Rebond 1

Accompagner un élève ou accompagner un groupe d'élèves ?

Dans le premier cas, il s'agit d'une relation duelle prof/élève qui, de prime abord, s'apparente davantage à du tutorat. Cette relation asymétrique nous met mal à l’aise dans la mesure où elle reproduit la relation prof/élève, de nature hiérarchique. Dans ce face-à-face, l’élève a trop souvent tendance à fournir à l’enseignant les réponses qu’il a envie d’entendre. Par ailleurs, pour le professeur, il est difficile de rester dans une attitude d’empathie, surtout si l’élève résiste.

A l’inverse, dans le second cas, il s'agit de privilégier les interactions entre et avec les élèves. Le groupe peut alors jouer un rôle de médiation, de triangulation qui met l’animateur et l’élève à l’abri d'une relation directe, de type face-à-face. Dans cette configuration, on peut aboutir plus facilement à l’émergence d’une parole authentique de l’élève sur son expérience scolaire. C'est cette modalité que nous privilégions et dont nous rendons compte dans notre ouvrage Rendre la parole aux élèves. Clés pour les accompagner sur les voies de la réussite (Chronique Sociale, 2013).

Cette prise en charge collective a d’autres vertus. Elle permet à chaque élève de se rendre compte qu’il n’est pas le seul à être en difficulté ; c’est l’un des aspects les plus appréciés par nos élèves qui ressort des bilans individuels rédigés en fin de module d’accompagnement personnalisé :"Quand on a pu choisir nos photos, de voir que d'autres personnes pensaient comme nous, même si on n'était pas du même collège d'avant, d'autres personnes ont dit la même chose par rapport à la seconde… Y en a qui ont les mêmes idées que nous, on n’était pas tout seul à penser la même chose… Et de voir qu'y en a d'autres qui ont aussi des difficultés, que c'est dur, ça fait quand même du bien que d'autres, y pensent comme moi". Marina – Elève de 2nde

Le groupe joue ainsi, grâce à la mise en place d'un cadre rigoureux de la prise et du respect de la parole, un rôle positif dans la restauration de l’estime de soi et le développement de la confiance en soi.

Le groupe permet également d’échanger des pratiques scolaires selon le même protocole qu’en formation d’adultes. Dans ces séances, la réflexion individuelle porte sur une thématique précise  à partir d’une situation récente. L’explicitation des récits et les échanges qui suivent permettent de construire collectivement les « gestes de l’étude » qui font le plus souvent défaut aux élèves en difficulté (cf clé n° 6 de la deuxième partie de notre ouvrage, pp. 141-156).

De la même façon, le retour sur les apprentissages réalisés pendant une période déterminée amène les élèves à confronter leur point de vue et à enrichir leur approche des savoirs en jeu dans les cours. Ce que nous appelons « pause réflexive » (clé n° 5 de notre ouvrage, pp. 123-140) est en totale résonance avec la pratique du « journal des apprentissages » en primaire, présentée et analysée par J. Crinon dans l’ouvrage « Parler et écrire pour penser, apprendre et se construire. L’écrit et l’oral réflexifs » (PUF – 2002, pp. 123-143). L’auteur montre l’intérêt de la réflexion collective à partir d’écrits individuels : "le dispositif, par une alternance des moments d'écriture individuelle et des moments de commentaires en classe est particulièrement adapté pour favoriser la prise de conscience individuelle, par l'activité collective, du processus de co-construction des connaissances." p. 137. Jean-Pierre Bourreau & Michèle Sanchez

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