne pas montrer ce qu’il est, qu’il soit enseignant de profession ou pas.

Jean-Pierre Lepri

 Une  video faite par François Muller ( innovation, académie de Paris) qui déplace la question du côté de l'aide aux apprentissages. c'est un peu rapide et l'intonation est curieuse, mais ça aide bien à poser les questions autrement que par le pour/contre les notes.https://www.youtube.com/watch?v=j8L2R_gGTV4

Par ailleurs et pour partager les petites choses qui simplifient la vie , ce site qui permet de télécharger les vidéos de Youtube en particulier, où on trouve des pépites souvent bien utiles en classe ou en formation:

http://www.clipconverter.cc/fr/

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