il y a quelques années, Librio avait édité un recueil sur la "rentrée". J'avais beaucoup aimé le texte dont j'ai enlevé la fin. Je l'avais cité sur le site il y a quelque temps et j'avais eu beaucoup de demandes de ce texte introuvable. Je ne mets pas la fin pour faire chercher, mais je l'enverrai sur demande, car il faut chercher la solution. Un très bon texte pour faire faire des hypothèses de lecture, cycle 4, mais pourquoi pas avant?

 

"Conscience professionnelle
(Daniel Zimmermann, recueil de nouvelles « C’est la rentrée », Librio, 1997)

- Demain c'est la rentrée, Minette. Alors tu comprends, il faut que nous allions nous coucher de bonne heure.
La chatte est lovée sur les genoux de M. Morin. Ses oreilles tressautent, spasmodiques, son maître lui parle si rarement. Le feu de bois brûle, clair, dans la grande cheminée, illumine de clartés douces et dansantes la spacieuse salle aux poutres apparentes. De l'index, M. Morin caresse la chatte entre les oreilles, elle ronronne, le pur bonheur. Allons au lit, demain il y a école!
Étendu sur le dos, la chatte démesurément longue sur sa poitrine et son ventre,
M. Morin révise mentalement le déroulement de la journée de demain. D'abord l'accueil de ses nouveaux élèves., A peine souriant, infléchissant dans les graves sa voix de baryton bien posée, il leur exprimera ses souhaits d'une heureuse année scolaire, capitale néanmoins, le cours moyen est déterminant pour l'entrée au collège.
Autrefois, au début de sa carrière, les veilles de rentrée étaient pour lui source d'angoisse et de cauchemars. Le directeur lui apprenait qu'il était muté in extremis. L'inspecteur lui reprochait son manque de discipline. Le ministre le révoquait pour pédophilie. Les enfants ne l'écoutaient pas, ou s'évanouissaient dans la nature. Maintenant il est sûr de son métier. Il dort sans rêves.
Le réveil sonne. Six heures trente, il allume une bougie. il se lève, frissonne, désormais l'hiver est précoce sur la Côte d'Azur. Il est pénible de se doucher et de se raser à l'eau froide, néanmoins, s'il veut sans rougir inculquer de sains principes hygiénistes à ses chères têtes blondes, il se doit de les appliquer à lui-même.
Il ouvre un berlingot de lait, périmé, mais qu'importe, en partage inégalitairement le contenu entre la chatte et lui. Il hésite, enfin, aujourd'hui il peut quand même se permettre une folie, il entame son dernier paquet de biscuits.
Il sort, emmitouflé. Le jour se lève. Personne dans les rues. Ni dans la cour de l'école Jules-Ferry. A leur habitude, le directeur et les collègues n'arriveront pas avant huit heures. Il est plaisant d'être seul dans l'immense bâtiment en brique rouge, à trois étages, symbole éclatant de l'effort éducatif accompli par la IIIe République. En même temps, M. Morin éprouve une certaine nostalgie à se retrouver dans une salle de classe à l'image de celle qu'il connut dans son enfance. Au fond, le poêle à bois et la pile de bûches, à utiliser avec parcimonie quand surviendront les grands gels. Les trois rangées de bureaux dénichés dans une réserve municipale, bancs étroits, pupitres rabattables, encriers de faïence blanche en haut à droite. Avec componction, M. Morin les emplit d'encre violette.
A chacune des trente places il dispose de façon harmonieuse les fournitures scolaires, porte-plumes munis d'une Sergent-major, buvards, crayons noirs et rouges, cahiers neufs et livres divers, il laissera dix minutes aux élèves pour tripoter ces trésors. Ensuite la leçon de morale. Il monte sur l'estrade, saisit un bâton de craie, écrit la date au tableau: Jeudi 4 septembre 2001, avec pleins et déliés, puis la maxime du jour: La paresse est mère de tous les vices, qu'il paraphrasera durant un quart d'heure, en démarrant sur une note d'humour.
Il s'assoit à sa chaire surélevée, consulte ses fiches de préparation, impeccables, en quelle année déjà M. l'inspecteur lui en avait-il fait grand compliment ? Il va à la fenêtre, la cour est toujours vide. Huit heures quinze, un début de panique, accélération cardiaque, sueurs froides, il s'éponge le front. La sonnerie de huit heures trente, stridente, il ferme les yeux, elle cesse, il les rouvre, nul miracle."

Rebonds 4

Bon je tente une suite (courte si j'ai bien compris) sans rêve.....

 

Jean-Baptiste regarde l'horloge qui trônait dans la salle de rédaction de TF6.

Neuf heures.

- Au fait, on a bien prévenu tout le monde que le tournage de la troisième saison de "L'école c'était bien mieux avant" a été annulée ?

- Oui t'inquiète pas, le stagiaire a envoyé un SMS à tout le monde.

 

Comme chaque jour depuis 30 ans, il entend dans la cours le directeur qui crie : "bonjours les marmottes !" comme chaque jour depuis trente ans, il va revivre l'arrivée bruyante des élèves et cette rentrée qui n'en finit pas de recommencer.

Et bien non ! Fini le jour sans fin.

Aujourd'hui il change tout : il se lance dans la classe coopérative.

et demain sera vraiment un autre jour !

Monsieur Morin sortit dans la pénombre du couloir, traversa la cour silencieuse et se dirigea vers le portail d'entrée. Un brouhaha le saisit : l'enceinte était entourée d'un cordon de policiers:

" Monsieur Morin, rendez-vous, c'est fini!

- je ne me rendrai pas . Je veux parler au ministre ou je fais tout sauter . J'ai mis des explosifs partout!"

Le ministre Blanquer se dressa aux côtés de l'officier de police et prit le porte-voix:

" Monsieur Morin, ne gâchez pas cette belle journée si importante pour les enfants. Je vous en prie, pas de fausses notes aujourd'hui!

- Monsieur, le ministre, je veux des garanties .

- Vous les avez, Monsieur Morin, la méthode globale ne sera plus appliquée en France. Vos élèves de CM1 ne seront plus en difficulté ."

Monsieur Morin retourna dans la cour. Il s'assit par terre et se mit à pleurer.

 

voici la vraie fin

Depuis que les hommes ont tout détruit avec leur bombe à neutrons, monsieur Morin et sa chatte sont seuls sur la terre

Pardon pour le retard à la dévoiler...

les réponses de Crapistes sont celles de pédagogues, bien sûr.Mais très intéressant à faire avec des élèves et des profs de français en formation. Personne ne trouve cette fin à vrai dire. Avec les élèves, il faut absolument interdire que la fin soit le réveil d'un rêve (et en général, pour tout récit de ce genre, il faut proscrire ça absolument). Et il est intéressant de discuter en classe autour de ce texte, et les indices qu'on y trouve (le climat s'est modifié, ce n'est pas pour rien qu'on nous dit ça, et la monstruosité du chat, qui est évoqué légèrement, mais tout a un sens). Assez passionnant, car la modification climatique de toutes façons (le froid sur la Côte d'Azur) invalide d'autres hypothèses (en fait, il y a un "pacte de lecture" comme dit Umberto Eco: tous les détails doivent être signifiants, sinon, on trahit le pacte). Depuis plusieurs années, pas mal de profs m'ont demandé ce texte et je pense qu'ils en font bon usage.

Allez, pour s'entretenir, un autre petit texte en forme d'énigme que j'ai souvent travaillé avec des élèves aussi à l'occasion d'un travail sur les contes orientaux. Un vieil homme en mourant laisse un testament: il a deux fils et ses biens reviendront à celui dont le chameau arrivera le dernier à La Mecque (disons qu'ils sont à Bagdad, peu importe). Comment vont-ils faire pour ne pas faire une course de lenteur infinie, où personne n'avance...?

Jean-Michel Zakhartchouk enseignant dans l'Oise et rédacteur cahiers pédagogiques, le 19 Septembre 2017 à 16:42

Zut j'avais raté la côte d'Azur....

Bon pour les chameaux....

je mets ma proposition en fichier joint pour laisser les autres réfléchir sans être influencés (ce n'est pas que j'ai une grande influence mais bon....)

 

Christophe SCHNEIDER enseignant secondaire mathématiques, le 19 Septembre 2017 à 17:51 chameau.odt

Je n'ai pas encore regardé le texte de Christophe (il a énormément d'influence sur moi ;)

Mon esprit crapiste et optimiste tend vers deux fins possibles :

Les deux frères vont s'unir, faire la route ensemble, l'un d'eux traînera un peu au marché avant d'arriver le dernier et de partager avec son frère.

Ou : les deux frères vont se promettre de laisser divaguer leur chameau. S'ensuivra pour chacun d'eux un long voyage à travers le monde, ils vivront des aventures palpitantes en suivant les divagations de leurs camélidés qui ne sentaient plus de joie en découvrant la liberté. Au bout de quelques années, enrichis par leurs rencontres et leurs aventures, ils décident chacun de leur côté (l'un était à Tanger, l'autre à Shangaï) d'aller à La Mecque pour officialiser leur renoncement à l'héritage (parce qu'évidemment ils sont devenus sages et vertueux). Le hasard fait qu'ils arrivent en même temps chez le notaire de La Mecque. Ce dernier, impressionné par leur sage décision, décide d'écrire un livre qui raconterait l'existence d'un père qui en mourant laisse un testament à ses deux fils...

Emilie Pradel Prof d'école , le 19 Septembre 2017 à 20:17

Ils font marcher les chameaux à reculons, pour obtenir un effet de trompe-l'oeil ?

Ils bandent leurs yeux, lancent les chameaux à toute vitesse, et que le meilleur perde ?

Ils mettent les chameaux sur des tapis volants et les en font sauter en même temps?

Ils attachent les pattes des deux chameaux ensemble, pour que les deux arrivent exactement au même moment?

 

Cécile Blanchard Rédactrice en chef des Cahiers pédagogiques, le 20 Septembre 2017 à 10:59

la solution en fichier joint (pour ceux qui ne veulent pas tout de suite la regarder)

 

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