Pour faciliter les apprentissages des élèves, les enseignants sont conduits à proposer une diversité de dispositifs qui les conduit à occuper alternativement plusieurs fonctions : enseigner, animer, conseiller, accompagner, évaluer etc. Chacune de ces fonctions suppose des compétences spécifiques. Or, des travaux de chercheurs portant sur l’accompagnement de stagiaires par des tuteurs montrent que l’habitus enseignant parasite souvent la mise en place du positionnement nécessaire à cet accompagnement. Se référant à la catégorisation de Elias Porter, collaborateur de Carl Rogers,  Jean-Paul Dugal (Travail et formation en éducation n° 4 ,) montre que les tuteurs adoptent trois attitudes dominantes : les attitudes d’investigation, d’évaluation et de décision là où il serait au moins aussi utile de développer des attitudes de compréhension, soutien, interprétation. Plutôt que « donner des conseils » ou « décider pour l’autre », ne serait-il pas bénéfique de « tenir conseil », à deux ou à plusieurs à propos d’un objet de travail partagé ? Ces observations valent aussi pour les dispositifs d’accompagnement des élèves.
Pour accompagner, il est donc nécessaire d’effectuer des ruptures par rapport à  une vision dominante du métier centrée sur la transmission. Ces ruptures  nous semblent bien identifiées  par Anne Marie Bériot (dans le n° 31 de la revue de l’ex-INRP : Recherche et formation). Celle-ci souligne la nécessité de

  • Passer de la parole du professeur à l’écoute  de l’élève
  • Travailler collectivement et casser le cloisonnement disciplinaire
  • Porter un regard différent sur l’acte d’apprendre
  • Miser sur la dynamique créative de l’enseignant pour favoriser les apprentissages des élèves

Ces ruptures avec la situation transmissive supposent de développer ou renforcer des compétences. Pour Françoise Clerc (HSN n° 22 des Cahiers pédagogiques) elles sont de trois ordres : les compétences d’analyse et de diagnostic, l’apprentissage de l’attitude d’écoute, l’appropriation d’outils conceptuels nécessaires à la maitrise des problématiques induites par l’accompagnement et par une réflexion sur l’engagement éducatif auprès des familles.

Toutefois ce n’est pas la somme des compétences développées individuellement par chaque enseignant qui fera la réussite du dispositif d’accompagnement, mais bien plutôt le passage à une culture de coopération qui favorise la régulation  collective de situations de travail très différenciées. La responsabilité individuelle de chaque enseignant est engagée, mais doit  pouvoir s’inscrire dans l’exercice collégial de la responsabilité d’une équipe.  Cet impératif suppose des temps et des lieux pour poser des diagnostics collectifs, pour inventer et ajuster des réponses, pour évaluer la pertinence des actions entreprises. C’est donc l’organisation du travail collectif qui est en jeu (concertations, emplois du temps, instances de décision, formation…)
 

Rebond 1

 Le texte de Nicole Priou nous invite à engager et approfondir une double réflexion :- sur la nature des compétences caractéristiques d'une posture d'accompagnement des élèves- sur la façon, pour les enseignants, de se doter de cette posture en rupture avec l'habitus de l'enseignant, transmetteur de savoir.

On se doute bien –comme le laisse d'ailleurs entendre Nicole Priou- qu'il y a en quelque sorte homothétie entre l'accompagnement des élèves et l'accompagnement des enseignants. Nous proposons donc de cantonner ce fil à une meilleure compréhension de ce que peut être une posture d'accompagnement des élèves. Pour ce qui est de la construction de cette posture par les enseignants, nous renvoyons au fil, nouvellement créé, consacré à "la formation à l'accompagnement".

Dans son texte introductif, Nicole Priou fait référence à plusieurs types de catégorisation susceptibles de nous fournir des éléments de grilles de lecture des pratiques d'accompagnement. Pour notre part, nous proposons d'y ajouter le petit ouvrage de Gérard Wiel et Georges Lévesque, Penser et pratiquer l'accompagnement (Chronique sociale, 2009), dans lequel le premier de ces auteurs présente une modélisation de sa pratique d'accompagnement des élèves.

Pour prendre la mesure de la tâche, observons, avec Maela Paul (L'accompagnement : une posture professionnelle spécifique ? L'Harmattan, 2004), que l'accompagnement renvoie une "nébuleuse" de dispositifs, qu'il est présent dans toutes les pratiques professionnelles de la relation à autrui et qu'il permettrait de faire face à la singularité de chaque situation : "Il n'y a pas d'accompagnement en soi ; c'est une façon de concevoir une pratique sociale de référence".

Dans le cadre de l'Ecole, différents paramètres méritent d'être pris en compte pour caractériser les situations dans lesquelles on peut parler d'accompagnement :

Accompagner… Pourquoi faire ?En dehors de l'accompagnement ponctuel pour permettre à un élève de surmonter une difficulté d'apprentissage, nous pouvons distinguer, avec Georges Lévesque, deux grandes finalités, qui s'inscrivent davantage dans le moyen ou le long terme :• pour permettre aux élèves de rentrer dans la norme scolaire et répondre aux exigences de l'institution et aux attentes des enseignants : il s'agit alors de les faire entrer dans un processus de socialisation scolaire où l'accompagnant sait où il veut emmener les élèves ;• pour leur permettre de s'engager sur la voie de l'émancipation, d'entrer, cette fois-ci, dans un processus d'humanisation où l'accompagnant cherche à favoriser le développement de l'autonomie des accompagnés, indépendamment de toute visée prédéfinie par l’accompagnateur.

Accompagner : qui ?• un public ciblé par l'équipe éducative ou un public volontaire ?• un public dit "en difficulté" ou un public totalement hétérogène ?• des élèves de quel niveau ? collège, lycée (général ou professionnel), "décrocheurs"…

Accompagner : quand et où ?• dans le cadre ordinaire de la classe, lors de séquences d'enseignement-apprentissage ;• à la périphérie de la classe, dans le cadre de dispositifs spécifiques d'accompagnement, individuel ou en groupe ;• en dehors de l'Ecole, dans des structures d'aide, de soutien de divers ordres.

Accompagner : comment ?Nous empruntons les trois figures qui suivent à Maela Paul, en les rebaptisant quelque peu à la suite d'échanges très riches que nous avons eus dans le cadre d'un GRF (Groupe Recherche Formation) sur "La posture de l'adulte dans l'accompagnement des élèves en difficulté" !• guider : l'accompagnateur sait où il veut emmener le groupe ou l'individu ; il anticipe sur le chemin à suivre en faisant jouer son expertise du monde scolaire ;• cheminer avec : l'accompagnateur et le groupe (ou l'élève) cheminent côte-à-côte : ce sont les interactions entre eux qui permettent de définir ensemble le chemin à emprunter, avec d'incessants tâtonnements, réajustements, réorientations…• soutenir : l'accompagnateur est attentif aux possibles défaillances ou difficultés particulières rencontrées par l'une ou l'autre personne, et intervient en conséquence.

A la diversité des configurations possibles par le croisement des paramètres pris en compte, correspond sans doute une diversité de pratiques d'accompagnement des élèves. La singularité des expériences individuelles est-elle irréductible ou bien est-il possible d'identifier un certain nombre de gestes professionnels (compétences, capacités, attitudes…) susceptibles de dessiner les contours d'une posture spécifique d'accompagnement des élèves ?

Pour tenter de répondre à cette question, il nous semblerait intéressant de réunir ici des témoignages sur des pratiques d'accompagnement en s'attachant à :- préciser les caractéristiques de la situation ;- décrire la façon dont l'accompagnement a été mis en œuvre ;- faire part des réflexions, des interrogations suscitées par l'expérience vécue.

A vos claviers ! 

Merci pour cette référence à l'ouvrage de 2004 (ouvrage de fond. Un nouvel ouvrage pourrait être utile car destiné aux professionnels de l'accompagnement : "La Démarche d'accompagnement", De Boeck, 2016
Maela Paul Formatrice-Chercheure, le 25 Octobre 2016 à 18:35
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