Professeur d’anglais d’une des deux 6ème à évaluation par compétences au Collège Lou Vignares, je souhaitais faire part ici des réussites que j’ai pu constater avec ma classe, mais également des difficultés rencontrées concernant la mise en place de ce projet au quotidien. J’enseigne également à deux autres classes de 6ème « avec notes » en parallèle, et  je peux donc peut-être plus facilement comparer les classes entre elles et les effets de ces pratiques pédagogiques différentes.
Les réussites :
-Je sens les élèves de la classe sans note plus en confiance vis-à-vis de l’adulte. Je pense qu’ils ont davantage conscience du fait que le professeur est certes la personne qui va les évaluer, mais aussi celle qui va les aider à progresser et à leur donner confiance en eux.
-Je trouve les élèves de cette classe assez bienveillants les uns envers les autres (pour la plupart) et l’entraide y est beaucoup plus présente que dans d’autres classes : est-ce un effet positif  de l’évaluation par compétences, le fait de travailler en ilots (ce qui favorise la communication) ou bien le hasard… ? Toujours est-il que l’ambiance est très propice au travail dans cette classe.
-Les retours de la fiche que j’ai intitulée « Les cours d’anglais : mes impressions, mes difficultés, mes facilités » (document en pièce jointe), qui était une sorte d’auto-évaluation afin de préparer une remédiation dans ma matière, ont été très positifs. Globalement, les élèves de la classe se sentent bien en cours  et apprécient cette matière. Ils parlent de façon ouverte et sans crainte de jugement, des problèmes  qu’ils rencontrent (en classe, à la maison) ou bien expriment leur enthousiasme face à l’apprentissage d’une nouvelle langue qui leur semble « facile ».

Les difficultés/ les limites :
-la gestion au quotidien des fiches de compétences/capacités de chaque élève a été est assez lourde au premier trimestre. Sans doute, la familiarisation avec le logiciel Sacoche permettra t’il de gagner du temps au second trimestre en évitant un double travail (fiches à remplir ET code couleur à remplir sur le logiciel).
-« Comment se rendre compte des progrès réels des élèves ? ». C’est une question fréquemment posée lors de discussions sur l’évaluation par compétences. Je me la pose également pour ma matière, car si certains progrès sont évidents à constater, d’autres le sont beaucoup moins.
-La préparation des évaluations, la  gestion de la remédiation, les concertations avec ma collègue d’anglais qui enseigne à l’autre classe « sans note »,  et avec les autres enseignants de l’équipe, ont nécessité énormément de temps. Il faut dire que  l’évaluation par compétences implique une façon de travailler très différente dans laquelle le travail d’équipe est primordial et nous ne sommes pas tous habitués à ce genre de pratiques.
Pour résumer, si l’on veut faire les choses correctement et réellement changer la vision que l’on a de l’évaluation,  il faut avoir les bons outils, une formation appropriée et des réponses aux questions que l’on se pose en tant qu’enseignants face à ces nouvelles pratiques.
Le temps est donc un mot-clé selon moi: le temps de se former, de se concerter, d’expérimenter, de prendre du recul, d’observer les changements sur la motivation et les résultats des élèves…

Rebond 1

"Le temps est donc un mot-clé selon moi: le temps de se former, de se concerter, d’expérimenter, de prendre du recul, d’observer les changements sur la motivation et les résultats des élèves…"

J'apprécie dans votre texte la prudence, la modestie: rien n'est jamais gagné, il faut du temps de la patience ; comme je suis un ancien chef d'établissement, j'ai repris votre dernière phrase et à la place du dernier mot "élèves", je mettrai " collègues, enseignants" .

Même si la mesure des progrès est difficile à établir, les points positifs sont tellement significatifs que je suis à surprise de la réticence des enseignants à ne pas se lancer dans un travail d'équipe sur l'innovation : essayez-vous de convaincre vos collègues encore réticents? Comment gérez-vous les critiques? Sentez-vous un mouvement d'intérêt vers votre action?

En tout cas, je vous souhaite patience, courage et enthousiasme dans ce voyage au long cours.

Michèle Amiel

 

Tout d’abord merci pour vos encouragements, nous en avons bien besoin !En effet, observer également l’évolution sur la motivation des enseignants est très important !Je  ne suis personnellement pas surprise de la réticence de certains collègues face à ce projet…En effet, si nous observons déjà des effets positifs, c’est au prix de nombreuses heures de travail et cela, les collègues qui n’ont pas ces classes le voient bien.-Ils nous voient nous débattre avec le logiciel Sacoche : sélectionner des items un par un, en créer de nouveaux, remplir des grilles de petits points rouges et verts (25 items par élève dans mon cas).-Ils nous voient prendre les élèves en difficulté en heures de remédiation et donc préparer pour eux des exercices adaptés aux difficultés qu’ils rencontrent (quasiment au cas par cas).-Ils nous voient réévaluer des compétences qui n’ont pas été acquises au premier coup.-Ils nous voient assister à des réunions et des formations.Ces heures sont nécessaires pour mener à bien ce projet mais demandent un réel investissement personnel que tout le monde n’est pas prêt  à fournir, ce que je peux facilement comprendre.

Donc, pour répondre à votre question, je n’essaie pas de convaincre qui que ce soit d’adhérer au projet. Nous sommes encore dans la phase « expérimentation » et j’attends moi-même de voir où nous allons aboutir et surtout quels seront les moyens (financiers et matériels) à notre disposition pour poursuivre la mise en œuvre du projet. Si, comme cela est prévu en cas de bilan positif du dispositif, l’évaluation par compétence est généralisée à toutes les 6ème l’année prochaine, de nombreuses heures supplémentaires seront nécessaires et à prévoir dans la DGH…

Quant aux critiques, je n’entends pas réellement sur l’évaluation par compétences en elle-même de la part des collègues. Je les vois surtout s’inquiéter de la lourdeur du dispositif, du temps de travail nécessaire pour faire les choses correctement. Temps qui s’ajouterait à leur charge de travail…Je partage aussi cet avis et cette inquiétude en cas de généralisation à l’ensemble des 6ème.

Ce projet est un beau projet, même si nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour juger de son efficacité. Selon moi, il valorise les élèves et pousse les enseignants à s’interroger sur leurs pratiques. J’espère simplement que nous aurons, les années à venir, les moyens (en temps et en argent !) de le pérenniser !

EMILIE VALERIAN Professeur d'anglais au Collège Lou Vignares, Vedène, le 18 Novembre 2014 à 21:43

Allez, je me prends à rêver - pour faire plus sérieux, je dirai que j'anticipe ou que je fais de la prévision:

L'année a bien avancé et vos collègues, en salle des profs, se plaignent de ces élèves qui ne travaillent pas, manquent d'autonomie, ne s'intéressent pas à leurs études . Et vous pendant ce temps, vous vous direz que les vôtres travaillent, s'accrochent, que l'autoévaluation commence à faire de l'effet, qu'ils progressent.

A la rentrée prochaine, le logiciel Sacoche sera à votre main, la fabrication des grilles d'évaluation n'aura plus de secret pour vous, votre analyse des élèves en difficultés sera très fine, les exercices à inventer vous viendront très vite . Bref, vous aurez de l'expérience et la satisfaction d'avoir bien progressé.

Bon, il faudra alors appuyer les collègues qui se lancent, les encourager....Bref , une histoire sans fin.

Avec toute ma sympathie

Michèle Amiel

 

Michèle Amiel Proviseure honoraire, le 19 Novembre 2014 à 16:48

J'ai eu le grand plaisir de travailler avec les collègues de cet établissement (Vedène, Lou VIgnarès) associés à d'autres collègues intéressés par les classes "sans notes" qui sont en fait "à évaluation différente". Les bilans d'étape élèves et parents sont encourageants et ont servi pour le démarrage de ce stage de deux jours où nous avons travaillé sur les tâches complexes et sur la remédiation, deux axes forts de l'approche par compétences. Beaucoup de dynamisme, de sérieux chez tous ces collègues si désireux de faire réussir leurs élèves; et on a pu expérimenter ce type de travail, certes en modèle réduite et de façon spéciale , pas directement transposable, mais indirectement, oui, avec les deux classes  au cours de passionnantes séances de mise en situation-simulation. Voir ces petits sixièmes si heureux d'avoir produit dans l'heure une affiche sur un événement local ou d'avoir écrit leur texte "je suis un oiseau migrateur" (même si on a ensuite relevé ensemble plein de choses autour des consignes à donner, autour du choix d'intervenir ou non dans le travail, autour de la gestion du temps, autour de l'exploitation par les élèves de grilles d'auto-évaluation, etc), c'était vraiment riche et motivant.

Sur la question du temps, c'est vrai que toute expérience prend du temps au début, car on veut aussi faire du nouveau sans penser assez à alléger l'ancien, par scrupule excessif. il faut apprendre à économiser son énergie, à s'inventer de "nouvelles routines". Je sais que dans une pratique "sans notes", au bout de deux ou trois ans, j'ai réussi à aller beaucoup plus vite, sans vouloir trop évaluer, tout évaluer....

Mais je reviens de ces deux jours plein d'espoir dans les potentialités que renferme le corps professoral et que l'Institution doit apprendre davantage à exploiter, en pilotant et en laissant faire et être autonomes, dans la tension des deux (ni le "débrouillez-vous" ni le "faites comme ça et pas autrement"!

jm Zakhartchouk

Jean-Michel Zakhartchouk enseignant dans l'Oise et rédacteur cahiers pédagogiques, le 14 Décembre 2014 à 10:57
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